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Manz pistass, guette cinéma

On le dit de plus de plus souvent : à Maurice, les scandales se suivent à une telle fréquence que le tout dernier fait oublier le précédent et qu’une affaire chasse l’autre. Surtout depuis que la police a commencé à médiatiser quelques unes de ses opérations. Il serait plus exact d’écrire a « essayé de médiatiser » certaines de ses opérations quand on pense aux dernières.

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En particulier à la saisie de plus de cent kilos de gandia annoncée par le Commissaire de police en personne, en conférence de presse, pour démontrer que face aux trafiquants de drogue, la police « mean business ». Le problème c’est qu’entre l’annonce de la saisie et la pesée du butin, gardée dans les locaux de la police, une cinquantaine de kilos s’étaient… évaporés. Jusqu’ici, aucune explication n’a été donnée pour expliquer cette disparition mystérieuse.

Tout comme l’apparition et la publication d’images intimes contenues dans un téléphone portable qui était gardé comme pièce à conviction dans le cadre d’une enquête policière. On pourrait aussi ajouter cette perquisition au domicile des beaux-parents d’un avocat au cours de laquelle rien n’a été trouvé. L’avocat affirme que la perquisition aurait été décidée en guise de représailles contre lui pour avoir changé de camp politique, puisqu’il milite aujourd’hui dans les rangs de l’opposition. Apres un passage au MSM, dont il fut un des députés, cet avocat avance aujourd’hui qu’il n’a jamais rencontré autant de malfaiteurs dans sa carrière que lors de son passage dans les instances orange. Ces quelques exemples choisis expliquent pourquoi les Mauriciens commencent à manquer de confiance dans les opérations de police.

D’où le malaise ressenti à l’annonce de l’arrestation de l’activiste Bruneau Laurette, vendredi après-midi. En moins de deux ans, l’homme s’est imposé comme un crowd puller, après avoir bénéficié de la vague d’indignation nationale qui a suivi la naufrage du Wakashio et la marée noire qui a submergé les côtes du Sud-Est. Il a surfé sur cette vague pour se présenter comme un leader politique incontournable avec des discours, des arguments et des opérations médiatisées qui ont totalement séduit certains et beaucoup énervé d’autres. Il a réussi à se mettre à dos des partis politiques, même celui qu’il avait lancé.

Malgré ses excès, il était réputé être un des seuls à pouvoir mobiliser une foule – de plus en plus petite, il est vrai –, alors que les partis politiques ont abandonné l’idée d’organiser des meetings. Contestant le gouvernement, il était particulièrement virulent dans ses critiques de certaines méthodes de la police et avait posté sur les réseaux sociaux des vidéos de scène de violence. De torture, parfois. Sa manifestation de samedi dernier à Port-Louis et les propos qu’il y a tenus sur la corruption et la Special Striking Team de la police n’ont certainement pas été reçus avec sympathie à l’Hôtel du gouvernement et du côté des Casernes centrales. Deux centres de pouvoir où l’on est allergique à la critique et la remise en cause et dont les radars étaient, sans doute, braqués en permanence sur l’activiste, à l’affût du moindre de ses faux pas.

Mais ce faux pas, l’a-t-il commis en se croyant intouchable, ou est-ce qu’on l’a organisé pour lui, comme il le proclame depuis son arrestation ? Est-ce qu’il a été, comme l’affirment ses supporters sur les réseaux sociaux, installé ou s’est-il fait prendre la main dans le sac ? Bruneau Laurette a été arrêté par la Special Striking Team de la police parce qu’à la suite d’une perquisition, elle dit avoir trouvé dans sa voiture 46 kilos de haschich, des armes à feu, des minutions et une certaine somme d’argent. Au ministre de la Justice – qui n’en rate pas une, ces temps derniers – qui a déclaré que la drogue trouvée n’était pas tombée du ciel, l’activiste a répondu en déclarant en Cour que cette drogue avait été plantée chez lui par des éléments de la police. Pour le moment, les deux versions sont partagées avec plus ou moins de passion par les admirateurs et les adversaires de Bruneau Laurette.

Comme le déclare plus loin Reza Uteem, il faut laisser l’enquête suivre son cours, la police présenter ce qu’elle dit être ses preuves et Bruneau Laurette établir qu’il est la victime d’un complot. Il appartiendra à la justice de trancher face aux deux versions. Mais quelle que soit l’issue de cette affaire, ses deux protagonistes, la police d’une part, et l’activiste de l’autre, jouent leur réputation auprès des Mauriciens. Qui, en attendant la décision de la justice, n’ont qu’une chose à faire : manz pistass, guett cinéma.

Jean-Claude Antoine

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