Non merci

Dans une démocratie idéale, où le système électoral est équitable et juste, et la volonté populaire est reproduite, avec éclat et, au vote près, à l’Assemblée nationale, la variété de l’offre politique, qu’elle vienne du Party Malin ou d’une formation qui est en faveur de la légalisation du cannabis récréatif, est bienvenue, salutaire. La pluralité ayant alors tout son sens. Mais à Maurice, emprisonnée dans son système de bipolarisation depuis 57 ans, pas de place pour des outsiders, quand bien même très représentatifs. Le First Past The Post laissant peu de chances aux troisièmes ou quatrièmes “forces”.

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En 1976, dans une lutte à trois, la victoire du MMM fut confisquée par un arrangement post-électoral PTr-PMSD. Depuis, ce sont toujours deux blocs qui se sont affrontés aux élections générales, avec le gagnant formant le gouvernement avec plus de sièges que de voix exprimées, comme en 1983 et 87. La dernière fois qu’il y a eu une triangulaire, c’est aux dernières élections générales, le MMM décidant d’aller courageusement seul face à deux alliances, celle se composant du MSM et de ses alliés, le ML, la Plateforme Militante de Steve Obeegadoo et le Mouvement, dont on ne sait plus trop le nom, d’Alan Ganoo de Lalians Morisien et le PTr et le PMSD de Lalians Nasional. Cette dispersion des votes a permis à Pravind Jugnauth de se maintenir au pouvoir. Quand bien même minoritaire dans le pays.

Les prochaines consultations générales approchant, les blocs se sont constitués avec, d’un côté, le MSM et ses alliés et, de l’autre, l’alliance PTr-MMM-PMSD dont les votes, s’il étaient combinés en 2019, auraient sans doute balayé Pravind Jugnauth. Le PTr, avec le PMSD, n’était qu’à 5% derrière les coalisés autour du MSM, malgré la campagne ultrapersonnalisée et violente menée contre Navin Ramgoolam. Mais il n’y a pas que ces deux blocs qui s’affronteront au prochain scrutin. Une multitude de partis sont en lice. Lorsque les principales formations ainsi que les observateurs qui suivent la politique de près depuis l’indépendance disent que la présence de ces nouvelles formations ne peut que faire le jeu du MSM et le reconduire pour un autre mandat de cinq ans, ce n’est pas qu’une vue de l’esprit. C’est une réalité indiscutable dans notre présent système électoral.

Qui de ces nouvelles formations, bien bruyantes, peut logiquement et raisonnablement prétendre former le prochain gouvernement ? Aucune. À bien voir, leurs principaux dirigeants n’aspirent qu’à une chose, se faire élire ou réélire.

Le plus paradoxal, si ce n’est risible, de la part des tenants de la troisième ou quatrième voie, c’est que certains d’entre eux sont d’une arrogance et d’une mégalomanie à laquelle s’ajoute une forte dose de démagogie. Le passage de Roshi Bhadain sur une radio privée vendredi a été un exercice qui a achevé de « tir lafime dan lizie » de beaucoup de Mauriciens. Se voyant déjà Premier ministre et en parlant de lui à la troisième personne, l’ancien ministre MSM a révélé la composition de son casting-choc. Lui-même, chef de gouvernement pour cinq ans, bien sûr. Pas de partage de pouvoir avec Nando Bodha, qu’il expédie à la State House et, Rama Valayden, qu’il va installer au ministère de l’Intérieur. Mais rien sur son allié Patrick Belcourt, sans doute vice-Premier ministre…

Tout ce beau monde fait comme s’il était de la première virginité politique alors que, comme le mentionnait Week-End le 26 mars dernier, ce sont en fait des “produits recyclés”. À commencer par Roshi Bhadain, qui adore regarder dans le rétroviseur lorsqu’il s’agit de Navin Ramgoolam. Or, si on commence à regarder dans le sien, il y en aurait aussi beaucoup à dire et à redire. Après son court passage de 25 mois au gouvernement entre 2014 et 2017. Le démantèlement de la BAI orchestré juste après que lui-même et ses complices d’alors, sir Anerood Jugnauth, Pravind Jugnauth, aient vidé leur comptes personnels dans cette banque, la soirée Dufry organisée par Rajesh Gooljaury, le coup de tête coûteux pour le contribuable de l’affaire Betamax, sa bruyante escorte policière alors qu’il n’était que 19e dans la hiérarchie gouvernementale.

Et le fameux Heritage City qui avait été un scandale à multiples rebondissements. Comment un ministre des Services financiers s’occupait de la construction d’un immeuble à Minissy, Bagatelle, est restée longtemps une énigme. Toujours est-il que c’est Roshi Bhadain qui était à la manœuvre pour que “son” projet au coût de Rs 29 milliards aboutisse coûte que coûte. Cela avait conduit à une situation rocambolesque le 9 septembre 2016 avec un communiqué falsifié des délibérations du conseil des ministres qui indiquait que le projet avait été « revived » après avoir déjà été enterré le 5 août. Et de nouveau définitivement enterré en octobre 2016, des ministres, et non des moindres, s’opposant tant au projet qu’aux fonds déjà engloutis à perte sèche. Dans ce scénario rocambolesque, c’est le pays qui a perdu Rs 40 millions payées à la firme dubaïote Stree Consulting pour rien.

Quant à Rama Valayden, ministre de l’Intérieur, là aussi, ça fait frémir. On a eu un aperçu dont est capable cet avocat, de temps en temps — utile sur le front des droits humains, comme dans le cas de l’affaire Kistnen — lors de son passage comme Attorney General nommé entre 2005 et 2010 après sa défaite électorale au N°19. Qui ne se souvient que c’est dans son bureau officiel de chef conseiller légal du gouvernement que le récidiviste notoire Manan Fakoo s’était réfugié alors qu’il était recherché par la police ? Qui peut oublier que lui, Attorney General, était intervenu auprès de la hiérarchie de la police, le 25 décembre 2007, pour faire libérer Marcelin Humbert, un membre de son parti d’alors, le Mouvement Républicain, mais aussi un multirécidiviste impliqué dans des affaires de mœurs, de meurtre et de drogue ?

Si c’est ça l’équipe choc qui est proposée à l’électorat pour un changement, il vaut mieux, faute d’une vraie alternance inédite, laisser le pays aux dinosaures.

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