Avant le 22 juillet dernier, des Intelligence Officers avaient averti de l’arrivée d’un “Cargo Record” de stupéfiants par voie maritime
Le 24 juillet, soit la veille du naufrage du vraquier, l’escouade ayant refilé ce “tuyau sûr” est tout simplement “disbanded” sur les directives des patrons hiérarchiques
Le PM à l’Assemblée national concède: “When the vessel was six nautical miles away from our coast, MV Wakashio became a suspect vessel”
Trente-cinq jours après le naufrage à quelques encablures du rivage de Pointe d’Esny et bientôt une semaine après le sabordage de la proue, le MV Wakahsio continue à évoluer en eaux troubles. Et la précipitation des autorités à éliminer des pièces maîtresses à bord avec l’immersion à plus de 3 000 mètres au fond de l’océan Indien ouvre la porte à des spéculations et conjectures, d’autant plus que le cumul des explications officielles fournies depuis ne semble nullement convaincre. Mais ce qui est plus grave c’est que des sources d’habitude très réservées sont venues de l’avant pour affirmer qu’avant le 22 juillet, soit bien avant que le MV Wakashio n’ait pénétré dans la zone des 200 milles nautiques de Maurice, des informations circulaient selon lesquelles un “cargo record” de stupéfiants était attendu par voie maritime.
Le comble est que ces Intelligence Officers, qui avaient cru bien faire en évoquant la question avec leurs supérieures hiérarchiques, ont été tout simplement transférés avec immédiat le 24 juillet, soit à la veille du naufrage du MV Wakashio. Un autre élément aussi troublant révélé par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, en réponse à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Arvin Boolell, vendredi, a affirmé que la présence de ce vraquier à six milles nautiques du rivage du Sud-Est était considérée comme suspecte. Mais aucun déploiement des forces de sécurité le samedi 25 juillet. Deux raisons sont avancées par Pravind Jugnauth: le mauvais temps en mer et le Dhruv, seul hélicoptère pouvant survoler la nuit, était en maintenance.
Le transfert d’une escouade de Field Intelligence Officers de ce département, dont les chefs hiérarchiques bénéficient d’une protection politique occulte à toute épreuve depuis plus de deux ans, alimente la chronique. Les informations disponibles sont que ces officiers étaient en possession d’informations selon lesquelles une importante cargaison de drogue se trouvait sur un cargo faisant route vers Port-Louis en cette fin de juillet. A la décharge de ces Intelligence Officers, ces derniers n’avaient aucune indication sur le nom du bâtiment de la marine commerciale, ni de la quantité de stupéfiants.
Ces mêmes sources avancent que cette affaire remonte à la période entre le 17 et le 22 juillet. Au cours de cette même période, ces détails, aussi minces soient-ils, ont été communiqués à qui de droit en vue d’”investigate all drugs related matter at sea and step up the checking of all incoming ships for potential drugs activity and smuggling”. Mais grande fut la surprise des officiers concernés, car par voie de Posting Order, ils reçurent leurs Marching Orders de leurs postes pour être mutés ailleurs, “mank tigit si ti ena bato, Agalega tudeswit”. Mais comme pour mieux présenter l’emballage de cette “décision arbitraire”, d’autres officiers ont été transférés.
Des restes de gilets de sauvetage
C’était le 24 juillet et le MV Wakashio se trouvait déjà dans les eaux mauriciennes, ayant emprunté depuis plusieurs jours une voie loin du couloir de navigation maritime normal pour les navires croisant au large du Sud-Est de Maurice. D’autre part, se basant sur les mouvements du vraquier, qui avait pénétré les eaux territoriales de Maurice depuis 23h30, le 23 juillet, et le fait que vers 19h10 le 25 juillet dernier, le MV Wakashio se déplaçant à 11 noeuds à l’heure était pointé à six milles nautiques de Mahébourg, le commissaire de police Khemraj Servansing avait tiré la sonnette d’alarme que “MV Wakashio became a suspect vessel”.
En dépit du fait qu’entre 18h15 et 19h10 ce samedi 25 juillet dernier, les quatre sommations de la National Coast Guard étaient restées sans réponse du commandant du vraquier battant pavillon panaméen, aucune mesure de surveillance n’a été déployée. Les justifications avancées par le Premier ministre sont de “heavy swell and rough sea conditions”, selon la météo. Il fallait ajouter à cela le fait que “among the six helicopters only the Dhruv has night flying capabilities but could not be deployed as it was on maintenance until 7 August 2020”.
Pravind Jugnauth ajoute que les unités de la National Coast Guard, notamment CGS Barracuda, CGS Victory et CGS Valiant allaient prendre neuf heures de leur base de Port-Louis pour rallier le Casualty Site au large de Mahébourg. Pourtant, le même Premier ministre avait reconnu que “since 23 July 2020 at 23 hours 30 when it entered our Exclusive Economic Zone at 200 nautical miles, through the Sea Vision Satellite Automatic Identification System it was being tracked by the National Coast Guard Operations Room”.
Mais ce n’est qu’à 18h15, le 25 juillet, que la première alerte a été levée par les NCG Operators affectés à la Coastal Surveillance Radar System Station de Pointe-du-Diable, quasiment trop tard pour éviter un naufrage et aussi pour contre-vérifier l’Intelligence partagée au plus haut niveau de la hiérarchie selon laquelle “a ship will enter the Mauritius territory with a huge load of drugs”. En complément, les informations communiquées à la police par cette Mauricienne en villégiature à Pointe d’Esny au sujet des restes de gilets de sauvetage retrouvés sur le rivage sont aujourd’hui restées lettres mortes.
Autant de questions sans réponse à ce jour, d’autant plus que depuis la publication le 17 juillet 2018 du rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême Paul Lam Shang Leen, l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) du tandem Bhojoo/Azima collectionne des casseroles les unes plus sonores que les autres et cela sans aucune velléité de rectifier le tir…