149 millions, c’est la somme qu’Air Mauritius aura à débourser pour renvoi injustifié à un de ses ex-chefs pilotes. Ce n’est pas la première fois que la compagnie aérienne nationale doit payer des compensations et des dommages à un ex-employé pour renvoi injustifié. Ces fautes de management – décidées, pourtant, avec l’aval d’hommes de loi grassement rétribués – sont tellement fréquentes qu’un budget aurait été spécialement créé pour cet usage. Le scénario de ces renvois est pratiquement le même : à un moment donné, le contrat d’un employé dont la direction veut se débarrasser – soit pour le remplacer par le frère ou le cousin de quelqu’un, soit parce qu’il est trop critique vis-à-vis du management, surtout s’il fait du syndicalisme. Comme le faisaient les patrons des usines de la zone franche dans les années ‘70 du siècle dernier, on impose à l’employé un nouveau contrat avec de nouvelles conditions, downgrading et diminution de salaires. Certains, le couteau sous la gorge et craignant de ne pas trouver rapidement un autre job, sont obligés de ratifier le nouveau contrat pour pouvoir payer les emprunts bancaires ou les écolages de leurs enfants. D’autres poursuivent la compagnie en justice, comme l’a fait l’ex-chef pilote qui a dû patienter cinq ans, le temps que dure l’affaire en Cour, pour avoir gain de cause contre le management et ses tentatives de se débarrasser de son ancien employé que la magistrate a ainsi décrit : « The defendant company did maliciously use a chimerical offer of comparable employment as a colourable device to trap the Plaintiff with a view of defeating his claim of constructive dismissal. » Puisqu’il est établi par la justice que la compagnie était coupable dans cette affaire, pourquoi est-ce que ceux qui sont à l’origine de cette mauvaise décision – des managers jusqu’aux avocats qui l’ont soutenue – ne paieraient pas les dommages intérêts ou tout au moins une partie symbolique ? Paraphrasons Rajesh Bhagwan qui parlait de ceux qui jetaient des ordures sur la voie publique : « Ou jeté ou payé ! »
Autre affaire perdue par une institution, la semaine dernière : celle de la Local Government Service Commission qui est responsable des nominations et promotions dans les municipalités et les conseils de district. En 2021, après avoir étudié les dossiers de 11 candidats et les avoir fait passer un entretien, le conseil de la LGSC, composé de neuf membres, décide de nommer une candidate au poste de Public Health Inspector au sein des municipalités. Un autre candidat, qui pense avoir de meilleurs qualifications et expériences dans le domaine de la santé publique que la personne choisie par la LGSC, saisit la Public Bodies Appeal Tribunal. Trois ans après, le verdict a été rendu : le plaignant possède les qualifications et l’expérience requise pour le poste, ce qui n’est pas le cas de celle qui a été nommée. Au cours des audiences, le représentant de la LGSC a essayé de justifier l’injustifiable en faisant la déclaration suivante : « Les candidats ont été évalués sur des critères tels que la qualification, l’expérience, les compétences interpersonnelles et en communication, le leadership et sur leurs bases de connaissances. Je tiens à préciser que toutes les procédures ont été suivies. » Si ce qu’il affirme est vrai, comment expliquer alors qu’il n’a pas pu produire les notes prouvant que le conseil de la LGSC avait choisi le meilleur candidat par rapport aux diplômes et à l’expérience ? Ce qui a poussé le tribunal à rendre le jugement suivant : « Il est indéniable que le contestataire a acquis plus d’expérience que la co-défenderesse, compte tenu du fait que le requérant a exercé les fonctions de Public Health Inspector (PHI) pendant une période de près d’un an, alors qu’aucune preuve n’a été produite devant le tribunal établissant que la co-défenderesse avait exercé une quelconque attribution de fonctions à ce poste. Pour ces raisons, le tribunal annule la nomination de cette dernière et renvoie l’affaire à la Local Government Service Commission (LGSC). »
Mais est-ce que renvoyer l’affaire à la LGSC est une bonne chose par rapport à la grossière erreur qu’elle a commise et qui a été annulée par le tribunal ? Question subsidiaire : est-ce que les membres de la commission demanderont à la mauvaise candidate choisie de rembourser les salaires qu’elle a touchés pour un poste pour lequel elle n’avait pas les qualifications requises ?
Jean-Claude Antoine