Le Guide - Législatives 2024

Me Shakeel Mohamed : « Oui, je serai le numéro trois d’un éventuel gouvernement PTr-MMM-ND ! »

Notre invité de ce dimanche est l’avocat et membre du Parti Travailliste Shakeel Mohamed. Dans l’interview réalisée jeudi dernier, il donne ses explications sur la polémique à propos de son absence du meeting de l’alliance et de la conférence de presse qui a suivi. Il dénonce également la campagne communale dont il fait l’objet et confirme qu’il occupera la troisième place dans le gouvernement PTr-MMM-ND-RA si l’alliance de l’opposition remporte les prochaines élections.

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Alors que l’alliance de l’opposition PTr-MMM-ND a réussi à maintenir l’unité après la cassure avec le PMSD, vos récentes déclarations peuvent provoquer des secousses au sein de l’alliance…
— De quelles secousses parlez-vous ?

Vous avez annoncé que vous serez le numéro trois du prochain gouvernement alors que des candidats à la candidature, qui sont sur le terrain depuis des mois, ne savent même pas s’ils vont obtenir un ticket. Admettez que votre annonce a de quoi susciter des remous au sein de l’alliance…
— Pas du tout, dans la mesure où cette proposition d’être le numéro 3 m’a été faite par le leader du PTr et que je l’ai accepté. Les leaders de l’alliance l’ont confirmé : en quelque sorte, j’ai eu une promotion avec le départ du PMSD pour occuper la place qui devait revenir à Xavier-Luc Duval. Oui, je serai le numéro trois du prochain gouvernement PTr-MMM-ND.

Pourquoi est-ce que c’est vous qui annoncez cette nouvelle et pas les dirigeants de l’alliance de l’opposition ?
— J’ai été poussé à bout par les rumeurs qui veulent faire croire qu’il y a des problèmes entre Reza Uteem et moi, alors que c’est totalement faux. C’est pour mettre fin à ces rumeurs que j’ai pensé qu’il était temps de crever l’abcès, dans la mesure où le public commençait à croire dans les fausses informations et la campagne infecte du MSM contre moi. On dit que j’ai un problème avec Reza, que je ne suis pas d’accord avec les candidats du MMM, alors que je ne me suis jamais exprimé sur ces sujets. Je fais partie d’un comité qui discute du choix des candidats, ce qui relève du choix des dirigeants de l’alliance. Ces rumeurs laissent entendre qu’il y a chez moi de la frustration ou un malaise, ce qui n’est pas le cas. Les discussions au sein du parti sont centrées sur le programme de rupture avec les pratiques du passé et les nouvelles idées et propositions qui seront bientôt annoncées. On a dit que je n’ai pas assisté au meeting du 11 août parce que je n’étais pas sur la liste des orateurs, mais, et le leader et le président du parti savaient que je ne serais pas là. Quand le leader du PTr m’a annoncé que je ne serais pas parmi les orateurs, il m’a dit d’en profiter pour sortir avec mes enfants et mes beaux-parents, qui sont de passage à Maurice.

Trouvez-vous normal qu’un député qui sera, vous venez de le confirmer, numéro trois du gouvernement PTr-MMM-ND, ne soit pas présent au meeting de l’alliance qui relance la campagne, ne serait-ce que dans la foule ?
— Non, je ne trouve pas cela nécessaire parce, tout d’abord, ce n’était pas ma circonscription et que je ne vois pas ce que ma présence dans la foule aurait apporté de plus aux messages des leaders et des autres orateurs. On a fait de cette histoire un buzz parce que je pense que le MSM est à la recherche de tout ce qui pourrait passer pour un mécontentement ou une frustration au sien de l’alliance. Je ne comprends pas pourquoi je suis devenu le sujet de préoccupation du MSM au point qu’il a fait consacrer un item de sa conférence de presse à mon absence du meeting et de la conférence de presse de l’alliance. Pour le meeting, j’ai déjà répondu, et pour la conférence de presse, je redis que je n’étais pas présent parce que j’avais la diarrhée. J’ai ajouté que je ne comprenais pas pourquoi l’état de mes intestins pouvait intéresser à ce point le gouvernement. C’est tout ce qu’ils ont comme thème pour une conférence de presse ?! Le fait d’insister sur mon absence au meeting et à la conférence de presse démontre la pauvreté des arguments du MSM contre l’alliance. Il n’a ni idée ni projet de société à proposer, mais seulement des rumeurs dont il fait le sujet de ses conférences de presse !

N’avez-vous pas été frustré ou mécontent quand on vous a fait rendre le poste de leader de l’opposition à Arvin Boolell ?
— Non, parce que c’était entendu dès le départ que je ne faisais que remplacer Arvin Boolell, qui était malade. Navin Ramgoolam a bien précisé qu’il m’avait choisi sur mes mérites : mon expérience d’avocat et de parlementaire élu quatre fois et de chef de file au Parlement. Mais il y a eu une campagne communale du MSM et de son leader contre moi du fait de ma communauté. Vous savez quand j’ai ressenti de la frustration ? C’est quand le MSM a fait de mon appartenance ethnique un sujet de campagne selon laquelle un musulman ne pouvait pas occuper le poste de leader de l’opposition. Avec ce genre de raisonnement à Maurice, les gens ne sont pas jugés sur leur mérite, leur expérience ou leur talent, mais uniquement réduits à leur appartenance communale ou religieuse : c’est ça l’État MSM ! Et le pire c’est que cette campagne continue encore parce que, pas plus tard qu’hier, on m’a fait parvenir un post qui m’attaque sur mon appartenance communale, et nous sommes en 2024 !

Mais le pire c’est que ce sont ces critères qui sont utilisés par tous les partis politiques pour choisir leurs candidats…
— Mon père disait qu’au fil des années cette manière de fonctionner allait diminuer avant de disparaître : il se trompait. Sur ce chapitre, la situation est en train d’empirer et la manière dont le MSM mène sa campagne le prouve.

Sur quels critères avez-vous été choisi pour occuper la troisième place dans un éventuel gouvernement PTr-MMM-ND ?
— Le leader du PTr pense que j’ai les compétences voulues pour occuper ce poste et, je tiens à le souligner, sa proposition a fait l’unanimité au sein de l’alliance, ce qui m’a agréablement surpris. Mais Navin Ramgoolam m’avait prévenu que cette nomination ferait l’objet d’une autre campagne du MSM contre moi et ma communauté et, comme je vous l’ai dit, des messages de haine ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, et je sais d’où ils viennent. Je n’ai pas l’intention de me laisser faire et je vais prendre les mesures légales pour mettre fin à cette campagne de mensonges, de dénigrement et de haine !

En quelque sorte, vous héritez de la place prévue pour Xavier-Luc Duval. Est-ce que vous avez été surpris par sa rupture avec l’alliance de l’opposition ?
— Il faut remettre les choses en perspective : Xavier-Luc Duval est devenu leader de l’opposition grâce au soutien du MMM, ce qui nous a contraints, Arvin Boolell et moi, à démissionner comme leader et whip de l’opposition. Xavier-Luc Duval a occupé le poste pendant quatre ans grâce aussi au soutien du PTr, le plus grand parti de l’opposition parlementaire, qui a accepté la proposition du MMM. Alors, quand Xavier Duval vient dire aujourd’hui que la cassure est la faute du MMM et de Bérenger… C’est maintenant qu’il découvre que Bérenger a du caractère ? Quand après avoir critiqué le gouvernement MSM pendant plus de quatre ans il vient dire aujourd’hui qu’il faut tout faire pour empêcher l’alliance de l’opposition de remporter les prochaines élections… Je ne suis pas surpris, mais profondément déçu par le leader du PMSD, dont le comportement va augmenter les rangs de ceux qui n’ont pas confiance dans les politiciens. Comment expliquer que Salim Abbas Mamode, qui a quitté le PMSD pour rejoindre le MSM, applaudit aujourd’hui celui qui l’avait qualifié de traître ?

Vous avez souvent eu maille à partir avec le précédent Speaker. Que pensez-vous du tout nouveau Adrien Duval ?
— Il a pris quelques mesures positives au Parlement pour annuler celles qui avaient été prises par son prédécesseur avec, il ne faut pas l’oublier, le soutien total du gouvernement de Pravind Jugnauth. Donc, quand ce dernier félicite aujourd’hui Adrien Duval, il est en même temps en train de dire que les mesures qu’il avait soutenues étaient mauvaises. Tout cela démontre la capacité de Pravind Jugnauth de changer de direction dépendant de ses intérêts politiques. Tout comme Xavier Duval, qui semble avoir rapidement oublié que son fils, aujourd’hui le Speaker, a été qualifié, il n’y a pas si longtemps, de soûlard au Parlement par le même Pravind Jugnauth ! Comment un père peut-il accepter ça ? Après ce genre de spectacle, comment voulez-vous que les Mauriciens aient confiance dans les valeurs et la dignité des politiciens ?!

Bonne question. Comment faire, justement, pour que les Mauriciens retrouvent un peu de confiance dans la classe
politique ?
— C’est un des gros défis auxquels devra s’attaquer le prochain gouvernement. Pour casser la perception que pour avoir un job dans le service civil il faut connaître un ministre, il faudra nommer des comités indépendants — pas la PSC et la LGSC — qui vont examiner les dossiers des candidats, leur donner des notes et leur faire passer des examens avant de les recruter sur la base de résultats. Pour plus de transparence, les candidats devront avoir accès à leur dossier, ce qui leur donnera l’occasion de connaître leurs forces et leurs faiblesses, et pour contester les choix, en cas de bonne satisfaction, dans un délai très court.

Cette réforme fera partie de ce fameux programme annoncé depuis des mois dont on attend toujours la publication. Pourquoi faut-il réformer le système ?
— Parce qu’il est dépassé. Ma famille a plus de 70 dans la politique active et le système n’a pas évolué dans le sens du progrès, mais s’est au contraire renforcé en termes de conservatisme et certains, ceux qui le maîtrisent, en usent et abusent. Ils ne le font pas seulement en termes de division du pays en communautés, mais en termes de castes et sous-castes. Il faut une politique de dépolitisation de la fonction publique et des corps paraétatiques. Il faut revoir le fonctionnement de, par exemple, la police non seulement dans la manière dont elle travaille et mène les enquêtes, mais aussi sur le système de promotion qui fait qu’il y a des sergents, qui ont les mêmes bases, le même temps de service, ont passé les mêmes examens, ont eu des promotions, alors que ce n’est pas le cas pour des dizaines de leurs collègues. Comment voulez-vous que les non-promus ne soient pas frustrés ?

L’application de ces reformes fera-t-elle partie du travail du numéro trois du gouvernement à venir, si votre alliance est élue ?
— Ce sont des réflexions que je partage avec vous, comme je les ai partagés avec les membres du comité chargé de rédiger le programme. Ce comité doit proposer une série de réformes pour moderniser nos structures de gouvernement dans le sens de la rupture avec les méthodes du passé, ce que ne cesse de dire Navin Ramgoolam et ce que ne cessent de réclamer une majorité grandissante de Mauriciens. Je vous donne un exemple concret : il n’est pas possible que des étrangers qui vivent à Maurice depuis des années ne peuvent obtenir la nationalité mauricienne parce que la procédure est complexe et que la décision finale est à la discrétion du Premier ministre. Il faut mettre en place un système transparent avec des procédures claires à respecter. Il y a trop d’intermédiaires dans les procédures actuelles, ce qui permet à certains de s’enrichir, au passage, pour fournir des services gratuits auxquels le demandeur a droit. Certains aujourd’hui ont transformé le droit en faveur payante. Ce sont ces réformes bien travaillées et mises en pratique, dans la transparence, qui vont redonner aux Mauriciens la confiance qu’ils ont perdue dans nos institutions. Il faudra même impliquer le secteur privé dans ces réformes, car il n’est pas possible de réformer seulement une partie du système.

L’alliance PTr-MMM-ND sera-t-elle capable de mettre en application ces réformes dans un système cadenassé par l’administration et ceux qui le contrôlent ?
— Vous savez, la grande force de cette alliance de l’opposition est que ses deux principaux leaders en sont à leur dernier mandat et n’ont pas à penser, dès le lendemain de la proclamation, à leur réélection.

Mais cette alliance n’est pas composée que de Navin Ramgoolam et Paul Bérenger. Elle est aussi faite de dizaine de candidats politiciens qui, eux, penseront à la prochaine élection…
— Je pense que le programme de l’alliance PTr-MMM-ND, sa rupture avec les méthodes du passé, les réformes qu’elle mettra en pratique, vont inciter les Mauriciens — surtout cette majorité indécise — à refaire confiance aux politiciens, ce qui va changer l’atmosphère sociale dans le pays. Maurice a besoin d’une révolution de l’ensemble de son système politique, électoral et administratif.

Vous parlez de rupture, mais Navin Ramgoolam a déjà dit que son gouvernement ne touchera pas aux augmentations de salaires et de pensions…
— Il l’a dit parce qu’il s’agit de la continuité de l’état. Toutes les augmentations du gouvernement MSM seront honorées par le gouvernement de l’alliance, il n’est pas possible de faire autrement. Ce qui ne nous empêchera pas de faire les réformes de notre programme gouvernemental qui, en dehors des pistes dont je vous ai déjà parlé, aura aussi à s’occuper du problème de la drogue. Dont la solution ce n’est pas de faire la police arrêter tous les drogués, mais de mettre fin au trafic en utilisant des solutions déjà pratiquées dans d’autres pays où l’État joue un rôle de premier plan. Le politicien qui pense à sa réélection n’entreprend que des réformes en surface sans changer le système qui lui convient parfaitement. Mais je crois que du fait qu’ils en sont à leur dernier mandat, les deux leaders de l’alliance vont prendre les décisions nécessaires pour laisser en héritage aux Mauriciens un système et un pays réformés.

N’avez-vous pas un enthousiasme un peu enfantin en la capacité et la volonté de ces deux leaders de tout réformer ?
— Je ne le pense pas. J’ai eu des possibilités d’interaction avec eux et j’ai eu l’occasion de dialoguer avec eux en toute franchise dans le cadre de débats d’idées où il s’agit de convaincre par des arguments, pas d’imposer son point de vue. Nous avons deux personnages politiques avec une énorme expérience de la manière de diriger un pays et qui savent qu’ils doivent réformer le système si nous ne voulons pas que Maurice devienne comme un de ces pays dont les habitants sont tellement dégoûtés de leurs dirigeants et de la situation économique qu’ils finissent par descendre dans la rue. Il y aura, bien sûr, de la résistance au changement, mais s’il veut réussir, le prochain gouvernement sera obligé de réformer.

Vous utilisez si souvent le mot réforme que Roshi Bhadain, le créateur et leader du Reform Party, va finir par vous intenter un procès pour utilisation de marque déposée !
— Le mot n’appartient à personne. Puisque vous avez mentionné Roshi Bhadain, vous savez quel est son principal problème politique ? C’est son association avec la famille Jugnauth et le MSM…

Il pourrait vous retourner le compliment, parce qu’à un moment donné vous avez fait partie du MSM. Si nos souvenirs sont exacts, vous faisiez patrie de l’aile jeune du MSM…
— J’ai été membre du MSM il y a des années de cela, mais la différence réside dans le fait que je n’ai jamais été ministre dans un gouvernement MSM. Roshi Bhadain, ainsi que Nando Bodha, pour parler de certains politiciens, ont fait partie du gouvernement d’Anerood Jugnauth, qui a amené le pays à la dérive. Ils étaient ministres quand le gouvernement MSM a fait fermer, dans les conditions et avec les conséquences désastreuses que l’on sait pour des milliers de Mauriciens, la BAI. Ils étaient ministres quand le gouvernement a commencé la chasse aux sorcières contre l’opposition, ce qui a valu à certains de ses membres, dont Navin Ramgoolam, Cadre Sayed-Hossen et moi-même, d’être arrêtés par la police. Je vais profiter de l’occasion pour rappeler un fait qu’on a oublié : à l’époque, Xavier-Luc Duval faisait encore partie du gouvernement. Et ça, beaucoup de Mauriciens ne l’oublieront pas !

Est-ce que le fait de garder secrètes les délibérations ou discussions autour du contenu du programme gouvernemental de l’alliance et la liste des candidats n’autorise-t-il pas, n’encourage-t-il pas la prolifération de rumeurs ?
— Sans doute, mais il y a également le risque d’être copié. Nous l’avons vécu quand nous avons fait des recommandations pour améliorer le fonctionnement de la NTA, que le gouvernement s’est empressé de copier et de mettre en pratique. Depuis, nous faisons attention et ne révélons pas les détails de notre programme sur lequel un comité travaille. Le gouvernement sera annoncé en temps et lieu par les deux leaders de l’alliance, probablement quand la date des prochaines élections sera rendue publique. Ce sera également la cas pour la liste des candidats.

Et bien sûr, selon vous, l’alliance PTr-MMM-ND, et il faudrait je crois ajouter Rezistans ek Alternativ, va remporter les prochaines élections ?
— Je réponds oui à cette question. Je suis assez conservateur dans mon approche et je ne vais pas dire que, valeur du jour, l’alliance bénéficie d’une très grande adhésion populaire, mais je pense que nous allons l’emporter, même dans les régions rurales. Parce que le gouvernement n’a pas réussi à répondre correctement aux problèmes qui préoccupent les Mauriciens : l’augmentation constante du coût de la vie ; la dévaluation de la roupie ; le cercle vicieux de la TVA engloutissant la moindre augmentation de salaire ; le problème de la drogue et la protection des petits copains avec des membres de familles nommées à des postes de responsabilité dans les institutions de l’État. Certains sans les compétences voulues.

Sans défendre qui que ce soit, il semble que du temps du gouvernement travailliste aussi de petites copines et de grands copains ont été nommés…
— C’est vrai, mais ce n’était pas sur une aussi grande échelle qu’aujourd’hui, à tel point qu’on pourrait partie d’industrie du copinage. Un dernier exemple : est-il normal que l’épouse et le frère du ministre Obeegadoo siègent sur les conseils d’administration de certaines institutions gouvernementales ? Je ne remets pas en doute leurs compétences, mais je trouve que la proximité familiale très dérangeante. Avec les réformes dont nous avons un peu parlé, ce genre de situation ne sera plus possible.

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