Prosecution Commission bis…

Pravind Jugnauth déclarait, en juillet dernier, que « kom enn gouvernma nou kone lor ki pwalon nou ete, enn pwalon so ». Chaud ou pas chaud, le 14e mois de Xavier Duval a visiblement provoqué une sorte de panique au sein du gouvernement qui a, vendredi, confirmé que le salaire minimum passait à Rs 15 000 et que celui du revenu minimal garanti serait porté à Rs 17 000, les Rs 2 000 manquants étant assurés par la CSG, le fonds sans fonds créé par le ministre des Finances. Si la mesure a fait des heureux, elle a aussi suscité un sentiment d’injustice de la part de ceux qui, après des dizaines d’années de service, en sont aux mêmes salaires que ceux décidés par le gouvernement vendredi. Pour l’équité salariale, il faudra attendre cinq ans afin de revoir la hiérarchie des rémunérations. On peut comprendre la grande frustration exprimée par ceux qui, avec leur temps de service, seront sur la même échelle salariale que les débutants.
Dans l’éducation, c’est pire que la frustration, il y règne un sentiment grandissant de dépit avec la suite de bricoles concoctées par la ministre de l’Éducation et qui sert de politique nationale. C’est en fin de mandat que les autorités éducatives viennent avec toutes sortes de programmes. Après le Technology Education Pathway, voilà le Bright Up. La semaine prochaine, ce sera peut-être le push-up… Entre chiffres avancés et contredits, et l’avenir de plusieurs générations avec lequel on joue de la manière la plus désinvolte qui soit, il y a ce présent inquiétant avec ces projets de loi aux mobiles douteux.
Le Local Government Bill, qui sera examiné en première, 2e et 3e lectures, ce mardi même — donc, sans le préavis usuel d’une petite semaine — vise à empêcher de futurs épisodes Létendrie, du nom de ce conseiller municipal de Beau-Bassin/Rose-Hill dont le MSM a, avec difficulté, obtenu la disqualification après son rapprochement avec le Reform Party. Voilà l’urgence du moment pour ce gouvernement qui a renvoyé les municipales !
Autrement plus dangereux, les conditions dans lesquelles, le gouvernement présentera, en première lecture, mardi prochain, le Financial Crimes Commission Bill, texte qui vise à réunir, sous la même ombrelle d’une Financial Crimes Commission, l’ICAC, l’Asset Recovery Investigation Division de la Financial Intelligence Unit et l’Integrity Reporting Services Agency. Le grand patron de cette nouvelle entité, qui sera choisi par le Premier ministre, donc un nominé politique, sera l’actuel directeur de l’ICAC, Navin Beekarry, dont le salaire est gardé bien secret et dont le bilan lui est, par contre, plus qu’éloquent. Retour d’ascenseur après la volte-face dans l’affaire MedPoint et pour la politique des yeux fermés sur Angus Road ? Ça commence bien.
Mais ce n’est pas tout, le texte prévoit des amendements qui empiètent sur une pléthore de législations existantes, ce qui en fait une espèce de Prosecution Commission bis dans son intentionnalité et dans son esprit. Ils vont enquêter, procéder à des arrestations et recommander des poursuites, même si le DPP, dont les fonctions sont protégées par la Constitution, peut à n’importe quel moment intervenir dans un processus judiciaire s’il a la conviction que la démarche est viciée.
Le PMSD avait choisi de claquer la porte du gouvernement en décembre 2016 parce qu’il était en désaccord avec le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth, d’Ivan Collendavelloo, de Roshi Bhadain et de Nando Bodha qui voulait qu’une Prosecution Commission contrôle le Directeur des Poursuites publiques. Danielle Selvon avait, elle aussi, démissionné du MSM en novembre 2015, un an à peine après son élection dans la première circonscription pour protester contre le Good Governance and Integrity Reporting Bill de Roshi Bhadain. Elle le rejoindra ensuite pour briguer les suffrages au N°6 sous la bannière du Reform Party.
C’est dire toute l’inconstance qui caractérise nos moeurs politiques. Mais un geste courageux, quand bien même ponctuel et ancien, se doit d’être salué. Parce qu’un sursaut, un réveil des consciences, un peu d’honneur et d’amour propre, ce n’est pas donné à tout le monde. Face aux dangers d’une concentration des pouvoirs entre les mains d’un nominé du régime, ceux qui osent encore revendiquer leur attachement à la démocratie vont continuer à se taire. Sur les renvois successifs des municipales, ils se sont tus ou fourvoyés pour défendre l’indéfendable et, sur le FCC Bill, ce sera sans doute le même silence assourdissant et le même suivisme indécent.
Ils vont continuer à se vautrer dans le glauque, le plus urgent étant de continuer à jouir des délices du pouvoir et d’en abuser sans vergogne. Pas la moindre démonstration d’une once de dignité ni un peu de sens de l’histoire. Rien. Dans ce registre, Ivan Collendavelloo représente un cas particulier. L’ancien avocat avait forcé le respect lorsqu’il avait, en 1989, démissionné pour avoir apposé sa signature au bas du formulaire de demande de passeport mauricien du défunt Sol Kerzner, lequel sera ensuite mêlé à une affaire de corruption en Afrique du Sud. C’est lui qui est considéré comme le père de la POCA, la Prevention of Corruption Act de 2002, texte fondateur de l’ICAC et qui avait fait l’objet d’un examen transpartisan au sein d’un Select Committee, et non pas le fruit de la décision unilatérale d’un régime en fin de mandat.
Les premiers directeurs de l’ICAC étaient désignés par un Appointments Committee composé du président de la République, du Premier ministre et du leader de l’opposition, dont les décisions devaient être unanimes pour une garantie supplémentaire d’indépendance des décisions e des personnes choisies. Cette ICAC a été dévoyée et dépouillée, et elle est aujourd’hui un bouledogue qui ne mord que les opposants, et c’est son directeur qui va prendre les commandes de la FCC.
Le semblant de Speaker, le Local Government Bill, le FCC Bill, tout cela confirme que nous sommes non seulement dans une autocratie, mais carrément dans une voyoucratie.

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JOSIE LEBRASSE

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