Tout au long des derniers mois, à chaque fois que je racontais le calvaire vécu par les habitants de Beau-Bassin/Rose-Hill à cause des travaux de construction du métro, les gens pensaient que j’exagérais. Et pourtant, je ne faisais que raconter le quotidien de dizaines de milliers d’habitants exposés à des travaux d’infrastructures gigantesques — pour Maurice — marqués par un manque de prévision, de préparation et de communication extraordinaires. Pendant des mois, ceux qui avaient le malheur d’habiter non loin du tracé ont dû endurer les bruits des machines et les conversations à tue-tête des travailleurs étrangers au milieu de la nuit ; la poussière qui s’infiltre et s’installe partout ; l’incapacité de savoir où tourner, quel chemin prendre pour se déplacer ; les one way, no turn et no entry posés pendant la nuit et que l’on oublie de retirer après. Pendant de longs mois, circuler à Beau-Bassin/Rose-Hill aura été une aventure, une torture et un stress permanent, ce qui explique quelque part les résultats des élections, dont le métro devait être un joker électoral. On pensait que la misère subie allait prendre fin à la fin des travaux, c’était encore une fausse information. Le projet a lui-même été coupé en deux. Au lieu du Curepipe/Port-Louis annoncé au début, on n’a eu droit qu’à un Rose-Hill/Port-Louis. Si les travaux ont été complétés, comme on l’affirme haut et fort, la licence donnant l’autorisation de circuler n’a pas encore été obtenue. Un porte-parole affirme que la licence sera obtenue sous peu. Le nouveau ministre — qui alors qu’il était dans l’opposition avait milité contre le projet — déclare que le train roulera gratuitement avant Noël, puis avant la fin de l’année. Mais comme ce nouveau ministre nous a appris qu’il pouvait changer d’alliance politique en quelques heures, qui va croire en sa parole ?
Les habitants de Beau-Bassin/Rose-Hill pensaient qu’une fois les travaux terminés, vraiment terminés, leur calvaire allait prendre fin et qu’ils allaient pouvoir recommencer à circuler librement. Encore une grosse désillusion. Le métro a été construit pour mettre fin à l’embouteillage permanent qui existe dans tous les centres-villes. Avec les nouvelles dispositions de la traffic branch, on peut déjà  affirmer que le métro ne fera qu’amplifier l’embouteillage permanent. À Beau-Bassin/Rose-Hill, la rue Vandermeersch — qui longe le métro et où pour le faire passer on a déraciné des centaines d’arbres — était utilisée pour diminuer le trafic sur la route Royale dans les deux sens. Désormais, cette rue conduit uniquement au centre de Beau-Bassin puisque toutes les sorties à gauche, sauf une petite ruelle, sont désormais interdites. Ces rues sont désormais « no left turn ». Elles le sont parce qu’elles « sont utilisées pour le passage du tram ». Par conséquent, l’automobiliste qui doit aller au centre de Rose-Hill doit obligatoirement passer par la route Royale et le centre-ville, augmentant ainsi l’embouteillage qui va vers Beau-Bassin. L’autre solution serait de prendre Vandermeersch jusqu’à la route Royale, à Beau-Bassin, de tourner dans la place des taxis avant de tenter de remonter dans l’autre embouteillage qui bloque Beau-Bassin jusqu’à Rose-Hill. Ces nouvelles dispositions pour amplifier l’embouteillage et ralentir la circulation dans Beau-Bassin/Rose-Hill provoquent un tel désordre — et un tel mécontentement — que des policiers sont postés aux no left turn pour expliquer la situation aux automobilistes et essayer de les calmer. Pour corser le tout, la police annonce qu’elle compte lancer bientôt une campagne d’explications sur ces panneaux qui ont été déjà installés ! Est-ce que ce n’est pas AVANT qu’il fallait faire la campagne d’explications ?
Oui, quand je racontais les malheurs des habitants de Beau-Bassin/Rose-Hill victimes des travaux de construction du métro, des amis et des lecteurs trouvaient que j’exagérais. Depuis quelques jours, depuis que les travaux de construction du tracé pour les hauts ont commencé, je reçois pas mal de messages pour me dire que c’est maintenant qu’on comprend la colère des habitants de Beau-Bassin/Rose-Hill obligés de subir les travaux de construction. En dépit de l’expérience désastreuse de Beau-Bassin/Rose-Hill, ce sont les mêmes méthodes qui sont utilisées pour les travaux devant relier Curepipe à Rose-Hill. Ces travaux sont marqués par les manquements et je ne parle pas des déviations des panneaux no entry, road closed, no turn ou one way qui poussent comme des champignons après la pluie. Oui, le développement doit se faire, oui, le progrès doit continuer. Mais est-ce qu’il n’est pas possible de le faire avec de la prévision, de la préparation et de la communication et dans le respect des Mauriciens ?
Jean-Claude Antoine