En filigrane à la mobilisation citoyenne d’hier à Port-Louis, la quatrième de la série après le coup de poker initial du 11 juillet de Konversation Solider-Rezistans & Alternativ constitue un signal fort de la rue au gouvernement de Pravind Jugnauth avec pour thème “Gouvernement Jugnauth DEHORS”. Un signal contre la ligne rouge constituée par le meurtre de l’agent du MSM de Quartier-Militaire/Moka (No 8), Soopramanien Kistnen, alias Kaya, sur fond d’affairisme avec l’allocation de contrats publics et autres transactions. Un signal contre la corruption caractérisée ou encore contre les dérives des institutions, comme la police et l’Independent Commission Against Corruption (‘ICAC), perçues de plus en plus comme étant des instruments de cover-up entre les mains de ceux au pouvoir.
Indistinctement, les principaux organisateurs de la marche d’hier se félicitent de la mobilisation à l’initiative des partis d’opposition, soit principalement le Parti travailliste, le MMM, le PMSD et aussi des mouvements citoyens, dont Linion Sitwayin de Bruneau Luarette, ayant apporté leur soutien actif. Certes, à la fin de la marche, la comparaison qualitative et quantitative avec les précédentes manifestations, notamment celle du 29 août de l’année dernière avec pour thème mobilisateur la marée noire du naufrage du Wakashio au large de Pointe d’Esny le 25 juillet 2020, était inévitable. Du côté de la police, l’on se contentait de confirmer que “tout s’est déroulé dans l’ordre”, tout en évitant de s’aventurer pour dire qui du samedi 29 août 2020 ou du samedi 13 février 2021 avait attiré la plus importante foule.
Que ce soit du côté du PTr, du PMSD ou du MMM, l’on faisait tout simplement comprendre que “la marche de ce samedi 13 n’est nulle autre chose qu’un ultimatum au gouvernement, et surtout au Premier ministre, Pravind Jugnauth”. Ainsi, Patrick Assirvaden, président du Parti travailliste, soutenait en fin de journée que “nous sommes pleinement satisfaits de la présence des partisans du Labour parmi la foule, représentant la nation arc-en-ciel. Les sympathisants du Labour ont répondu à l’appel”.
De son côté, Ashok Subron, de Konversation Solider et de Rezistans & Alternativ, qui revendique la toute première mobilisation du 11 juillet 2020, au lendemain de la fin du confinement, souligne que “nous avons participé à cette mobilisation citoyenne par devoir, car il y a une sourde colère au sein de la population contre Pravind Jugnauth. Maurice a voulu dénoncer le fait qu’une ligne rouge a été transgressée par le meurtre de sang-froid d’un agent du MSM sans compter que les institutions appropriées ne sont pas parvenues à élucider cette enquête. Puis et surtout, il y a la corruption rampante dans le pays”. Les militants de Rezistans & Alternativ ont voulu marquer leur différence des Mainstream Political Parties avec pour refrain «**** zot tou deor» ou encore «Ni labou ni lamar».
Dès la fin de la matinée d’hier, les manifestants venus des quatre coins du pays ont commencé à affluer vers la capitale, notamment devant la municipalité de Port-Louis, le point de départ de la marche. Jeunes et vieux, femmes et hommes s’y convergeaient en grand nombre, avec pour seule arme leur motivation de transmettre ce signal pour faire comprendre au Premier ministre que “time is running out for him”. Avec l’incontournable quadricolore en prime, les participants brandissaient des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des slogans des plus hostiles à l’encontre de Pravind Jugnauth, tout en réclamant des comptes sur l’Angus Road Saga, dossier classé aux oubliettes à l’ICAC.
“Aret insilte lintelizans zanfan moris”
Les slogans bien en évidence se lisaient comme suit: «I love my country, I am ashamed of its government»; «Get lost, Return our country», «Pra-20 We Revoke You»; «Angus Road We want Answers»; «Nepli ena sekirite dan pei» ou encore «Time to Go». Le tout agrémentant de cris repris en choeur «B….. li deor».
La présence des jeunes dans la cortège compacte entre la municipalité de Port-Louis et la place d’Armes devant l’Hôtel du gouvernement était des plus palpables. «Nou pa finn vin dan sa lamars la akoz parti politik. Nou finn vini pou dir ase pran sa lepep Moris la pou inbesil. Aret insilte lintelizans zanfan moris. Nou ena enn Premie minis ki pa pe deliver. Institision an pann. Lapolis politize. Paret ki li pe rod intsall enn diktatir MSM», laissaient entendre des jeunes aussi motivés à faire entendre leur voix. Ils ne cachent pas leur déception que la vieille garde politique ne veut pas céder la place pour laisser profiler un nouvel échiquier.
«Pravind Jugnauth nous montre de plus en plus qu’il ne se soucie pas de l’opinion de la population et qu’il se contente de s’agripper à sa majorité parlementaire. Le peuple a besoin de réponses. L’affaire Angus Road lui traîne aux pieds. Maintenant, on assiste aux ruses d’un cercle de profiteurs proches du pouvoir, dont celui de son colistier au No 8, Yogida Sawmynaden. Les institutions du pays, notamment la police et l’ICAC, sont contrôlées par le pouvoir MSM», lâche une jeune femme travaillant dans le secteur offshore.
Avant le début de la marche, les leaders des différents partis politiques, notamment Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, Xavier-Luc Duval et Roshi Bhadain, se sont mêlés à la foule, de même que des députés de l’opposition des circonscriptions de la capitale. Le ministre démissionnaire, Nando Bodha, y était également, alors que la présence de deux membres du Muvman Liberater, l’ancien ministre Anil Gayan et l’ancien maire des villes soeurs, Ken Fong, proche des Kistnen, ne passait pas inaperçue.
La marée humaine allait bouger très lentement en direction du Prime Minister’s Office (PMO) Bureau avant de prendre d’assaut la place de l’Hôtel du gouvernement avec des cris «Pravin Deor», «Lapolis konplis» ou encore «Lev pake ale» accompagnés de sons des vuvuzelas. A la place d’Armes, une foule très compacte avait déjà pris place devant le podium et des centaines de personnes ont profité pour prendre de l’ombre dans les deux ailes, soit les jardins à l’entrée de la capitale. A partir de ce moment, certains ont profité pour se disperser non seulement parce qu’ils ne voulaient pas entendre les discours politiques, mais pour éviter d’être coincés dans des embouteillages.
Juste avant 15h30, un groupe de manifestants avaient voulu démontrer de leur mécontentement en brûlant des effigies qu’ils avaient apportées à cette manifestation provoquant un déploiement supplémentaire de policiers. La police allait aussi s’assurer que les groupes de personnes qui se trouvaient sur les lieux allaient quitter la place d’Armes dans le calme, demandant à Bruneau Laurette de les disperser dans l’ordre…