Violents, les jeunes ?

Deux faits dits « divers » ont ébranlé l’île de La Réunion, ces deux dernières semaines. Deux affaires extrêmement violentes impliquant des jeunes, très jeunes, de 14 et 15 ans.

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Il y a d’abord l’histoire de Shana. Cette jeune habitante de Saint-Denis, qui allait bientôt avoir 16 ans, était en apprentissage au Pôle formation Centhor à Saint-Paul. Le 16 septembre dernier, elle prend le bus pour Saint-Louis, pour y retrouver une « amie » rencontrée quelques jours auparavant via les réseaux sociaux. À partir de là, la jeune fille ne donne plus signe de vie.

Sans nouvelles de sa fille, le père de Shana alerte la police dans la soirée de samedi. Celle-ci ouvre une enquête pour disparition inquiétante de mineur. Mais les recherches ne donnent rien. C’est finalement en se penchant sur les données internet liées au téléphone de Shana que la police découvre, quatre jours plus tard, ses échanges avec une jeune collégienne de 14 ans, résidant à Saint-Louis.

Placée en garde à vue, cette dernière finit par reconnaître son implication dans l’assassinat de la jeune Shana, avec la complicité de son copain, un lycéen âgé de 16 ans. Et livre de nombreux détails sur le crime perpétré le samedi 16 septembre.

Il en ressort ainsi qu’une semaine plus tôt, la jeune Saint-louisienne entre en contact, sur les réseaux sociaux, avec la jeune Shana, qu’elle ne connaissait pas auparavant. Elle lui propose de se rendre à Saint-Pierre et l’emmène jusqu’aux vestiges de l’ancienne usine sucrière de Pierrefonds. Là, son complice les attend. Là, la police va finalement retrouver le corps massacré de Shana.

La jeune Saint-louisienne est immédiatement incarcérée dans le quartier des mineurs du centre pénitentiaire de Domenjod. Son copain et complice, lui, n’a pu, dans un premier temps, être auditionné qu’une seule fois, avant de commencer à présenter « des signes d’agitation ». Ayant déjà effectué plusieurs séjours en milieu psychiatrique par le passé, et commis au moins une tentative de suicide, l’adolescent n’était, selon avis médical, pas en état d’être entendu plus longuement. Il a ainsi vu sa garde à vue être levée, pour être placé dans un établissement public de santé mentale. À sa sortie huit jours plus tard, soit le 28 septembre dernier, il a été présenté au juge d’instruction, mis en examen pour assassinat et placé, lui aussi, en détention provisoire à Domenjod.

À ce stade, les autorités indiquent que l’enquête se poursuivra sous commission rogatoire et qu’il y aura une analyse approfondie du déroulement des faits et des personnalités des deux jeunes assassins présumés. Mais ce qui ajoute à l’émoi dans cette affaire, c’est le mobile avancé à ce stade par les deux jeunes : d’après ce qu’ils ont dit à la police, il ne s’agissait pas d’une vengeance ou de quelque chose lié à Shana en particulier. Juste une curiosité morbide, consistant à vouloir voir ce que cela fait de faire souffrir et de tuer quelqu’un…

L’effroi n’a pas le temps de retomber que surgit la deuxième affaire. Le samedi 30 septembre, vers 20h45, une jeune mère de famille de 25 ans est grièvement blessée lorsqu’un gros galet de plus de deux kilos et d’environ 20 centimètres sur 20 traverse le pare-brise de la voiture conduite par son mari et l’atteint en pleine tête. Son pronostic vital est engagé. Deux jours plus tard, elle décède au CHU de Saint-Pierre. Le problème c’est qu’il ne s’agit pas de galets qui se seraient décrochés d’une falaise, comme c’est souvent le cas à La Réunion. Non, ces galets ont été délibérément jetés par un groupe de jeunes sur les véhicules passant sous le pont de la Rivière des Galets, au Port. Cinq adolescents – deux âgés de 14 ans et trois de 15 ans –, domiciliés au Port et à La Possession, sont interpelés par les enquêteurs.

Les premiers éléments recueillis par la police révèlent que ces jeunes auraient transporté sur place les galets devant leur servir de projectiles en les chargeant à bord d’un chariot de supermarché. Ils auraient au total atteint 7 véhicules, dont une voiture sur laquelle ils ont carrément jeté le caddie par-dessus la rambarde du pont.

L’enquête a également permis d’établir que plusieurs plaintes ont été recueillies pour des faits similaires les 23 et 27 septembre 2023, ayant occasionné « des dégradations, des chocs psychologiques, des blessures légères ».

Là aussi, l’effroi vient du fait que les jeunes placés en garde à vue, suite au décès de la jeune femme survenu le 30 septembre, semblent, selon ceux qui les rencontrent, ne pas se sentir concernés par le drame, ne pas mesurer la gravité de leurs actes et ne manifester aucune espèce de compassion pour leurs victimes. Alors qu’ils sont concernés par une information judiciaire pour assassinat, tentative et association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes.

Dans ces cas à La Réunion, comme dans les récentes émeutes en France, comme dans de nombreuses affaires ces derniers mois à travers le monde, c’est le rajeunissement des infracteurs qui interpelle. Avec des jeunes de 14-15 ans qui cassent, pillent, incendient, tuent.

Les observateurs soulignent aussi que l’on remarque une gradation de la violence. Au-delà de petites confrontations entre individus ou entre bandes rivales, les actes se révèlent de plus en plus durs, de plus en plus violents. Ces violences sont de plus en plus « décomplexées », disent ceux qui les observent.

Et à Maurice, on s’émeut depuis quelque temps de la violence grandissante qui s’exprime, notamment en milieu scolaire.

Nos jeunes sont-ils plus violents plus jeunes que les générations précédentes ? Pourquoi ?

On peut parler de l’influence des médias. Des études réalisées sur internet, les films, les jeux vidéo, voire la musique, révèlent que la violence que l’on peut y trouver augmente la probabilité de comportement agressif et violent.

Mais il faudrait aussi parler de l’aspect plus global de cette violence.

Cela nous concerne toutes et tous parce que chacun de nous peut, à tout moment, se retrouver confronté à cette violence et en être victime, comme le montrent les deux récentes affaires survenues à La Réunion. Mais il importe aussi de prendre pleinement conscience de notre responsabilité collective à cet égard. Parce que ces jeunes ne vivent pas dans un vacuum. Parce que ces jeunes grandissent et agissent dans une société que nous contribuons à faire, ou que nous laissons faire. Une société qui est, de manière globale, de plus en plus agressive et violente à l’égard des individus. Politiquement, économiquement, socialement. Privilégiant de plus en plus ouvertement le règne impuni de la loi du plus fort.

La violence de nos jeunes doit nous alerter. Pas en se contentant de s’offusquer et de les condamner. Mais en nous interrogeant réellement sur ce que nous faisons, ou pas, pour la favoriser. Car c’est contre nous tous qu’elle se retournera…

« Deux faits dits « divers » ont ébranlé l’île de La Réunion ces deux dernières semaines. Deux affaires extrêmement violentes impliquant des jeunes, très jeunes, de 14 et 15 ans. Comme dans de nombreuses affaires, ces derniers mois à travers le monde, c’est le rajeunissement des infracteurs qui interpelle. Et le fait que cette violence serait de plus en plus « décomplexée » ».

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