L’autre jour, j’ai rencontré Olivia et Arnaud, deux Mauriciens fraîchement mariés, qui habitent près de Sans Souci. Ils m’ont raconté leur virée atypique à travers Maurice, samedi dernier.
Sur un quad, ils voulaient profiter du vent et de la chaleur sur leur peau et avaient besoin de se réchauffer le cœur après les coups de blues causés par les fortes pluies.
L’aventure commence par la préparation d’un en-cas avec des sandwiches bien garnis, des bananes, deux bouteilles d’eau bouillie et quelques gâteaux à la saveur de la vanille faits à partir des quatre cocos que grand-mère Henrietta a déposé après Candice. Allez ! Hop, hop, hop, en route !
Ils arpentent les ruelles de leur village et, en passant devant les trois boutiques de l’endroit, voient des fruits et légumes, dont des calebasses amochées, posées sur du “goni”. Belal a quand même fait pas mal de dégâts : fruits et légumes abîmés, ruelles défoncées, branches cassées, arbres à terre…
Comme les nuages encombrent le ciel, mes nouveaux amis distinguent au loin une montagne blanche et décident d’aller dans cette direction. Rien n’est planifié et c’est au gré de leurs coups de cœur qu’ils avanceront.
Longeant la montagne, ils découvrent un grand bassin d’une eau bleue attrayante. Ils s’arrêtent et marchent aux alentours. De gros bois sont entassés sur une rivière sèche et les moustiques semblent fêter la naissance de larves ! C’est dingue de voir cette multitude d’insectes tournoyer autour de cet infime point d’eau en cette période de résurgence de la dengue.
La nature autour est verdoyante et une allée de vacoas les invite à une intrigante marche débouchant sur une belle vue. Ils s’approchent lentement et sont émerveillés de voir se déverser plus bas sous leurs yeux, sept cascades, qui leur étaient encore inconnues jusque-là. Beauté ! Mais bien qu’ils auraient aimé rester face à cette nouvelle découverte, ils ne peuvent s’attarder ; la route est encore pleine de surprises.
Ils reprennent leur quad, filent sur l’autoroute et entament une descente, lorsqu’un grand port les attire. Nouvel arrêt pour regarder les voiliers et les bateaux de plaisance aux noms atypiques, bariolés de couleurs vives.
“La ferrrrme !” Nos deux amoureux sont interpellés par une mère qui hurle sur ses enfants. Deux frères se bagarrent pour savoir qui aura, le premier, le glaçon râpé que le marchand leur prépare. La pauvre maman lance : “Foutour ! Vous me fatiguez ! J’aurai dû vous laisser avec vos quatre soeurs à la maison.” Elle qui pensait passer une bonne journée avec ses garçons ; c’est raté ! À peine sortie de la voiture qu’elle semble déjà dépassée.
Olivia jette un œil vers la dame vêtue d’une jupe imprimée-feuilles tropicales et un débardeur bleu pétrole ample qui laisse passer la brise. Cette sortie promet d’être sportive. Le marchand l’interpelle : “Madame, ou, ou pou pren tamarin lor ou glason rapé ?” Arnaud, voyant le bouchon qui commence sur la route, tire sa belle de ses pensées. “On bouge !”
Dans un petit bois en bordure d’une ruelle en terre rouge, ils aperçoivent un cottage bleu gris fort sympathique et s’y arrêtent pour casser la croûte dans le petit verger adjacent. Ils déroulent leurs nattes dans ce jardin de pamplemousses et de grenadines, et se servent des gros cailloux pour s’adosser. Des pailles-en-queue volent au-dessus d’eux et ils les filment planant dans le ciel bleu. Devant, s’étend la prairie, connue de tous, dans laquelle ils gambadent comme de joyeux bambins après le déjeuner. Puis, ils trempent leurs pieds dans un trou d’eau douce pour les rafraîchir. Et c’est reparti !
Ils passent par un chemin de canne, transgressent les quatre bornes indiquant l’interdiction de s’aventurer et croisent Amaury, un jeune adulte. La gaulette à la main droite, il dit rejoindre la petite Julie (petite de par sa taille) pour une partie de pêche dans la rivière des anguilles. De l’autre main, il tient une belle rose. Ils font un petit bout de chemin avec lui, histoire de mieux connaître l’endroit. “Mwa mo pou al drwat a traver sa bann zarb là” – “ Kouman apel sa bwa la ?”, demande Arnaud. Petit sourire aux lèvres, le jeune homme rétorque : “Bois des Amourettes”. Oh, oh ! Il y a anguille sous roche. Une belle amitié semble le lier à la demoiselle. Il irait probablement au bout du monde pour elle.
Le couple continue son chemin. Soudain, de magnifiques ruines se dressent devant eux tel un phœnix qui déploie ses ailes. Il faut d’abord qu’ils traversent une rivière noire de goémon et enjambent de grosses roches noires glissantes. Arnaud tend les deux bras à sa tendre épouse pour l’aider. Pari réussi ! Ils s’approchent des ruines et empruntent l’escalier menant au pan d’un mur. Les contours d’une porte, gardée probablement par saint Pierre, se laissent deviner et ils arrivent à un robuste rebord sur lequel ils posent leurs pieds délicatement. Perchés sur les ruines, un paysage pittoresque s’offre à eux. Un beau champ se confond avec l’horizon et ils voient deux larges trous sur leur gauche : un trou aux cerfs et un trou aux biches ! Étrange cette séparation naturelle que s’imposent ces bêtes.
Derrière nos promeneurs, l’émeraude de la mer se mélange à l’azur, alors que scintillent dans la mer les reflets du soleil. Olivia a l’impression qu’on lui a jeté de la poudre d’or au visage. Elle brille de partout : sur la peau, dans les yeux et dans le cœur, et se réjouit de voir son mari s’émerveiller. Fini le passage à vide et morne frisant le renfermement et la solitude qui aurait pu les mener vers un cap malheureux ! Mais, elle, elle a toujours cru en la providence, et c’est ça son secret.
“Allons nager. L’eau doit être bonne”. Ils descendent des ruines, traversent une haie de bambous et se retrouvent sur la plage. Ils tirent leur arsenal de mer du fond du sac à dos : masques, tubas, serviettes et crèmes solaires. Avant de se jeter à l’eau, elle lui tend une bouteille d’eau : “Bois, chéri !” Leurs yeux sont pétillants, cela se voit qu’ils ont l’avenir devant eux.
Et c’est ainsi que, pleins de rêves, ils terminent le tour de l’île après un bon dîner à la belle étoile. Finalement, ils ont bien vite retrouvé l’espérance malgré les imprévus du temps gris-gris. Place maintenant aux beaux songes !