Ça y est, la saison des inaugurations a commencé. Depuis des lustres, les gouvernements en place privilégient cette activité pour tenter d’établir — et surtout de vanter — le bilan de certaines de leurs réalisations. C’est l’occasion pour leur chef de se faire voir en train de couper un ruban, de poser une plaque, de faire son épouse lancer une bouteille — qui ne se casse pas toujours — et surtout de faire un discours, figurant en différé, mais en bonne place, dans le JT de la MBC. Quand elle ne retransmet pas en direct l’activité avec des magazines plus tard pour revenir sur le sujet et dire à quel point le gouvernement est formidable. Sous-entendu : que le gouvernement a mari bien fait et pourrait mieux faire encore s’il était réélu. Le MSM n’est pas le premier gouvernement à se livrer à cet exercice de communication qui ressemble beaucoup à de la propagande. De tout temps, les politiciens ont cru que pour se faire réélire, il suffisait de se montrer à la télévision en train de faire une inauguration pour démonter leur ardeur au travail. Certains se souviennent encore que du temps de SSR, des ministres et des députés se battaient pour inaugurer un robinet ou poser une première pierre. Aujourd’hui, ils se disputent pour être bien cadrés à côté du leader. Pour se faire voir des électeurs, mais aussi, et surtout, pour se faire voir de leur leader — et de son entourage qui le conseille — de qui ils attendent un ticket. Ils sont des centaines — membres du MSM des premiers jours et nouvelles recrues — à vouloir de ce ticket, d’autant que des membres en vue de Lakwizinn ont fait savoir que le leader allait mettre de l’ordre et que tous ceux qui auraient fané n’obtiendraient pas de ticket. Si cela est vrai, Pravind Jugnauth aura à faire un grand ménage et virer plus de la moitié de son cabinet et de ses backbenchers. Mais tout cela n’est que rumeurs et ballons-sondes, car il est connu qu’en fin de compte, pour les leaders politiques locaux, ce sont « les réalités électorales » qui priment. Pas la qualité, la compétence ou l’intégrité des aspirants candidats.
Pour réagir à la saison des inaugurations, dont ils sont de facto exclus, les oppositions dénoncent la démagogie de la manoeuvre en oubliant, fort opportunément, qu’ils l’ont pratiquée quand elles étaient au pouvoir. Navin Ramgoolam, leader du PTr, qui était le chef du gouvernement précédent le MSM, pense avoir trouvé une parade pour contrer les inaugurations. Selon lui, tous les projets réalisés et actuellement inaugurés auraient été imaginés et mis en chantier du temps où il était Premier ministre. Au MSM, qui assure que le précédent gouvernement n’avait rien laissé en héritage, le leader du PTr rétorque que le MSM n’a fait que reprendre ses idées et ses projets et les réaliser. C’est une caractéristique des politiciens mauriciens : se focaliser sur le passé au lieu de se concentrer sur le présent pour préparer l’avenir. La course — ou la chasse — au ticket a également lieu au sein de l’alliance de l’opposition parlementaire, dont on ignore encore quelle sera la répartition des tickets entre partis. Tout comme on ne connaît pas encore le contenu du programme gouvernemental de cette alliance, qui est toujours en gestation et est traité comme un secret d’État. Cette absence de programme et de liste officielle de candidats fait que les aspirants au ticket sont nombreux à « travailler » dans ce qu’ils estiment être leur circonscription et parfois à se tirer dans les pattes. Ce qui ajoute à la confusion des électeurs dont au moins un tiers a signifié son intention de ne pas aller accomplir son devoir civique.
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Pendant ce temps, dans l’enclave de Gaza, le massacre continue. Jeudi dernier, une bousculade a eu lieu pendant une distribution de l’aide alimentaire à des milliers de Gazaouis qui sont au bord de la famine. Des soldats israéliens, disant se sentir menacés par la foule de civils en quête de nourriture, mais sans armes, ont fait feu. Résultat de cette manoeuvre militaire de l’armée israélienne : 106 morts. À ajouter au total des civils gazaouis tués par l’armée israélienne depuis le 8 octobre de l’année dernière. Pendant ce temps, les grandes démocraties n’arrivent pas à imposer un cessez-le-feu total et immédiat à Israël et refusent toujours de qualifier de génocide
ce qui se passe à Gaza. Ces grandes démocratiques ont une raison politique et économique justifiant le refus d’un cessez-le-feu immédiat : ce sont les armes et les munitions qu’elles fournissent à Israël qui sont utilisées à Gaza.