Une formidable caution

Ce fut long, ardu, mais c’est maintenant fait. Les pourparlers en vue d’un arrangement électoral entre la formation de gauche Rezistanz ek Alternativ et l’opposition parlementaire, commencés il y a des mois, ont connu un dénouement positif vendredi avec l’annonce par Ashok Subron lui-même que sa formation rejoignait l’alliance PTr/MMM/ND. À bien des égards, c’est une association logique.

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On peut, comme Paul Bérenger, convoquer, non sans pertinence, l’histoire pour expliquer ce regroupement, le PTr, le MMM ainsi que ReA partageant des traits de naissance communs, un socle initial similaire bâti sur la défense des classes défavorisées et des plus faibles, la féminisation de la vie publique et la promotion d’un programme visant le progrès dans toutes les sphères de la vie publique.

Les uns sont, sans doute, devenus des partis de gouvernement bien trop classiques et conservateurs composant avec le système, le renforçant même, tandis que les autres ont essayé de le combattre de l’intérieur avec quelques avancées notables en matière de redistribution sociale et de nouveaux acquis démocratiques.

ReA aurait pu faire le choix comme d’autres, tout à fait respectable, d’ailleurs, de rester dans la posture du « Think tank » permanent et de venir, régulièrement, avec des propositions concrètes, comme le fait si bien Lalit depuis des décennies maintenant. ReA, qui est d’ailleurs une excroissance de Lalit, a depuis longtemps choisi une autre voie, tout en restant intransigeant sur la délicate question communale, trop présente dans le système électoral et dans la constitution de 68.

Que ReA ait, dans sa stratégie de participer au pouvoir pour essayer de faire changer les choses, opté pour l’alliance de l’opposition, n’a rien d’un hasard. C’est une alliance en devenir PTr/MMM en 2014 qui avait introduit un amendement à la constitution pour permettre aux candidats qui le souhaitaient de ne pas déclarer leur communauté lors de l’enregistrement de leur candidature à une élection générale.

Cette initiative, qui s’inscrivait dans une démarche plus large de réforme du système électoral et d’une féminisation de la classe politique pour plus d’égalité, était aussi la conséquence logique du combat mené par ReA auprès des Nations Unies pour déclarer contraire aux droits fondamentaux d’un citoyen le refus de lui permettre de participer à une consultation populaire s’il ne déclarait pas sa communauté. L’inscription est, comme on le sait, automatiquement rejetée en cas de refus de déclarer sa communauté.

C’est suite à cet amendement : The Constitution (Declaration of Community) (Temporary Provisions) Bill présenté par le Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam que les candidats de ReA et de nombreux autres ont pu participer aux élections générales du 10 décembre 2014, sans être dans l’obligation de déclarer la communauté à laquelle ils appartiennent, qu’il soient réels, revendiqués ou qu’ils refusent d’être dans une quelconque case.

Ceux qui s’étaient prévalus de cette nouvelle disposition en 2014 sont les candidats du MSM. Au no 8, Pravind Jugnauth, Leela Devi Dookun-Luchoomun et Yogida Sawmynaden avaient tous, d’un commun accord, décidé de ne pas décliner leur communauté. C’est aussi l’élection où l’actuelle ministre de l’Éducation avait ravi la première place à son leader de 69 voix.

Ce fut aussi le cas pour Nando Bodha et Roshi Bhadain, tandis que ceux qui avaient introduit l’amendement temporaire et qui avaient ouvert la voie à un dépoussiérage des provisions éculées de notre constitution étaient restés sur le vieux schéma classique de la déclaration communale même lorsqu’ils n’étaient pas, a priori, éligibles à un siège de Best Loser.

L’ironie ne s’arrête pas là. La question de la déclaration ethnique s’est naturellement de nouveau posée avant les élections générales de 2019. Pas de réaction aux appels répétés de ReA et d’autres dans l’opposition parlementaire de venir à nouveau avec un amendement temporaire à la constitution pour permettre à ceux qui opteraient de ne pas déclarer leur appartenance ethnique à pouvoir le faire et ainsi briguer les suffrages.

Pravind Jugnauth, devenu Premier ministre dans les circonstances que l’on sait en janvier 2017, a systématiquement refusé de présenter un nouveau texte au motif que son projet bancal de réforme électorale a été rejeté. Pour lui, c’était à prendre ou à laisser. Et comble d’incohérence et d’hypocrisie, c’est qu’il s’est de nouveau conformé à la déclaration d’appartenance ethnique aux élections générales de 2019. Tout en privant ReA de la possibilité de participer à l’élection.

Voulant en finir avec la façon de gouverner du MSM, ReA – avec un pied dans le monde syndical et un autre dans la défense de l’environnement – avait, au terme d’une réflexion en interne, entrepris de fédérer toutes les oppositions en faisant le tour des partis et leur proposer la constitution d’un gouvernement de transition.

Le projet n’est pas mort et c’est ce que ReA espère réaliser avec les partis de l’opposition parlementaire en vue d’un changement non pas de gouvernement, mais du système lui-même, dont les faiblesses depuis l’Indépendance n’ont cessé d’exaspérer les nouvelles générations. Qu’il réussisse une partie du programme commun dont les détails seront bientôt dévoilés sera déjà un très grand pas en avant.

Le ralliement de ReA à ce qui est désormais décrit par ses animateurs comme l’Alliance du Changement fait des heureux à ceux qui se réclament d’une certaine gauche morale. Celle qui pense que la redistribution sociale et des progrès sur des questions sociétales est, certes, le principal marqueur idéologique, mais que la conduite personnelle de ceux qui s’en réclament est tout aussi cruciale.

La participation de ReA représente, à coup sûr, une formidable caution aux vieux partis qui ont dominé le Parlement depuis des décennies. Celle de la fraîcheur et du renouveau. Reste à transformer cet espoir du changement en actions fortes et vraiment historiques.

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