Les années changent. Mais pas les valeurs. Certaines évoluent selon le contexte social, mais les plus fondamentales d’entre elles ne devraient pas connaître de mutation puisque les valeurs sont le socle d’une société saine. Est-ce que la nôtre est saine ? On veut y croire car, malgré les nombreuses maladresses et regrettables indélicatesses, l’absence de courtoisie et les autres maux sociaux qui nous affectent, notre société n’est pas finie ! Cette année, la République de Maurice aborde un virage important dans sa jeune existence. Elle célébrera ses 50 années d’indépendance, non sans fierté légitime. Nous avons le droit et de quoi être fiers. Nous nous sommes construits en tant que nation en seulement 50 ans sans avoir versé une goutte de sang. Le pays n’a pas eu à attendre des décennies après 1968 pour s’affirmer sans des béquilles britanniques. Une fois les incertitudes d’un peuple sevré par l’empire de Sa Majesté passées, l’éducation rendue accessible, les perspectives de développement économique devenues encourageantes, les emplois créés, l’île Maurice allait emprunter sans se douter la voie expresse pour devenir un État insulaire cité comme une référence sur tous les plans par ses pairs du continent africain. Le succès économique du pays a sculpté le mode de vie des familles mauriciennes. Et les conséquences que nous connaissons tous.
Ainsi, 50 ans après avoir acquis une identité à part entière, le pays se doit de repenser sur les valeurs sociales et morales qui lui échappent de jour en jour et sur lesquelles il avait aussi bâti sa réputation. L’érosion des valeurs à laquelle on assiste dans toutes les sphères de la société doit nous interpeller, voire plus, nous indigner ! L’on ne peut rester indifférent et silencieux face à la banalisation, voire la normalisation de l’incivisme qui se manifeste partout, dans la rue, au travail, à l’école, à l’hôpital, dans tous ces lieux publics que nous fréquentons tous. Si rien n’est fait pour rappeler l’importance et la pratique des valeurs, un jour viendra où il sera nécessaire de faire des campagnes nationales pour sensibiliser sur le sujet. Aujourd’hui, contrairement à 30 ou 40 ans de cela, la gentillesse et la courtoisie, deux caractéristiques qui qualifiaient le Mauricien, ne sont plus instinctives et spontanées chez lui. À l’époque, quand il intégrait le secteur hôtelier, il était formé sur le tas pour apprendre les techniques du métier. Plus tard, avec l’essor de cette industrie, c’est à l’école hôtelière qu’il ira se parfaire. Mais aujourd’hui, dans les institutions de formation, il est une obligation pour les formateurs de reprendre la base du civisme auprès des étudiants qui sont pourtant de jeunes adultes. Il est triste de constater que c’est entre les quatre murs d’une école de formation que l’on réapprend à dire « bonjour », « merci »… ou encore à sourire. Ce sourire qui fait cruellement défaut dans le service.
À la veille de nos 50 ans d’indépendance, au moment où le pays va résolument tourner son regard vers l’avenir, il faudra que tous nous prenions le temps de nous arrêter pour regarder en arrière. Et ce, pour comprendre comment et pourquoi les valeurs morales, les principes qui régissent la vie du citoyen de notre République sont en train de lui échapper. Pourquoi la courtoisie et le respect des codes de la route échappent également à de nombreux automobilistes, de plus en plus irresponsables et irrespectueux sur la route ? Pourquoi l’incivisme prend le dessus dans le quotidien du Mauricien, pourquoi les valeurs éthiques et humaines ne semblent pas convenir à la vie contemporaine dictée par le consumérisme ? Il serait inutile d’attribuer la faute à quiconque. Il serait plus logique de chacun d’entre nous se charge de rectifier le tir. Et de ne pas commettre l’erreur de croire que l’éducation s’en occupera, même si elle a eu bon dos pendant longtemps.
Sabrina Quirin