Confinement, couvre-feu sanitaire, inquiétude quant à une possible deuxième vague, la gravité de la situation n’incite toujours pas la majorité à se comporter comme un gouvernement national. Ses membres adoptent toujours le comportement d’un parti politique engagé dans une campagne électorale où il faut éliminer ses adversaires politiques. Est-ce le fait de savoir qu’elle n’a été élue que par environ 35% des électeurs qui provoque cette attitude et cette tentative de récupérer la situation sanitaire pour consolider son pouvoir ? C’est la conclusion à laquelle on est forcé d’aboutir quand on étudie les dernières décisions du gouvernement.
Alors que des quatre coins du pays des voix respectées prônent un rassemblement de toutes les intelligences et de toutes les expériences pour affronter la situation sanitaire, sociale et économique, le gouvernement fait cavalier seul. Il continue à se fier sur « so dimounn » pour des stratégies dont les manquements, les incohérences et l’opposition aux lois existantes sont régulièrement démontrés. Des erreurs qui auraient pu avoir été repérées et corrigés si le débat avait été ouvert et le dialogue établi avec toutes les bonnes volontés et les expériences disponibles. À la place, le pouvoir préfère donc ses « dimounn » dont le recrutement se fait sur une base familiale et/ou politique, ce qui installe à la tête des institutions des agents politiques parfois incompétents, qui prennent des décisions qui se retournent souvent contre le gouvernement. Il suffit de rappeler le désormais célèbre mémo du commissaire de police destiné à restreindre les mouvements professionnels des avocats. Une affaire logée en urgence à la Cour suprême — siégeant en vidéoconférence — et des arguments légaux implacables ont obligé le gouvernement à adopter d’urgence un règlement pour annuler le mémo du commissaire et permettre aux avocats d’assister leurs clients comme le prévoit la Constitution. Il a même été obligé de faire publier ce règlement dans une édition spéciale de la Gazette du gouvernement un dimanche !
C’est par plusieurs pages, avec souvent des détails inutiles, que les membres du gouvernement répondent aux rares questions des députés de l’opposition. C’est sans doute une manière de marginaliser l’opposition dans le débat public et même au Parlement où, il est bon de le rappeler encore, elle représente plus de 60% des électeurs. Des questions de plus en plus rares puisque les séances du mardi ne sont plus organisées. En effet, depuis la rentrée, les séances parlementaires sont organisées à partir du mercredi. C’est sans doute une de ces stratégies destinées à laisser parler le moins possible les membres de l’opposition au Parlement. Des parlementaires élus que l’on voit au compte-gouttes — et sans son — à la télévision, alors que les membres du gouvernement campent à la MBC. Ils sont non seulement omniprésents dans les journaux télévisés et les supposées émissions d’informations avec les ministres — toujours les mêmes. Mais ils ont aussi investi le point de presse sanitaire journalier sur le coronavirus pour critiquer les arguments des députés de l’opposition participant aux débats sur les deux projets de loi. Au cours de ces débats, pour ne pas changer, les orateurs de la majorité ont jeté des tonnes de sirop sur l’action gouvernementale, tandis que l’opposition descend le gouvernement et ses deux projets de lois.
Heureusement que les réseaux sociaux existent et que certaines radios n’hésitent à inviter les membres de l’opposition, permettant ainsi au public d’avoir accès à des explications et des commentaires sur les textes de loi qui le concernent directement. C’est ainsi qu’on a pu avoir des explications sur certains règlements inquiétants contenus dans les deux projets de loi à l’ordre du jour avec certificat d’urgence. Roshi Bhadain et Shakeel Mohamed se sont livrés à un exercice pédagogique — avec ce qu’il faut de démagogie politique partisane — sur les nouveaux règlements concernant le secteur du travail et de la Banque de Maurice. Une manière de faire comprendre au plus grand nombre une partie de ces projets de lois qui font dans leur totalité plus de 80 pages. Tout en saluant le travail d’explication de Roshi Bhadain, il ne faudrait tout de même pas oublier qu’il a lui-même pratiqué — alors qu’il était au gouvernement et plus précisément dans le cadre de l’affaire BAI — les méthodes qu’il reproche au pouvoir d’aujourd’hui. En ce temps de pandémie, une petite piqûre de rappel était nécessaire.