La saison hippique 2018 a pris fin officiellement le dimanche 2 décembre avec la tenue du traditionnel Week-End International qui a tenu toutes ses promesses. Malheureusement elle n’a pas pour autant fait oublier une saison qui a été marquée par le dopage qui a contribué à ternir davantage l’image des courses mauriciennes sur le plan international. Comme le veut la tradition, Week-End revient dans les grandes lignes sur les moments qui ont marqué le dernier exercice.
C’est sous le sceau du changement qu’a débuté cette saison 2018 avec Kamal Tapooseea installé à la presidence du Mauritius Turf Club. Il prenait ainsi le relais à Jean-Noêl Fayolle qui, lui-même, avait été parachuté à ce poste après les déboires de Mukesh Balgobin. Lors de l’élaboration de sa feuille de route, il avait promis de mettre à contribution toute son expérience dans le but de faire bouger les choses. Autant dire qu’il n’a réussi qu’en partie. Si le recrutement d’un nouveau CEO a été accompli, le Commingling tant souhaité et le projet de la National Tote sont toujours à l’étape embryonnaire.
On peut aussi avancer, sans risque de nous tromper, qu’il n’est pas parvenu à améliorer la mauvaise perception dont souffrent les courses et le MTC au yeux du public avec de nombreux scandales et autres dérapages qui ont secoué l’industrie cette saison et dont il se serait bien passé. Son souhait de travailler avec les autorités afin d’élaborer une vision commune pour le bien des courses ne s’est aussi pas matérialisé puisque la GRA a beaucoup imposé sur le Club de la rue Eugène Laurent, allant même jusqu’à s’ingérer dans l’organisation des courses. Bref, Kamal Taposeea a beau donné l’image de quelqu’un d’accessible et animé de bonnes intentions, mais c’est un fait qu’il y avait de la place pour mieux faire pour un homme de sa trempe.
C’est le 31 mars 2018 que les choses sérieuses ont débuté avec la tenue de la Duchesse, premier classique du calendrier hippique. Si tout était mis en oeuvre pour que la saison, qui coïncidait avec le 50e anniversaire de l’indépendence du pays soit une belle réussite, elle devait, à mesure que les journées s’égrenaient, virer au cauchemar, avec les différents cas de dopage qui ont frappé de plein fouet l’industrie. Il y a d’abord les cas de Maxamore et d’Aspara, deux chevaux du yard de Gilbert Rousset trouvés positifs au Stanazolol. Si le cas Aspara a pu être élucidé avec les aveux non-équivoques du palefrenier Lavish Lalleebeeharry — ce qui n’a pas empêché Gilbert Rousset d’écoper une forte amende de Rs 100 000 —, celui de Maxamore est resté un mystère. Mais les Racing Stewards ont tout de même trouvé l’entraîneur champion coupable d’avoir failli à ses responsabilités sous la règle 205A des Rules of Racing. Il a ainsi écopé de 12 mois de disqualification (voir hors texte).
Le même produit devait être détecté dans le système d’Artax, du yard d’Amardeep Sewdyal, quelques semaines plus tard, alors que League Of Legends, pensionnaire de l’entraînement Preetam Daby, a été, lui, trouvé positif à l’EPO, le même produit qui avait été utilisé pour doper Gameloft (Shirish Narang) en 2016. Si un cas de dopage est un cas de trop, quatre dans une même saison au sein d’une juridiction aussi petite que Maurice a de quoi interpeller. Mais au-delà du dopage lui-même, c’est la lenteur avec laquelle les enquêtes ont été faites qui ont laissé davantage perplexe. Si celles de Maxamore et d’Aspara ont été bouclées, en revanche, les enquêtes concernant Artax et de League Of Legends traînent toujours en longueur, alors que dans le cas de Gameloft, on est toujours en attente d’un dénouement plus de deux ans après les faits. Le tout, au grand dessaroi du Dr Paul Marie Gaudot, vétérinaire responsable du contrôle antidopage pour France Galop et conseiller technique à la Fédération internationale des Autorités hippiques, et dont les services avaient été retenus par le MTC pour un audit des procédures de contrôle antidopage. On se souvient que l’éminent vétérinaire, a fait un vibrant plaidoyer pour que
« les chevaux courent dans leur état naturel ».
Sur la piste, on a eu droit a du bon avec quelques épreuves les unes plus disputées que d’autres et du moins bon avec des parodies de courses qui n’ont vraiment pas fait honneur à l’hippisme. Dans la première catégorie, retenons principalement les prestations de Robbie Fradd qui a été à la hauteur de sa réputation et qui a rarement déçu depuis que l’entraînement Rousset a fait appel à ses services en remplaçement de son compatriote Weichong Marwing. Malgré ses 54 ans, le Sud-Africain a gratifié le public des fins des courses spectaculaires. Si au final il a terminé logiquement en tête au classement des jockeys avec 34 victoires, d’aucuns s’accordent à dire qu’à lui seul, il a ramené une dizaine de victoires à son entraîneur.
Au final, cela a pesé lourd dans la balance, car il a permis à Gilbert Rousset d’étrenner un huitième titre de champion, alors que son établissement n’a remporté aucune course classique cette saison. On fera aussi mention de Jameer Allyhosain et Brandon Louis, deux apprentis au coup d’envoi de la saison, mais qui ont littéralement crevé l’écran par la suite (voire hors texte). Du côté des chevaux, comment rester insensible a l’éclosion des petits champions que sont Perplexing et King’s County, deux chevaux qui ont, à leur façon, marqué cette saison 2018.
Un 8e sacre pour Gilbert Rousset
Malheurement, toute médaille a un revers et autant dire qu’il fait peine à voir. En tête de liste on retrouve le jockey Jean-Roland Boutanive, qui décidemment vit une fin de carrière cauchemardesque et qui s’est vu infliger cinq semaines de suspensions pour ses frasques sur Baron Bellet lors de la 19e journée. On retiendra aussi les parodies de course dont nous a gratifiées Imran Chisty en quelques occasions, en particulier sur Fortissimo et autre Dance On Air pour ne citer qu’eux. Les entraîneurs n’ont aussi pas été en reste à commencer par Amardeep Sewdyal avec son ‘Yes’ légendaire après la victoire de Starsky d’un établissement concurrent.
Il y a également eu le dérapage verbal de Ramapatee Gujadhur en fin de saison lorsque, s’en prenant au Licencing Committee qui avait refusé d’octroyer une licence à Rye Joorawon pour que le Mauricien puisse monter parmi les professionnels, il avait fait usage d’un langage à la limite de l’acceptable. L’entraîneur s’est vu obliger de présenter des excuses, par la suite après que l’opinion publique s’est érigée contre ses propos.
Plus tôt dans la saison, le même entraîneur s’était fait remarquer, lorsqu’il a mené la commissaires de course de faire appel à la justice si ces derniers ne prenaient pas des actions immédiates contre le jockey Richard Oliver dans ce qu’il convient d’appeler l’affaire Cape Horn. On est d’avis que rien pour ce dernier dérapage, Ramapatee Gujadhur aurait dû être sanctionné car il n’est pas à sa première incartade.
Enaad dans l’histoire
Mais au-delà du showman qu’il est, Ramapatee Gujadhur, qui est le premier entraîneur à avoir remporté les quatre classiques du calendrier hippique, est aussi celui qui a permis à Enaad d’inscrire son nom dans l’histoire en devenant le troisième compétiteur après Tahara Maid (1905 et 1906) et Lines Of Power (1988 et 1989) à remporter deux Maiden consécutifs. Un véritable exploit pour ce cheval dans le sens où il est loin d’être le plus sain de son yard pour ne pas dire du turf. Cette victoire, qui a porté à 21 le nombre de Maiden remporté par l’établissement Gujadhur, n’a cependant pas été suffisante pour assurer le titre de champion à la casaque bleu électrique qui pourtant avait fait de cela sa propriété, au vu des investissements consentis.
C’est au niveau des jockeys que Ramapatee Gujadhur n’a pas eu la main heureuse. L’Américain Jamie Theriot n’a pas fait long feu, tandis que le Brésilien Rafael Schistl est parti aussi vite qu’il est arrivé, incapable, des ses propres aveux, de soutenir la pression. La baraque a été tenue par le Néo-Zélandais, Daniel Stackhouse qui est parvenu à ramener 18 victoires dont le Barbé et le Maiden avant de soudainement être pris de homesickness. Il devait regagner son pays après le Ruban Bleu tandis que dans les coulisses, on faisait état que le courant ne passait plus entre lui et son employeur. Il n’est donc pas faux de dire que Ramapatee Gujadhur aurait remporté le titre, s’il avait bénéficié de plus de stabilité au niveau de ses jockeys. C’est pour ne pas vivre le même désagrément qu’il s’est déjà attaché les services du Francais Olivier Plaçais pour la prochaine saison.
On retiendra, par ailleurs, la belle saison de l’entraînement Rameshwar Gujadhur qui, sans un mois d’octobre catastrophique, se serait mêlé dans la course au titre. Cet établissement s’est tout de même consolé avec la Coupe d’Or, remportée par Hard Day’s Night et qui ornera sa vitrine jusqu’à octobre prochain. Ce cheval s’est révélé être un véritable atout chez l’elite, pour cette formation tout comme Nottinghamshire (meilleur sprinter) et Solar Star (Golden Trophy). Avec les acquisitions de choix faites récemment, Rameshwar Gujadhur peut réussir là où il a échoué la saison dernière.
On retiendra aussi le beau parcours de Jean-Michel Henry qui a donné le ton dès le début de hostilités. Même s’il a terminé sur les genoux après un démarrage au trois quart de tour, ce yard a le mérite d’avoir épinglé la Duchesse avec Baritone et voir un des siens, Zodiac Jack, être sacré meilleur 3-ans pour la deuxième année consécutive après Oomph en 2017.
La saison 2018 maintenant aux archives, les regards sont désormais braqués sur 2019. Les différents établissements s’activent déjà sur le marché avec plusieurs acquisitions déjà finalisées. Déjà le nouveau CEO du MTC, Michael Rishworth, a annoncé la couleur en faisant un plaidoyer pour que la GRA d’accorder au MTC plus de journées. En cette année électorale, l’instance régulatrice accèdera-t-elle à cette demande? On devrait être fixé d’ici mi-janvier quand les premières négociations entre les deux parties auront
lieu.
Pour l’heure, c’est le bras de fer opposant Amardeep Sewdyal à un de ses propriétaires qui monopolise l’attention, un bras de fer qui a pour toile de fond de sérieux différents entre les deux parties et qui s’est même terminé au poste de police avec des allégations de voie de faits d’un côté et de menaces de l’autre. Décidemment le monde hippique est toujours en ébullition, trêve ou pas.