Un rappel historique pour commencer. Célébrée depuis le début du siècle dernier, la Journée internationale de la femme est issue de l’histoire des luttes féministes menées sur les continents européen et américain. Le 28 février 1909, une « Journée nationale de la femme » (National Woman’s Day) est célébrée aux États-Unis à l’appel du Parti socialiste américain. À la suite d’une proposition de Clara Zetkin en août 1910 à Copenhague, L’Internationale socialiste des femmes célèbre le 19 mars 1911 la première « Journée internationale des femmes » et revendique « le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail ». Plus de 100 ans après la toute première journée internationale, est-ce que ces droits revendiqués sont plus respectés et les discriminations ont diminué ? Bien sûr, la journée est maintenant célébrée dans presque tous les pays du monde, mais comme le soulignent les féministes, il ne s’agit que d’une journée sur les 365 que compte une année. Au même titre que toutes les journées internationales consacrées à des bêtes, des maladies ou des espèces en voie de disparition. Pendant une journée, on parle de la nécessité de la parité, « cet instrument au service de l’égalité, qui consiste à assurer l’accès des femmes et des hommes aux mêmes opportunités, droits, occasions de choisir, conditions matérielles tout en respectant leurs spécificités », et on passe le reste de l’année à ne pas la pratiquer. Même en étant optimiste, il est impossible de ne pas constater que même si la femme est numériquement majoritaire sur l’ensemble de la terre, elle est minoritaire, très minoritaire même, dans les instances politiques où les décisions engagent la gestion du monde sont discutées et prises. À part quelques exceptions notables — mais qui sont en nette augmentation — en politique, les femmes ont un rôle, disons, plus représentatif et symbolique. C’est à elles qu’on confie la mission d’organiser les manifestations du 8 mars au cours desquelles des femmes seront conviées à écouter les chefs de gouvernement et les leaders des partis politiques à parler de… la parité.
C’est exactement ce qui va se passer, ce matin, à l’Auditorium du MGI, Moka, où les membres des associations féminines — et sans doute pas mal du troisième âge – ont été conviées. Comme c’est le cas tous les ans, quel que soit le gouvernement en place. Comme tous les ans, elles entendront les leaders répéter que la femme est l’avenir de l’homme, mais que, malheureusement, en raison des « réalités électorales », il n’a pas été possible de donner plus de tickets aux candidates aux dernières élections. Car il faut le souligner, alors qu’en Afrique on parle d’un quota de 30% de femmes dans les instances de décisions politiques, et alors que les électrices sont majoritaires à Maurice, l’Alliance du Changement — composée de quatre partis — n’a pu offrir que 10 tickets à ses candidates. Si avec les 60/0 toutes ont été élues — même que celles que l’on envoyait dans des circonscriptions difficiles —, cela ne fait que dix sur soixante, soit un sixième des membres du Parlement. À qui il faut quand même ajouter les deux élues de Rodrigues, où la parité a été respectée ! Mais il faut aussi souligner que le cabinet ministériel, qui est composé de 26 membres, ne compte que deux femmes ! Est-ce qu’il faut comprendre que les directions des partis considèrent que les huit autres élues n’ont pas les capacités nécessaires pour occuper une fonction ministérielle ?
Le problème, c’est que les partis politiques sont dirigés par des hommes — de plus en plus souvent des vieux — qui imposent les préjugés et idées d’un autre temps avec lesquels ils ont grandi. Le plus triste dans cette situation, c’est que les femmes qui sont parvenues à se faire une place dans ces partis politiques soutiennent la stratégie politique qui affirme que les réalités électorales ont priorité sur tout, même sur la parité. C’est ainsi que quand on demande à une élue une interview pour parler des problèmes de la femme en politique et du combat pour la parité, elle répond par un : « Donnez le temps de réfléchir » qui sonne comme : « Il faut que je demande la permission à la direction de mon parti. ». Oui, comme le chantait Micheline Virahsawmy dans les années soixante-dix :
Sime-la li bien bien long
Sime-la li bien bien dir… (*)
Jean-Claude Antoine
(*) La suite de « Lasurs » poème de Dev Virahsawmy, est à découvrir/écouter sur internet en cliquant sur le site du Patrimoine de l’océan Indien.