Les résultats des élections en Inde sont venus rappeler une vérité essentielle : c’est l’électeur qui a le dernier mot. Et ce, quelles que soient les promesses électorales qu’on puisse lui faire, quelles que soient les peurs communales que l’on puisse tenter d’exacerber pour le faire voter pour un camp politique. Contrairement à ce que ceux qui les fabriquent voudraient faire croire, les sondages ne sont que la photographie d’un moment précis lors d’une campagne électorale. Une photographie appelée à évoluer, à se modifier dans un sens comme dans l’autre. Un sondage – comme celui qui donne la victoire au MSM et alliés aux prochaines élections et que ses auteurs et commanditaires cherchent à faire publier – n’est qu’une indication d’une situation susceptible d’être modifiée avant les élections. De même les savantes analyses des spin doctors et autres stratèges autoproclamées ne sont que des interprétations de données dont la réalisation relève plus de l’hypothèse que de la réalité. C’est l’amère réalité que vient de découvrir Narendra Modi avec les résultats des dernières élections indiennes
Soutenu par les sondeurs et les prévisionnistes de tous ordres lui prédisant une éclatante victoire, le parti de Narendra Mori avait tablé sur plus de 400 sièges au Parlement. Ce qui lui aurait donné une majorité absolue pour amender la Constitution à sa guise pour suivre la politique de division qu’il avait commencée. Les électeurs indiens, fatigués par cette campagne de tension sociale permanente opposant, de plus en plus frontalement, les hindous aux autres composantes de la population indienne, faisant des minorités – qui, là-bas, se comptent en dizaines de millions – des citoyens sans grade, ne lui ont même pas donné une simple majorité au Parlement. Narendra Modi aura, donc, à négocier des alliances politiques pour pouvoir continuer à gouverner. Et on sait le sort que réservent les alliés d’un gouvernement qui a besoin de leurs voix pour se maintenir au pouvoir. Après deux mandats de pouvoir sans partage, il doit se préparer à un pouvoir très partagé, négocié pour ne pas dire marchandé quotidiennement ! Une situation que dut subir Sir Seewoosagur Ramgoolam à la fin des années ‘70 du siècle dernier, quand son gouvernement ne tenait que par une ou deux voix. On vit alors des bailleurs de fonds du PTr se promener avec carnet de chèque au Parlement pour « calmer » les députés récalcitrants de la faible majorité ou négocier avec ceux de l’opposition sensibles à des arguments sonnants et trébuchants, pour permettre au gouvernement de survivre.
Ce sont les électeurs qui ont le dernier mot, comme cela a été démontré à Maurice en 2014 quand le PTr, le MMM et leurs conseillers crurent qu’il suffisait d’additionner les voix des électeurs rouges à ceux des mauves pour remporter une éclatante victoire – on parla même de 60-0 ! – en misant sur la croyance que l’électeur ne fait que suivre aveuglément les consignes de ses leaders politiques. Résultat des courses : un claque électorale magistrale des électeurs qui ont préféré une alliance hétéroclite menée par un vieux SAJ à l’arrogance des leaders rouge et mauve. Comme le disait feu sir Gaëtan Duval : « En politique comme dans la vie, la roue tourne. »
Puisque nous venons de mentionner le père, intéressons-nous à ce que son fils – le légitime, pas l’adopté – essaye de faire politiquement, ces derniers jours. Malgré ses prétentions affichées d’être devenu une force politique nationale, le parti du coq, ce qui en reste, ne valait pas grand-chose sur l’échiquier politique. Selon des observateurs avertis, il ne devait valoir au moment de l’alliance des oppositions parlementaires que les cinq sous manquants pour faire une roupie. Depuis la « cassure », selon ces mêmes observateurs, la « valeur » électorale a dramatiquement baissé, au point où même en alliance avec le MSM, ils le voient mal faire élire des députés. C’est pour cette raison que le PMSD semble avoir choisi la stratégie du mauvais perdant. Une stratégie qui consiste à présenter des candidats dans des circonscriptions où ils auront la possibilité d’être best loser en usant d’une disposition de la loi électorale. Une disposition déjà utilisée par des candidats qui, lors de leur inscription, déclarent appartenir à une communauté, qui n’est pas la leur, mais est susceptible de leur faire nommer best loser. C’est pour cette raison que le PMSD entend présenter deux candidats à Rodrigues. Ce serait la seule manière pour le MSM d’essayer de glaner quelques sièges dans les circonscriptions urbaines, dans le cadre de l’alliance orange bleu en préparation. Est-ce que cette stratégie électorale sera ratifiée par les électeurs mauriciens, qui, comme démontré plus haut, n’aiment pas qu’on les prenne pour des imbéciles juste bons à suivre les consignes des leaders ?
Jean-Claude Antoine