–Quelles sont les news avec toi ?
— Tout ce que je peux te dire c’est que je suis mari plein .
–Ne me dis pas que tu as eu encore un biz biz avec ton bonhomme?
–Ayo tu sais on est en biz biz depuis qu’on est marié ! Parfois je me demande qu’elle gratelle j’ai eu pour accepter de me marier avec lui. Mais c’est pas ça qui me finit.
–De quoi tu te plains alors ?
–Du fait que plus ça change à Maurice, plus c’est la même chose !
–Je sais ce que tu vas me dire : que le nouveau gouvernement prend du temps pour apporter les changements. Mais il n’a été élu que depuis quelques semaines toi. Il faut lui donner du temps !
–Combien de temps il faut lui donner : des mois, des années. Je suis plein je te dis !
–C’est la chaleur et l’humidité qui met tout le monde dans cet état-là. Moi aussi, je suis stressée, vidée. J’ai envie de passer ma journée sous la douche.
–Pour ça il faudrait qu’il y ait de l’eau dans le robinet de la douche ! Ce qui n’est pas le cas !
–Tu as des coupures d’eau chez toi ?
–Tu n’as pas chez toi, toi?
–Chez nous dans les flats, il y a de gros réservoirs sur le toit qui sont remplis régulièrement par des camions de la CWA.
–Dans mon quartier aussi tous le monde a de gros tanks sous la terre et sur le toit.
–Mais quel est le problème, alors ?
–Le problème c’est que pour remplir les tanks, il faudrait qu’il y ait de l’eau, avec de la pression, dans les robinets. Ce qui n’est pas le cas avec les coupures !
–Il y a des coupures d’eau chez toi ?
–Mais foutour va, il y a des coupures d’eau dans tout le pays, toi ! Même chez toi, mais tu ne le sens pas parce qu’on remplit tes tanks avec des camions de la CWA.
— Mais tu n’as qu’à téléphoner à la CWA pour demander un camion-citerne pour remplir tes tanks et ceux de tes voisins.
–Tu es en train de faire ton fichant avec moi ?
–Pourquoi tu dis ça ?
–Tu crois vrai même qu’il suffit de lever son téléphone, d’appeler la CWA et de demander pour avoir un camion-citerne ?
–C’est pas comme ça que ça se passe ?
–Mais on dirait que tu ne vis pas à Maurice ! Premier d’abord réussir à avoir quelqu’un au téléphone à la CWA est un exploit, parce que la ligne est toujours occupée.
–Mais le ministre vient de dire qu’on a augmenté le nombre de lignes sur le numéro de téléphone d’urgence de la CWA.
–Ce que le ministre n’a pas dit, ou ne sait pas, c’est le nombre d’abonné « ki pena dilo kot zot » a doublé, triplé, quadruplé ces derniers jours ! Donc la ligne est constamment occupée. Maintenant quand, finalement, par un coup de chance, tu réussis à parler à quelqu’un on te dit qu’il n’y a pas de camion-citerne disponible, on te met sur la liste d’attente et qu’il faut attendre ton tour.
–Combien de temps il faut attendre comme ça ?
— Ayo, beaucoup de temps ! Je connais des gens dans le nord qui sont restés sans eau pendant plus d’une semaine ! C’est ça la réalité.
–Mais c’est la faute du gouvernement MSM qui n’a pas fait le nécessaire pour agrandir les réservoirs et réparer les tuyaux percés.
–C’est exactement ce qu’a dit le gouvernement MSM quand il a pris le pouvoir en parlant du PTr. C’est tout le temps la même chanson : pas nou ça, bann avant la ça ! En attendant les réservoirs se vident et on perd plus de cinquante pour cent de l’eau à cause des tuyaux pourris. Le ministre ne fait que répéter ce que ses prédécesseurs ont dit dans le passé.
–Mais tu sais bien qu’il vient tout juste d’arriver et que c’est maintenant qu’il découvre la gravité de la situation.
–Mais il me semble que pendant la campagne électorale ils avaient dit qu’ils avaient les idées, les solutions et les hommes voulus pour changer la situation.
–Tu sais c’est une chose de promettre et une autre de faire.
–On s’en rend compte après chaque élection ! Pour être honnête ce ne sont pas seulement les gouvernements qui sont à blâmer dans cette affaire de gestion d’eau.
–Ah bon ! Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
–Ce qu’on est en train de vivre là, tous les ans c’est la même rengaine. Les tuyaux pourris ne sont pas remplacés, on perd de l’eau et quand vient la sécheresse on a des coupures.
–C’est la loi de la nature.
— Moi ce qui m’enrage c’est que, comme l’année dernière et l’année d’avant, les Mauriciens vont interpeller le gouvernement, le ministre, les députés, jurer les employés de la CWA, faire des manifestations tout ça et même prier pour qu’un cyclone vienne remplir nos réservoirs.
–Prier : c’est tout ce qu’il reste à faire.
–Et puis on aura un cyclone et les grosses pluies d’été. Les réservoirs vont se remplir, les rivières seront en crue, les drains vont déborder et inonder les zones à risques où on aura construit. Des millions de litres d’eau vont se perdre dans la mer. Mais l’eau sera revenue dans les robinets avec les tuyaux toujours pourris. Et puis les Mauriciens vont tout oublier et recommencer à la gaspiller. Jusqu’à la prochaine sécheresse…
JCA