Un lecteur me demande si la « consultation » de l’ICTA sur les réseaux sociaux ne serait pas à la fois un ballon-sonde et un moyen de détourner l’attention. Un ballon-sonde pour, effectivement, demander aux Mauriciens, qui sont des centaines à surfer sur les réseaux sociaux, leur sentiment sur cette technologie qui a changé radicalement les règles de la communication. Il n’y a qu’à se rendre sur les réseaux sociaux après un passage du Premier ministre à la télévision — surtout les derniers en date — pour s’en rendre compte. Ce seraient ces messages critiques — dont certains sont il faut le reconnaître — excessifs et insultants, que le gouvernement voudrait pouvoir, grâce à l’initiative de l’ICTA, sanctionner, limiter et disent beaucoup d’autres, carrément censurer.
Tout en reconnaissant l’existence de dérapages sur internet, ceux qui connaissent bien le sujet soulignent que ce sont les méfaits d’une minorité agissante qui salit l’image des internautes en général. Ils soulignent aussi qu’il existe déjà des lois pour permettre aux autorités de sévir contre les internautes indélicats. D’ailleurs, elles ont déjà sévi dès qu’un ministre, un PPS, un proche du pouvoir ou un CEO ont déclaré qu’ils avaient été « annoyed » par certains posts. Cela a suffi pour que des escouades de policiers faisant de l’excès de zèle aillent interpeller les internautes pour les traîner dans des postes de police. Il paraît même que certains internautes ont été arrêtés avant même que le proche du pouvoir « annoyed » n’ait eu le temps de signer sa plainte à la station. Avec une police aussi efficace, pourquoi devrions-nous avoir besoin d’un comité de censure interne à l’ICTA ayant accès aux réseaux sociaux et susceptibles de constituer une banque de données de « mauvais » internautes ?
Encore une fois, comme dans toutes les initiatives politiques du gouvernement, celle de l’ICTA pèche par manque de préparation et provoque plus de réactions de rejet et de méfiance que d’adhésion.
* * *
C’est une question que beaucoup se sont posée ces derniers jours : qu’est-ce que cette affaire de question persona non
grata ? Une question qui a valu au député Patrick Assirvaden d’être expulsé et à Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan et Arvin Boolell d’être suspendus… jusqu’en 2024. Et pourtant, la question avait été jugée recevable par le Speaker, qui l’a incluse dans l’ordre du jour et fait parvenir une copie au ministre des Affaires étrangères pour une réponse. Une semaine plus tard, la question a été posée verbalement pendant la séance, le ministre des Affaires étrangères y a répondu et le tout a été entendu lors de la retransmission en direct des travaux, les comptes-rendus de la presse et, par la suite, dans le Hansard. Ce n’est qu’une semaine plus tard, donc quinze jours après, que le Speaker ait accepté la question qu’il a réalisé qu’elle est inacceptable, et devait donc, ainsi que la réponse, être enlevée du Hansard. Et ce, au nom de la raison d’État. Il va sans dire que le fait d’avoir censuré a posteriori la question et la réponse a incité de centaines de lecteurs de journaux et d’internautes à se précipiter sur ce qui avait été publié sur la question et qu’aucune autorité n’est capable d’effacer. Au lieu de faire oublier la question, la décision du Speaker lui a donné une grande visibilité. Surtout que ce qu’il faut bien qualifier d’un acte de censure a provoqué l’incident ayant conduit à l’expulsion puis à la suspension de trois députés du Parlement. Curieusement, le député travailliste Assirvaden, celui par qui le « scandale » avait commencé, n’a pas été suspendu, tout juste expulsé pour une séance parlementaire. Mais revenons à la question qui a provoqué tout ce chambardement dont le gouvernement se serait bien passé, à l’heure où son non-respect des règles démocratiques est pointé du doigt par des institutions mesurant l’indice démocratique. Et que le procès qui lui est intenté ne va pas faire monter son indice dans les baromètres internationaux. Qu’y avait-il dans la question du député Assirvaden qui a poussé le Speaker à jouer au censeur du Hansard ? Des sources bien informées laissent entendre qu’en autorisant la question persona non grata sur Soodhun, le Speaker avait ouvert une porte qu’il a essayé de fermer à double tour deux semaines après. En effet, si la question avait été maintenue dans le Hansard, un autre député de l’opposition aurait pu s’en prévaloir pour poser une autre sur tous les ambassadeurs mauriciens qui auraient été déclarés persona non grata dans le passé. Ce qui nous mène à une autre interrogation, non censuré : pourquoi est-ce que cette question gênerait le Speaker ?