Make a country « great » again ?

Qu’est-ce qui fait la « grandeur » d’un pays ?
Sa superficie ? Sa population ? Son histoire ? Son économie ? Ses valeurs ? Son rayonnement ?

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La question se pose cette semaine au cœur d’une actualité qui va des Etats Unis à Maurice. Entre investiture du président Donald Trump et présentation du discours-programme du nouveau gouvernement de l’Alliance du Changement. Les deux reliés par la brûlante question de la souveraineté sur les Chagos et la base militaire américaine de Diego Garcia.
Aux États Unis, Donald Trump n’a pas traîné pour imprimer la bascule que représente sa nouvelle élection à la Présidence, après son échec de 2021 face à Joe Biden. Le jour même de son investiture, ce lundi 20 janvier, il s’est lancé dans un numéro inédit de politique-spectacle, s’attablant dans un stade rempli de ses partisans en délire pour signer théâtralement, sous les vivats, une série de décrets qui donnent clairement le ton de sa Présidence.
Déclaration de l’État d’urgence à la frontière avec le Mexique. Remise en question du droit du sol et du droit d’asile. Expulsion de migrants. Retrait des États Unis de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Retrait de l’accord de Paris sur le climat qui prévoit une réduction considérable et urgente des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Coup de frein à la transition écologique, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’énergie éolienne. Élimination des mesures favorisant l’achat de véhicules électriques. Exploitation sans limites du pétrole de l’Alaska. Renommer le Golfe du Mexique en Golfe de l’Amérique. Fin des programmes de DEI (Diversité, Égalité et Inclusion). Restauration de la « réalité biologique masculin-féminin » en mettant fin aux politiques de reconnaissance des identités trans. Fin du télé-travail dans les agences fédérales. Grâce accordée à plus de 1,000 de ses partisans condamnés par la justice pour leur participation violente à l’attaque du Capitole perpétrée le 6 janvier 2021, dans le sillage de sa défaite aux élections présidentielles.
Bonjour le programme…
C’est Ronald Reagan qui le premier, en 1979, a prononcé le slogan « Make America Great Again » dans le cadre de la campagne ayant mené à son élection en 1980, alors que les États Unis souffraient d’une détérioration économique marquée par de forts taux d’inflation et de chômage. Bill Clinton le reprend à son tour lors de l’annonce de sa candidature aux primaires du parti démocrate en vue de l’élection présidentielle de 1992, disant « I believe that together we can make America great again », invitant les Américains à voter pour lui, afin de redonner à l’Amérique sa grandeur en matière d’économie, d’éducation et de social.
Avec Donald Trump, ce slogan désormais désigné comme MAGA a pris d’autres proportions.
Voilà, donc, un Président des États Unis dont la préoccupation est de s’entourer de milliardaires ; de s’afficher avec les magnats des réseaux sociaux qui déclarent allègrement laisser tomber le fact-checking, ouvrant ainsi grand la porte à la désinformation ; de pratiquer une politique xénophobe, d’une part, et hostile aux nuances de genre, d’autre part ; de virer toute considération écologique ; d’envoyer des astronautes planter le drapeau américain sur Mars, en ligne avec le rêve de son ami Elon Musk qui s’est fendu, le jour de l’investiture, d’un bondissant et rageur salut dont il n’a pas nié l’affiliation nazie. Great, indeed…
À Maurice, la présentation ce vendredi 24 janvier du discours-programme du nouveau gouvernement a été d’une toute autre teneur. D’abord, au niveau du timing.
À la différence de la hâte de Donald Trump à tout renverser et bouleverser, cette présentation intervient tout de même deux bons mois après la prestation de serment du gouvernement formé par l’Alliance du Changement suite à sa victoire sans appel aux élections législatives du 10 novembre 2024.
De certains avis, il nous a, peut-être, manqué quelque chose à Maurice.
Dès sa prise de pouvoir, le nouveau gouvernement de Navin Ramgoolam a procédé à un état des lieux de la situation économique du pays, mettant en avant la situation catastrophique dans laquelle le gouvernement de Pravind Jugnauth avait laissé les caisses du pays. Clairement, il y avait urgence, d’autant qu’il fallait dans la foulée considérer le paiement du 14ème mois promis des deux côtés pendant la campagne électorale.
Mais avons-nous suffisamment pris compte de ce qu’on peut véritablement considérer comme le traumatisme vécu par la population mauricienne au cours de ces dix dernières années ? Sommes-nous (trop) vite passés à la suite, alors que la population attendait peut-être une catharsis, avait besoin de voir justice être faite de façon aussi brusque et spectaculaire qu’ont été longues, insidieuses et éprouvantes les atteintes à notre démocratie et à nos libertés au cours de cette décennie ?
La question reste ouverte.
Pour l’heure en tout cas, le discours-programme présenté vendredi semble inscrire notre rétablissement dans le cadre d’une reconstruction déterminée. Il n’y a pas à dire : si dans cinq ans, ne serait-ce que la moitié des mesures annoncées ont été mises en application, Maurice sera véritablement devenue un pays-modèle d’exercice démocratique et de réussite face aux enjeux contemporains…
Il restera à voir dans quelle mesure les belles intentions annoncées seront effectivement transformées en réalités, ou pas. Pour l’heure, l’annonce des intentions est déjà une chose rassurante et stimulante en soi. Parce qu’elle permet l’espoir et indique de bonnes directions.
Elle dit aussi, à sa façon, une volonté de voir grand. « Government will embark on an ambitious ocean economy project for our country. So far considered a Small Island State, Mauritius is positioning itself as a Large Ocean State », dit le discours-programme lu par le Président de la République, Dharam Gokhool.
De fait, Maurice a une des plus grandes Zones Économiques Exclusives (ZEE) au monde. La ZEE étant l’espace maritime qui s’étend à 200 miles nautiques soit 370,42 kms au-delà des côtes, sur lequel un État exerce des droits souverains et économiques sur l’exploration, l’usage, la conservation et la gestion des ressources naturelles marines. Comme le montre bien cette carte remarquable réalisée par le géographe Adish Maudho, avec Rodrigues, Agaléga, St Brandon, les Chagos et son plateau continental étendu, la République de Maurice totalise 2,6 millions de kms2, soit environ 1,127 de surface terrestre. Et plus que l’Europe occidentale qui totalise 2,2 millions de kms2, en additionnant les territoires de France métropolitaine, Espagne, Irlande, Pays Bas, Belgique et Luxembourg…
En comptant son domaine maritime, la République archipélique de Maurice serait non plus un confetti au milieu de l’océan, mais le 18ème plus grand pays au monde… Car il s’agit maintenant de savoir inverser le regard, et prendre pleinement conscience que le territoire d’une île n’est pas constituée que de sa partie émergée.
Saurons-nous nous donner les moyens de nous voir grands et de nous construire grands ? Grands en exercice démocratique, grands en droits humains, grands en écologie, grands en altérité, en solidarité, en inventivité face aux défis contemporains ?
Grande question…

En comptant son domaine maritime, la République archipélique de Maurice serait non plus un confetti au milieu de l’océan, mais le 18ème plus grand pays au monde… Loin de ce que préconise de son côté le nouveau Président Donald Trump du côté des États Unis, saurons-nous nous donner les moyens de nous voir grands et de nous construire grands ? Grands en exercice démocratique, grands en droits humains, grands en écologie, grands en altérité, en solidarité, en inventivité face aux défis contemporains ?

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