La défaite de Maurice, 161e au classement de la Fédération internationale de Football Association (FIFA), mercredi au stade Anjalay Coopen, face au 190e, Sao Tomé-et-Principe, est restée en travers de la gorge. Comment a-t-on pu se faire humilier, de surcroît à domicile, par une nation qui n’est même pas une référence en Afrique ? Certes, un miracle est toujours possible cet après-midi lors de la manche retour des préliminaires de la CAN 2021, mais toujours est-il que la limite de l’acceptable a été franchie mercredi.
Constitué de deux îles principales, dans l’océan Atlantique, à l’ouest du Gabon, Sao Tomé-et-Principe est inconnu de la grande majorité des Mauriciens. Et pour cause, il s’agit d’un des plus petits États d’Afrique. Également l’un des plus pauvres, des moins avancés et des plus endettés de la planète. C’est dire les conditions difficiles dans lesquelles évoluent son équipe de foot.
Contrairement à Sao Tomé-et-Principe, Maurice figure parmi les plus développés d’Afrique. On est même souvent cité comme modèle dans différents domaines. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, comme en témoignent les milliards de roupies dépensées pour marquer les 40 ans – pas les 50 ans ! – des Jeux des Iles de l’océan Indien. Sans compter les promesses électoralistes et populistes visant à sucrer le bec des uns et des autres.
Malheureusement, derrière ce décor presque parfait, – en dehors des inégalités qui existent aussi à Maurice -, se trouve le football. Cette discipline qui faisait jadis la fierté du sport local n’est plus que désespoir. La situation a empiré au fil des années. Le football n’est plus que l’ombre de lui-même et c’est un fait. Fini les jours où notre équipe de foot, entraînée par feu Mamade Elahee, nous offrait une qualification historique à la CAN. Cet exploit remonte à… 1974, en Égypte !
Depuis, on court toujours derrière une nouvelle participation à la phase finale de la CAN. Alors même que notre voisin, Madagascar, vient d’écrire l’histoire, non seulement en se qualifiant pour sa première CAN, mais en atteignant aussi les quarts de finale avant de se faire éliminer par la Tunisie. Doit-on aussi rappeler que Madagascar, tout comme Sao Tomé-et-Principe, est bien moins loti que Maurice au niveau économique ?
C’est justement sur cette question que la Mauritius Football Association (MFA) gagnerait à réfléchir. Pourquoi, malgré nos moyens, nous n’arrivons pas à battre des pays, dont les footballeurs vivent souvent dans des situations de précarité ? La MFA étant une fédération qui jongle annuellement avec des millions, gracieusement offertes, non seulement par le ministère de la Jeunesse et des Sports, mais également par la FIFA, aurait dû avoir les moyens de trouver des solutions à cette situation. On aurait ainsi évité à nos footballeurs, hommes et femmes, l’humiliation sur le plan africain.
A l’exception de cette performance «isolée» des U17 ans, entraînés alors par Kersley Clark et Roddy Brelu-Brelu et qui avait accédé en finale de la COSAFA Cup U20 en 2017. Ainsi, la question que les experts du football local devraient se poser, MFA et ministère de la Jeunesse et des Sports compris, est toute simple: comment sommes-nous arrivés à ce niveau ? Pourquoi ce qui fonctionnait à l’époque des administrateurs responsables et visionnaires – nous ne les citerons pas de peur d’en oublier un – ne l’est plus depuis des décennies ?
Ce qui est sûr, c’est que le football souffre cruellement de leadership, voire d’initiative. L’actuel président Samir Sobha, ainsi que ses prédécesseurs, savent tous de quoi on parle. Les intérêts, eux, semblent être ailleurs, alors que les réelles aspirations, voire les vrais défi s, ne semblent nullement être une priorité. Et c’est vraiment dommage. Les manquements sont multiples et la MFA en est pleinement consciente. Ce qui est encore plus grave, c’est qu’elle n’a jamais été en mesure de capitaliser sur les acquis. Elle n’a d’ailleurs pas su tirer profit des bases jetées par l’ancien directeur technique national, le Français François Blaquart, sous l’ère Michael Glover. Au lieu de «nourrir» la poule aux œufs d’or qu’était le centre national de formation, la MFA l’a, à un moment donné, «asphyxié». Certains allant même jusqu’à qualifier ces jeunes de «bater boule», mais dont on gardera nous le souvenir de joueurs bien formés et de très bonne qualité surtout.
Une chose est cependant sûre : le football mauricien respire difficilement. Et ça, le sélectionneur national, Akbar Patel, le sait autant que nous. Il sait aussi qu’il a failli dans sa tâche avec cette humiliante défaite face à Sao Tomé-et-Principe. La MFA aussi, au même titre que le MJS. Reste à savoir maintenant quelles sont les décisions appropriées, réalisables et surtout sincères, qui seront prises pour éviter l’hémorragie avant qu’il ne soit définitivement trop tard.