Une reculade obligée

La dame de 85 ans qui a obtenu du ministère de son fils la modification de l’usage de son bail – qui a été en plus renouvelé pour 60 ans –, a fini par renoncer à son projet. La reculade est obligée parce que, à bien des égards, cette affaire avait toutes les caractéristiques d’un nouveau scandale du siècle style Medpoint.
Le renoncement est en lui-même un aveu de culpabilité. Il annule surtout les arguments de Steve Obeegadoo qui parlait de “zet labou” et qui invitait les dénonciateurs à se tourner vers cette structure contestée qu’est la Financial Crimes Commission.
Et si notre confrère Le Mauricien n’avait pas révélé le pot aux roses et qu’un lanceur d’alerte – intéressé ou pas, animé par des motifs politiciens, personnels ou pas, là n’est absolument pas la question – n’avait pas décidé de porter cette affaire sur la place publique, le projet aurait tranquillement suivi son cours jusqu’à sa réalisation.
Avec ses heureux promoteurs engrangeant des millions sur les terres de l’État, ce qui est, on l’oublie bien trop souvent, notre patrimoine à tous et non pas la propriété du clan Jugnauth ou celui des Obeegadoo.
Tout dans ce dossier sent la combine, le népotisme, le conflit d’intérêt et la corruption. Le ministre des Terres et du Logement, qui a récemment procédé à des amendements de dernière heure au State Land Act, a tenté de s’expliquer après que l’affaire ait provoqué un séisme dans l’opinion.
Steve Obeegadoo n’était au courant de rien. Il n’a pas traité le dossier de “mammy” et il s’est même trouvé qu’il n’était pas au pays lors de l’examen du projet en Conseil des ministres. À l’écouter, on serait amené à comprendre qu’on lui aurait carrément fait un enfant dans le dos. Et Steve Obeegadoo pense que la population va gober de telles énormités !
Il n’est pas au courant des dossiers aussi sensibles que l’attribution des terres de l’État et leur utilisation ? Demain, un trafiquant de drogue peut faire une demande de bail et cultiver du gandia sur des parcelles appartenant à la nation, et il n’en saurait rien, le pauvre ! Il ne semble être bien branché que lorsqu’il s’agit de donner suite aux injonctions d’un Sooroojdev Phokeer pour suspendre les députés de l’opposition du Parlement pour de très longues séances.
Autre argument avancé pour essayer de se dédouaner : il a renoncé à ses droits de succession. La belle affaire ! Et qui bénéficiera éventuellement de ces droits lorsque sa mère ne sera plus de ce monde si ce n’est lui-même, son frère, casé à l’Economic Development Board et leurs ayants droit.
De toutes les explications fournies, l’absence du Conseil des ministres au moment de la prise de décision de prolonger le bail et d’en modifier l’utilisation est celle qui a suscité le plus de sarcasme. Avec raison. S’il n’était pas au courant de la demande de sa mère, pourquoi s’est-il volatilisé le jour de la considération du dossier pour décision ?
Si celui qui estimait, il y a quelques années, que le régime Jugnauth était “une démocratie bancale” pour la transparence, il nous dirait pourquoi il s’était éclipsé et où il a été se balader pour ne pas être au Conseil des ministres le jour fatidique où son remplaçant Deepak Balgobin a piloté le dossier et obtenu l’aval de ses pairs pour l’aménagement de la maison de retraite à Rs 400 millions.
Après, rappelons-le, un traitement expéditif, le tout étant bouclé en un mois seulement. Il fallait faire vite. Avant les élections générales qui approchent… Parce que, en politique, on ne sait jamais de quoi sera fait demain et si, comme à Curepipe, en ce moment, les fêtes familiales – qui se succèdent sous l’égide du ministère du Tourisme de Steve Obeegadoo et de la municipalité – produisent les résultats escomptés et suscitent l’adhésion.
Lorsqu’on analyse le parcours de ceux qui désertent leur parti d’origine, on constate que la vraie raison de leur subit retournement de veste est les prébendes et les privilèges. Est-ce que la mère de Steve Obeegadoo aurait bénéficié de ce qui, à juste titre, est considéré comme un privilège indu si Monsieur fils était encore un dirigeant du MMM? La réponse à cette question est toute trouvée : non.
Comme Steve Obeegadoo, d’autres ont fui le combat dans l’opposition en fournissant mille et un prétextes pour se justifier, mais qui n’ont convaincu personne tant leur retournement de veste, relevant de motivations clairement pouvoiristes, était intéressé. Le jackpot étant l’ultime objectif.
On pense là à Zouberr Joomaye qui, depuis qu’il a quitté le MMM pour devenir le conseiller “bénévole” de Pravind Jugnauth, après avoir goûté aux brunches du dimanche autour d’une piscine de l’Ouest, est désormais l’heureux propriétaire de trois établissements de soins privés, à Curepipe, Cascavelle et Coromandel.
Le docteur et ancien député MMM du no 13 avait démissionné du MMM peu de temps après qu’il fut révélé qu’il était le bénéficiaire d’une jolie parcelle de Pas Géométriques qui se trouvait sur une co-propriété où on retrouvait aussi un certain Shawkatally Soodhun et son fils.
Pour tous les “vendus” notoires, c’est la même chose, il y a une petite nomination ici et là, il y a un gros retour sur investissement dans le changement de la couleur de la casaque, et il y a surtout les poches qui se gonflent à vue d’œil.
Le tollé provoqué par l’affaire Obeegadoo a poussé sa promotrice à se défiler. C’est dire que le “dépêchage” express par le Sun Trust de la représentante de la troisième génération Obeegadoo n’a pas eu l’effet escompté.
Il ne suffit pas de renoncer au projet de maison de retraite. Il faut que le gouvernement reprenne le bail lui-même parce qu’il n’y a eu aucun développement réalisé sur ce précieux bout de terre depuis des décennies.
Si cet argument a été mis en avant par le ministre des Terres pour reprendre les terres allouées au Centre culturel tamoul, il serait logique qu’il commence à s’appliquer à lui-même et qu’il retourne le bail au peuple. Le “galimatias” qu’il dénonçait péremptoirement à Réduit, c’est finalement lui qui le pratique le mieux.

- Publicité -

JOSIE LEBRASSE

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -