Quel vendredi! A faire pâlir le tristement célèbre Black Friday commercial. Il y a eu la PNQ qui a révélé le tout dernier scandale de la Santé et un nouveau vol sur un lit de cadavres du Covid autour du Molnupiravir et l’accès de rage démontré par le Speaker qui a culminé avec la suspension pour quatre séances des deux députés de l’opposition Paul Bérenger et Shakeel Mohamed.
Les deux situations sont liées, l’embarras des uns expliquant la nervosité des autres et l’extrême irritabilité de la présidence de l’Assemblée nationale et tout cela ne fait hélas que jeter l’opprobre sur la République. Un nominé politique, un agent électoral du Premier ministre qui prive deux élus de leur droit légitime de représenter leurs mandants, ça ne doit se passer ainsi que dans des républiques bananières.
Et que l’on ne vienne pas, pour tenter de se faire bien voir et jouer la fausse carte de la neutralité, prétendre que l’opposition l’aura bien cherché. Si elle n’a pas toujours raison, les récents incidents survenus au Parlement sont le seul fait d’un Speaker qui a dépassé toutes les limites. Pas besoin d’aller loin pour prouver cela. Les statistiques des récentes séances condamnent inexorablement Sooroojdev Phokeer dans sa manière de protéger le Premier ministre et la majorité et celle, vociférante et belliqueuse, de toujours chercher la faute chez les opposants et les sanctionner de manière arbitraire.
Le Parlement a repris ses travaux le 26 octobre sous la présidence du Deputy Speaker Zahid Nazurally. Il a présidé quatre séances à la suite pendant tout un mois. Des différends, les invectives habituelles mais aucun incident. Aucune montée d’adrénaline. Niet. Après son absence aussi prolongée qu’inexpliquée, Sooroojdev Phokeer revient le 23 novembre.
Il tente tant bien que mal de rester dans le tempo imprimé par son adjoint mais pas pour longtemps. Dès le 26 novembre, il expulse Paul Bérenger de l’hémicycle, le 30 novembre, c’est au tour de Patrick Assirvaden d’être renvoyé, les deux pour des raisons absolument triviales. Et le 10 décembre, dans un épisode absolument unique par son contenu et ses conséquences, la sanction d’une suspension pour quatre séances est tombée pour deux membres influents de l’opposition. Si cela n’a rien d’anecdotique dans ce qu’elle a de symptomatique d’une dérive institutionnelle et d’un système organisé pour faire taire les voix contraires, les révélations de Xavier Duval sont aussi d’une extrême gravité.
Les faits mis en avant par le leader de l’opposition sont particulièrement choquants. On est entre le racket, le délit d’initié et la pratique mafieuse. Un médicament anti-Covid acheté à Rs 9.30 un jour et Rs 79.90 le lendemain, c’est trop singulier pour ne pas être entaché de soupçon. Même en bourse on voit rarement des titres s’apprécier à une cadence aussi vertigineuse.
Et ce n’est pas seulement Kailesh Jagutpal qui doit répondre de ce scandale mais le fier président du comité national sur le Covid, Pravind Jugnauth qui est allé préparer la population au variant Omicron et fanfaronner à la télévision la veille et célébrer son million de Molnupiravir obtenu. Il est celui-là même qui décrétait l’année dernière qu’il fallait féliciter Pack and Blister pour nous avoir fourgué de la marchandise avariée, du matériel défectueux pour un montant total de Rs 470 millions des deniers publics.
Comment l’importateur, qui a été enregistré en juillet 2021 a su que ce Molnupiravir sera autorisé et qu’il a déjà passé commande pour un million de la version générique? Est-ce que la qualité du produit a été établie avant d’être acceptée? Autant de questions qui sont sur la table.
C’est avec amusement que l’on a entendu sur une radio hier une invitation à l’opposition à suivre les injonctions de Kailesh Jagutpal à aller soit à la police soit à l’ICAC. Et ce n’était pas une farce. Il y a des députés qui, l’année dernière, ont alerté et la police et l’CAC sur les achats Covid de 2020 au coût de Rs 1,2 milliards. Entre bijoutiers et quincaillers, le dossier était particulièrement édifiant.
L’enquête judiciaire sur l’affaire Kistnen a permis de démontrer comment les contrats avaient été alloués, de manière illégale, tant par la Santé que par la State Trading Corporation. Celle des institutions aux ordres avait d’abord ciblé les cadres à la Santé qui étaient soupçonnés d’avoir refilé des informations à l’opposition. Il y eut ensuite quelques interpellations sans suite.
Ces gens là, ces profiteurs sans foi ni loi doivent prier pour que dure la pandémie et que perdure l’opportunité pour de bonnes affaires, pour les contrats juteux qui tombent à pic pour les protégés, les petits copains et les petites coquines.
Et que ceux qui, en ignorant faire le lit du fascisme, font le procès permanent de l’opposition comme de la presse, reconnaissent que leur utilité, leur pertinence et leur raison d’être dans une société démocratique dont les fondements sont menacés, reste le meilleur rempart contre un pouvoir arbitraire, opaque et «dominer». Sans la presse, aucune information sur les abus des puissants, sur les dérives des institutions. Sans l’opposition, qui aurait su que le gouvernement qui disait que tout était sous contrôle lancerait un SOS à La Réunion voisine pour de l’oxygène en urgence avec le Barracuda faisant le va et vient sur plusieurs jours pour aller le récupérer.
C’est la PNQ du 19 novembre dernier qui a permis de savoir cela comme c’est celle de vendredi dernier qui a révélé le scandale du Monulpatvir. Que ceux qui ont pour passetemps favori de tirer sur l’ambulance ou sur les messagers qui déterrent les scandales et qui exposent la vénalité des puissants rangent leurs armes et leurs critiques déplacées.
Ils pourraient demain eux- mêmes être les victimes d’un pouvoir corrompu et dictatorial, un dyptique étant souvent indissociable. Et c’est alors qu’ils pourraient rechercher le soutien et la protection des contre- pouvoirs si essentiels…
Josie Lebrasse