— Tu as fini d’acheter tes cadeaux de Noël ?
— Quels cadeaux de Noël? Je….
— Tu vas attendre la dernière minute pour tomber dans la grosse foule.
— Non, mais…
— Tu sais, le gouvernement a fini de payer le treizième mois, les magasins vont être pleins. On ne va rien avoir, c’est pourquoi moi, j’ai fini de faire mon shopping depuis bien avant, tu comprends ?
— Oui, mais…
— Je n’en peux plus avec ces grosses foules ou tu es pressée, coincée, dans les queues que tu finis par acheter n’importe quoi. Et ne parlons pas de la chaleur! Alors, quand est-ce que tu vas aller faire ton shopping, puisque tu ne l’as pas encore fait?
— Tu sais, moi…
— Je te conseille de faire ta liste et de faire tous tes shoppings en un seul jour, tôt le matin. Sinon, comme dit mon petit garçon, tu vas être tassé !
— Il n’est pas question que je sois tassée, coincée ou que je transpire dans les queues.
— Ah bon? Et comment tu vas faire? Tu vas commander sur internet? C’est trop tard : tu risques de recevoir ta commande après l’année!
— Absolument pas.
— Comment tu vas faire ton shopping, alors ?
— Je ne vais pas faire de shopping de Noël.
— Quoi? Qu’est-ce que tu racontes? Tu ne vas pas faire de shopping de Noël?
— Je viens de te le dire.
— Mais qu’est-ce qui te prend? Comment peut-on faire Noël sans shopping, sans cadeau? Qu’est-ce que les gens de ta famille vont dire, toi?
— Ils diront ce qu’ils voudront. De toutes les façons, quoique tu puisses faire, ils vont toujours causer sur toi. Tu sais ça!
— Mais enfin, si tu ne donnes pas de cadeaux comme tous les ans, ils vont dire que… que vous gardez votre argent pour vous-mêmes.
— S’ils disent ça, ils auront raison, pour une fois.
— Ils vont dire que vous êtes devenus des avares qui se privent de tout.
— Ayo, ils peuvent dire ce qu’ils veulent, je m’en fiche. Je suis habituée maintenant.
— Pourquoi tu fais ça, pour te faire remarquer, pour montrer que tu n’es pas comme les autres ?
— Je fais ce que tout le monde devrait faire: faire attention, ne pas dépenser pour un rien. Penser à demain qui va être mari difficile.
— Qu’est-ce qui te prend comme ça: tu es entrée dans une de ces nouvelles religions qui disent que la fin est proche?
— Je ne suis entrée aucune part, mais je réfléchis, c’est tout.
— Tu réfléchis à quoi, comme ça?
— Mais à ce qui est en train de se passer, surtout à ce qui va se passer demain, toi. A l’avenir.
— Ayo, tu sais, l’avenir est tellement sombre qu’il vaut mieux ne pas y penser. De toutes les façons, on ne peut rien faire. Alors, autant bien faire Noël.
— Et se retrouver dans la m… l’année prochaine ?
— De toutes les façons, on ne peut rien faire… c’est partout pareil.
— Ça même que je ne suis pas d’accord.
— Et qu’est-ce que tu vas faire pour changer les choses: descendre dans la rue, faire la révolution?
— Je vais commencer par faire attention, par arrêter de dépenser à tort et à travers, comme aller passer un week-end à l’hôtel en promotion à cause des tarifs pour Mauriciens
— Mais toi-même, tu m’avais dit que tu avais eu un good time et que les enfants avaient été ravis.
— C’est vrai qu’ils se sont bien amusés, que mon bonhomme s’est reposé — même s’il a beaucoup bu — et que j’ai pu relax sans faire la cuisine et la vaisselle.
— Tu vois : il ne faut pas se priver de tout, tout de même.
— Je ne te dis pas le contraire. Mais quand j’ai fait les comptes, j’ai vu qu’avec cet argent, j’aurais pu faire mes commissions pour un mois en remplissant bien deux caddies.
— Ayo, tu causes comme ces grandes personnes de longtemps pour qui un sou était un sou.
— Elles avaient raison, toi. Tu sais qu’il y a des bureaux qui ont diminué le nombre de jours de travail, d’autres ont déjà commencé à mettre dehors.
— Mais ton bonhomme et toi, vous travaillez dans un grand bureau, comme moi. Ils ne vont pas mettre dehors comme ça, tout de même !
— Crois ça même, toi. Dans les réunions, dans les circulaires, on a déjà commencé à dire que la situation est difficile, que l’avenir est sombre, qu’il faut se serrer la ceinture… déjà on nous prépare, toi.
— J’ai entendu ces affaires-là, moi aussi. Mais ça fait des années qu’on dit que la situation est mauvaise, mais on paye toujours le treizième mois, non? Alors, crois-moi : dépêche-toi d’aller faire ton shopping de Noël, sinon tu ne vas rien avoir d’intéressant.
— Combien de fois il faudra que je te dise que je ne veux faire de shopping de Noël cette année, foutour va!
— Pas de cadeau de Noël, disons que ça peut passer pour les grandes personnes. Mais qu’est-ce que tu vas dire à tes enfants, hein, qu’est-ce que tu vas leur dire?
— J’ai déjà fini de leur dire.
— Qu’est ce que tu leur as dit comme ça?
— Que le père Noël a attrapé le coronavirus et que tous les jouets et cadeaux qu’il devait distribuer a ne sont pas Covid safe.
J.-C A