Le Guide - Législatives 2024

The new abnormal

Nous parlions la semaine dernière des grands voleurs d’ici et d’ailleurs. Toutes ces personnes qui, investies de pouvoirs politiques notamment, abusent de leur position pour s’enrichir frauduleusement sur le dos des millions, de milliards de personnes qui, à Maurice et à travers le monde, travaillent en gagnant souvent péniblement de quoi subsister maigrement.

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Cette fois, le Bloomberg Millionaires Index en rajoute une couche en publiant son palmarès des 11 personnes les plus fortunées du monde. Tous des hommes évidemment. En tête de liste, toujours, Elon Musk avec une fortune estimée à $251 milliards, devant Jeff Bezos, Gautam Adani, Bernard Arnault, Bill Gates, Warren Buffett, Larry Page, Sergey Brin, Steve Balmer, Larry Elison et Mukesh Ambani. Fait marquant : l’homme d’affaires français Bernard Arnault est supplanté à la troisième place par l’industriel indien Gautam Adani : ce dernier, qui a créé un des géants asiatiques de la pétrochimie, vient d’ajouter $61 milliards à sa fortune en 2022.

61 milliards de dollars de plus. En une année, supposée difficile pour le monde.
Le 17 janvier dernier, déjà, Oxfam International faisait ressortir que la fortune des 10 hommes les plus riches du monde a doublé pendant la pandémie, alors que les revenus de 99% de la population mondiale ont diminué à cause du Covid-19. Plus que doublé, passant de 700 milliards de dollars à 1 500 milliards de dollars, dans une période au cours de laquelle plus de 160 millions de personnes supplémentaires auraient basculé dans la pauvreté.

Comment cela est-il possible ?
Jusqu’où ira l’accroissement des inégalités avant que cela n’explose ?
De quelle quantité d’argent un homme a-t-il besoin pour se sentir bien ?
Quelle quantité d’argent peut-il dépenser à manger, boire, s’habiller, se loger, voyager, acheter ?

Comment est-il acceptable que cela se fasse au prix de l’exploitation humaine la plus éhontée ?

Jusqu’où pourront nous soutenir les incohérences de plus en plus criardes de ce monde ?
Le 29 août dernier, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde donc, qui est père de dix enfants (dont un garçon prénommé «X Æ A-12»), a appelé à faire «plus de bébés». Mais aussi à exploiter plus de pétrole et de gaz naturel. L’homme, qui se trouvait en Norvège pour participer à une conférence sur l’énergie, a esquivé une question sur la transition vers les énergies renouvelables pour insister : «Croyez-moi: la crise des bébés est un gros problème».

Les derniers chiffres le montrent clairement : Maurice est le pays africain où la question de vieillissement de la population est le plus accentué. Et dans les sociétés occidentales, comme dans des pays extrêmement peuplés comme la Chine, la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population deviennent de véritables enjeux sociaux et économiques. Mais le plaidoyer d’Elon Musk a de quoi faire tiquer : «C’est important que les gens aient suffisamment de bébés pour perpétuer la civilisation», a-t-il dit.

Mais de quelle « civilisation » parle Elon Musk ?

Dans l’émission C à Vous sur France 5 cette semaine, l’acteur Vincent Lindon s’est exprimé de façon très émotionnelle et très forte sur la Coupe du monde de Football qui démarre au Qatar le 20 novembre prochain. « C’est une aberration climatique » s’est-il exclamé. « On est dans un asile géant, c’est incroyable ! La même année, il y a des Jeux olympiques d’hiver dans un pays où il n’y a pas de neige (ndrl à Beijing), et une Coupe du monde dans un pays où il fait 60 degrés à l’ombre (ndrl le Qatar) et où ils ont construit 10, 12 stades réfrigérés. C’est non seulement une aberration climatique mais une aberration écologique. Et en plus, il y a un non-respect de l’idéologie des Droits de l’homme », a-t-il dénoncé avec force.

Dès mars 2021, le média Reporterre  avait dénoncé « un désastre humain et écologique » au Qatar. Les chiffres du Guardian faisaient ainsi ressortir que « plus de 6 500 ouvriers originaires d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sont morts au Qatar depuis que le pays a obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2022, il y a dix ans ».

Et tout cela passe comme si de rien n’était.
Qu’attendre des gouvernements ?
L’an dernier, Mediapart publiait des documents inédits révélant les coulisses du Qatargate, enquête judiciaire pour corruption présumée sur l’attribution au Qatar de la Coupe du monde de football 2022. D’édifiantes révélations sur ce qui relève bel et bien d’une affaire d’Etats, mêlant football, business, diplomatie et arrangements douteux entre chefs de gouvernements.
Face à cette démission généralisée, Vincent Lindon regrette celle des footballeurs.

« J’adorerais me transformer en un grand footballeur et faire une conférence de presse, pour dire ‘Voilà, j’ai eu X fois le Ballon d’Or, je suis extrêmement demandé, je gagne beaucoup beaucoup d’argent, j’ai pris la décision de ne pas aller au Mondial, sans prévenir ni mon entraîneur ni mon pays, c’est ma décision. Messieurs, mesdames’ et je me lève. Ça a l’air simpliste mais cela ne peut venir que des joueurs ».

Mais qui fera cela, à l’ère de l’argent-roi ?
A défaut d’être footballeur et d’accomplir ce coup d’éclat pour réveiller les consciences, Vincent Lindon a en tout cas décidé qu’il ne sera pas devant sa télé en novembre prochain. Cela ne servira à rien sinon qu’à se donner bonne conscience diront certains. Mais cela pourrait avoir du poids. Car l’économie d’une Coupe du monde se joue aussi autour des accords de diffusion et des recettes publicitaires. Imaginez le manque à gagner si la planète entière décidait de ne pas suivre ce rendez-vous…
Mais qui d’autre fera cela, à l’ère du divertissement-roi ?

La pandémie de Covid-19 était censé nous amener un « new normal ». Qu’en avons-nous appris ?

Et qu’allons-nous faire, maintenant qu’il est évident que nous sommes désormais en plein « new abnormal », où l’indécence des riches et des puissants n’a plus de limites ?…

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