Il faut, sans doute, commencer par la bombe, encore une, dirait-on, après le document sur l’état de l’économie, les révélations sur les écoutes téléphoniques à Rs 5 milliards, un budget de service annuel de Rs 350 millions et la découverte d’un réservoir à Rs 74 millions qu’il faut démolir parce qu’il présente des mal façons sur toutes ses façades.
Non, c’est celle avec un grand B qui est tombée, hier, après des perquisitions de la police à Terre Rouge et Pointe aux Canonniers qui ont permis de procéder à l’arrestation de deux personnes en possession de près d’un demi-milliard de roupies. C’est du moins ce qui transpire à ce stade des investigations.
Ce n’est pas tant les personnes appréhendées qui sont les plus intéressantes dans cette enquête, mais ce que l’on a découvert en leur possession, les montres Cartier et Rolex qui, comme on le sait, coûtent… un bras et les millions en liquide soigneusement « gardés » par ces messieurs apparemment engagés dans le tourisme et l’immobilier, secteurs d’activités qui, souvent, servent de couverture pour de basses besognes de blanchiment. Les millions seraient tous, en fait, la propriété du cercle de l’ex-Premier ministre, Pravind Jugnauth.
Ce qui a provoqué une perquisition à Angus Road, dans l’après midi d’hier. On peut parier que rien de compromettant ne sera découvert à cette adresse, qui est elle-même objet d’une enquête qui n’a pas abouti sous l’ICAC de Navin Beekarry. Parce que, comme dit notre bon kreol, tout ce qu’il y a d’incriminant a dû être « défalqué » d’Angus Road. Et se retrouver dans d’autres valises quelque part, à Maurice même, ou à l’étranger.
On peut comprendre aujourd’hui ceux qui avaient vu d’un très mauvais œil le voyage à l’étranger, avec traitement VIP pour Pravind Jugnauth et sa famille, juste après les dernières élections générales. Ils auraient préféré que le nouveau régime fasse comme celui qui l’a précédé et que l’annonce d’une « objection to departure » contre Navin Ramgoolam soit émise le jour même des résultats des élections, le 11 décembre 2014.
Des directives ont été données, dès hier, pour que l’ex-PM, l’ancienne vraie cheffe de gouvernement, Kobita Jugnauth, son frère Sanjiv Ramdanee – qui doit, désormais, faire une vraie crise d’urticaire sur tout le corps que même les nombreuses bouffées des plus sophistiqués des cigares ne sauraient atténuer – et le fameux « marchand poisson », Basoodeo Kumar Seetaram ne quittent le pays sans avoir au moins défilé au Réduit Triangle.
Les déplacements à l’étranger, étonnamment bien fréquents pour les protégés du MSM depuis la débâcle de ce parti sont, eux mêmes, bien suspects et donnent lieu à de nombreuses conjectures. Qu’ont Harvesh Seegoolam ou encore Sham Mathura de si important à faire en dehors de Maurice, alors qu’ils doivent répondre de graves accusations ici ?
C’est dans ce sens que la traque des mouvements d’argent et des investissements, dans l’immobilier, notamment à Dubai, doivent faire l’objet de recherches forensiques poussées de la part d’enquêteurs chevronnés. S’il n’y a pas de telles compétences disponibles ici, il faut rapidement demander l’aide d’enquêteurs étrangers.
L’enquête dans l’affaire Jugnauth ne fait que démarrer au niveau de la Financial Crimes Commission. Elle prend le relais de la police. La FCC, c’est la créature de Pravind Jugnauth ça, non ? Quelle ironie ! Et si le nouveau gouvernement n’avait pas rapidement restauré les pouvoirs du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), confisqués à dessein par le MSM et ses acolytes, cette FCC aurait pu déjà décider de son propre chef d’arrêter l’ex-PM et son entourage proche et de les mettre au chaud à Alacatraz ou ailleurs.
Pourquoi finalement tout cela ne surprend personne ? Après le Sun Trust et Medpoint, les Mauriciens sont, depuis longtemps, arrivés à la conclusion que les Jugnauth et l’argent, c’est une relation toxique. Il n’y a qu’à revenir aux Moustass Leaks pour comprendre comment fonctionnait le système bien rôdé des tenants du Sun Trust.
Qui ne se souvient de cette conversation où l’on peut entendre Kobita Jugnauth demander à la secrétaire administrative du Sun Trust, Madame Curpen, de garder au chaud les Rs 200,000 laissées par un entrepreneur pour lequel elle était intervenue en vue de lui faciliter l’accès à un contrat de gardiennage. Combien de Rs 200,000 comme ça…?
Et ce monsieur Seetaram, cité dans la présente affaire, celui qui a toujours été dans le giron des Jugnauth, celui qui avait fait une descente inopinée sur le Wakashio – ce navire échoué sur lequel le cardinal Piat avait demandé s’il n’était pas un transporteur de drogue – et que l’on retrouve aussi dans les carnets de campagne 2019 de Soopramanien Kistnen, liquidé dans les conditions que l’on sait et dans la pure tradition des opérations mafieuses.
On ne sait pas si c’est le fameux Judas qui a, une nouvelle fois, exercé son métier de prédilection qui est de vendre ceux qui l’ont « nourri », qui a mis la police, avec laquelle il s’est frotté la semaine dernière, sur la piste des gardiens du trésor des Jugnauth, mais l’affaire qui éclate provoquera, à coup sûr, des développements sur le plan politique et judiciaire.
Cette affaire intervient quelques jours seulement après la publication annuelle de Transparency International qui classe Maurice à la 56ème place d’une échelle de 180 pays. Elle est devancée en Afrique par les Seychelles, le Cap Vert, le Botswana et le Rwanda. Ce classement est une honte pour un pays qui, il n’y a pas si longtemps, se projetait comme un exemple de démocratie et de bonne gouvernance pour l’Afrique.
Tout cela explique l’urgence du renforcement de nos lois sans attendre les déclarations parfois farfelues de Transparency Mauritius qui, l’année dernière, avait, d’ailleurs, « favorablement accueilli » la progression d’un point au classement, alors que les scandales se multipliaient sous le régime MSM.
La réforme électorale, la loi sur le financement des partis, la National Crime Agency, le Freedom of Information Act, c’est maintenant, c’est urgent.