Une fébrilité suspecte

De multiples conférences de presse, une émission radio, des réponses approximatives à une Private Notice Question et deux convocations express par la police. Cela fait beaucoup en une semaine pour essayer de se désempêtrer du volet crucial de l’affaire Kistnen que constituent les conclusions du rapport de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnauth. Cette grande fébrilité est suspecte.
Maneesh Gobin, qui revêtait samedi dernier ses habits de locataire du Sun Trust, était monté sur ses grands chevaux le week-end dernier pour insister sur le volet fuite du rapport qui était présenté comme un faux. Il suggérait des enquêtes en vue d’établir l’origine de la fuite tout en lançant des piques en direction du DPP. Ce qui était déjà contradictoire, dans la mesure où la divulgation d’un faux rapport n’a aucun sens.
Il a dû, le lendemain, un dimanche, enfiler cette fois sa toge d’Attorney General pour émettre, sans avoir à se soumettre aux questions des journalistes, un communiqué annonçant que le commissaire de police sera « conseillé » d’ouvrir une enquête sur une potentielle affaire de complot et qu’il y aura des consultations avec la cheffe juge pour voir s’il n’y a pas lieu de demander à la Judicial and Legal Service Commission d’initier des mesures.
Lundi, donc, troisième jour consécutif, Maneesh Gobin s’est de nouveau présenté devant la presse pour donner son opinion et observer que le rôle du DPP n’est pas de rendre public un rapport d’enquête judiciaire qui lui a été remis. Le même après-midi, c’était au tour du DPP de venir avec un communiqué cinglant indiquant que son bureau n’allait pas se « laisser intimider ». Et qu’il ignorait les injonctions déplacées du principal conseiller légal du gouvernement MSM et acolytes.
Le lendemain au Parlement, logiquement interpellé sur cette affaire, le Premier ministre a esquivé les questions directes, une posture qu’il privilégie lorsqu’il est en difficulté, et a préféré prendre ombrage du mot « radar » utilisé par le leader de l’opposition et se livrer à une honteuse diversion plutôt que d’éclairer la famille et l’opinion sur le meurtre de son activiste.
Après Maneesh Gobin qui s’est ridiculisé, un autre homme de loi du sérail a été envoyé au front : Ivan Collendavelloo, non pas pour expliquer comment le révoqué qu’il est peut continuer à s’arrimer à son bourreau en faisant preuve d’une rare indignité, mais pour parler de ce fameux rapport qui, décidément, empêche le gouvernement de dormir. Il a fait encore mieux que Maneesh Gobin : il a décidé que Radio Plus, qui a divulgué le rapport, doit venir révéler ses sources. Et quoi encore ? Révéler sa source ? Il connaît des journalistes qui révèlent leurs sources ? Dans quel pays démocratique cela se passe ? On ne sait pas si sa révocation l’a miné au point où il en arrive à dire n’importe quoi, mais entendre une telle requête de la part d’un homme de loi relève tout bonnement de l’absurde.
Sa prestation n’a apparemment pas suffi. Alan Ganoo, dont on aurait pu penser que sa priorité serait de venir annoncer un train de mesures pour désengorger les centres-ville parasités par le passage du tramway, trônait au Sun Trust vendredi pour évoquer une nouvelle fois ce rapport. Or, il aurait dû être la dernière personne à venir en parler, dans la mesure où ce rapport a clairement indiqué que les contrats Covid auraient un lien avec le meurtre de Kistnen. Lorsqu’on sait qu’une proche de ce ministre a été mêlée à l’affaire Molnupiravir, un autre volet du scandale des coûteux achats Covid, il aurait été mieux inspiré de rester un peu loin de toute cette affaire. Mais comme Ivan Collendavelloo, il obéit docilement aux ordres.
À ce rythme, il ne restera plus que la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, à venir avec son petit couplet sur le rapport, elle qui a vendu son « filling » à Carreau Laliane à un des principaux protagonistes de cette affaire, Vinay Appanah, le beau-frère de l’ancien directeur de la STC, Jonathan Ramasamy, lui-même recruté par Yogida Sawmynaden. Comme ramifications particulières au N°8, décidément, la circonscription de toutes les magouilles, on peut difficilement faire mieux !
À peine les enquêtes souhaitées un samedi que la police s’est aussitôt mise en marche. L’organisateur des fêtes d’anniversaire et des pèlerinages en Inde de feu sir Anerood Jugnauth, Bissoon Mungroo, a été convoqué aux Casernes centrales le lendemain d’une interview à l’express. On ne sait pas si le Premier ministre, qui s’est senti visé par certains de ses propos, a consigné une déposition le même jour, soit un dimanche, mais que la police ait agi dès le lendemain, c’est faire preuve d’une célérité impressionnante.
Bissoon Mungroo lundi et, mardi, c’était au tour du directeur de l’information de Radio Plus d’être convoqué aux Casernes centrales. Pour quoi faire ? On n’en sait pas trop, mais toujours est-il que le rendez-vous a été annulé à la dernière minute. C’est peut-être comme la dernière fois, parce que la police n’avait pas encore préparé ses questions. La farce policière est sans limite ! Si seulement cette police, descendue en flammes par la magistrale Vidya Mungroo-Jugurnauth, avait fait preuve de la même diligence pour retrouver le ou les meurtriers de Soopramanien Kistnen, ce serait bien plus judicieux et logique. Mais évoquer la logique avec une police aux ordres, c’est comme cultiver des chimères.
Dans toute cette affaire Kistnen, les coïncidences et les omissions sont trop flagrantes pour qu’elles n’entretiennent pas le soupçon. Prenons le cas de Yogida Sawmynaden, sujet de commentaires bien acerbes dans ce rapport. Il n’a pas fait l’objet de convocation express lui, malgré que la police ait été mise en présence des conclusions du rapport depuis janvier 2022. Ce n’est que lorsque le document a été porté sur la place publique et que le leader de l’opposition a évoqué des directives du bureau du DPP pour qu’il soit inculpé dans l’affaire de l’emploi fictif de la veuve Kistnen qu’on a commencé à s’agiter à la MCIT. Reste à savoir si, comme d’habitude, ce n’est pas juste pour faire semblant.

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JOSIE LEBRASSE

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