Les propositions budgétaires 2023-24 ont été bruyamment applaudies par les députés de la majorité, dont la principale activité — rémunérée des fonds publics — est de tap latab et de hurler Yes ! à toutes les mesures gouvernementales.
Ces propositions ont été, comme d’habitude, dénoncées par les partis de l’opposition — toujours fragmentée —, dont les parlementaires continuent a être suspendus et expulsés du Parlement. Ce qui semble la principale activité du Speaker, lui aussi payé des fonds publics. Pour faire son « travail », il passe son temps à dénicher les mots et termes, selon lui, « unparliamentary ». Une de ses dernières trouvailles pour justifier une expulsion est la phrase suivante : « Le gouvernement est impopulaire » ! Des économistes respectés ont dit, dans les termes techniques appropriés, les inquiétudes que suscitent ce budget, qui ne dit pas où il va prendre ce qu’il promet de donner. Sur son blog, l’économiste Eric Ng a parfaitement résumé cette situation : « Le quatrième Budget de Renganaden Padayachy veut plaire à tout le monde, du plus vulnérable au gros salarié.
En même temps qu’il multiplie les aides, subventions et dégrèvements fiscaux, il allège la taxation des particuliers et abolit la taxe de solidarité (ce qui fait perdre Rs 3 milliards au Trésor public, selon Maurice Stratégie). Se pose alors une question fondamentale : une économie peut-elle soutenir à la fois un État-providence de plus en plus budgétivore et une fiscalité relativement légère ? » Dans l’express d’hier, Sushil Khushiram soulignait, lui aussi, les non-dits de l’exercice budgétaire. « Le budget 2023-24 ne permet pas de résoudre les problèmes fondamentaux de l’économie, de relancer la croissance économique, de freiner l’inflation et la perte du pouvoir d’achat des plus défavorisés, de réduire le déficit commercial pour soutenir la stabilité de la roupie, de lutter contre le gaspillage des fonds publics et contrôler les dépenses improductives et de restaurer la confiance dans l’économie et freiner l’exode des jeunes vers l’étranger. »
Dans le catalogue-cadeau du budget, deux mesures illustrent sa caractéristique, qui est également celle du MSM : décider et annoncer sans mesurer les conséquences pratiques et financières de la décision. Ces mesures sont les Rs 20 000 aux jeunes et la démolition du bâtiment Emmanuel Anquetil. Il est évident que les Rs 20 000 offertes aux jeunes de 18 ans est un cadeau — pour ne pas dire un bribe électoral — à une clientèle électorale qui s’intéresse très peu, ou pas du tout, à la vie politique. Il leur sera offert une prime qu’ils n’auront rien fait, en particulier, pour la mériter et qu’ils vont pouvoir dépenser à leur guise. Aussi bien pour se payer des cours ou des outils pour augmenter leurs connaissances que de s’offrir le dernier gadget électronique à la mode. Dans la logique — pour ne pas dire l’ADN — du MSM, tout peut se vendre et s’acheter à Maurice, surtout les votes. Le tout payé, bien évidemment, des fonds publics.
La démolition du bâtiment Emmanuel Anquetil donne la mesure de l’impréparation et de l’amateurisme du gouvernement. Son ministre des Finances a annoncé que le bâtiment sera rasé et remplacé par une… forêt. À première vue cette annonce est le résultat d’une longue réflexion dans laquelle tous les aspects de cette destruction annoncée — le transfert des ministères qui y sont logés, le coût de l’opération destruction et reconstruction —, entre autres, ont été analysés. En écoutant les réponses vagues du ministre des Infrastructures nationales au leader de l’opposition, on s’est rendu compte que l’annonce de la démolition a été faite « sur un coup de tête » du ministre des Finances juste pour frimer, pour faire un coup de com. Il y a eu un rapport d’experts sur le bâtiment datant de… 2016 proposant quatre solutions, mais ne recommandant pas la démolition, et évaluant la reconstruction à Rs 1,4 milliard. Le ministre a annoncé que c’est un comité interministériel — qui n’a pas encore été constitué ! — qui prendra les décisions concernant la destruction annoncée du bâtiment, dont les installations électriques seront actuellement rénovées pour la somme de Rs 100 millions ! Incohérence qui a permis au leader de l’opposition de souligner, avec raison, l’amateurisme du gouvernement de soutenir que l’annonce de la démolition du bâtiment vient « potentiellement détruire la crédibilité du budget » et de résumer la situation par cette question : « Vous avez décidé de démolir le bâtiment sans connaître le coût de la démolition, sans prendre en compte son effet sur l’environnement immédiat ni où seront relogés les fonctionnaires ni le coût du nouveau bâtiment ? » Savez-vous quelle a été la réponse du ministre des Infrastructures nationales — celui-là même qui nous avait appris que pour faire des œufs il fallait casser des omelettes ? Que l’annonce de la démolition du bâtiment Emmanuel Anquetil « n’est pas un coup de tête (du ministre des Finances) mais un well planned action d’un gouvernement visionnaire. »
Jean-Claude Antoine