— Ayo, je sais que tu vas me trouver bête, mais dis-moi : il y a eu un remaniement ministériel ?
— Pourquoi tu me demandes ça ? Tu t’intéresses à la politique maintenant ?
— Tu sais très bien que je ne perds pas mon temps à suivre la politique. Pour moi, tous les politiciens sont pareils !
— Mais il y en a, surtout depuis quelque temps, qui sont pires que les autres. Et ne pas s’intéresser à la politique leur permet de faire ce qu’ils veulent. Et, crois-moi, ils ne se gênent pas. Ils sont en train de finir le pays je te dis !
— Seulement, est-ce que tous ceux qui font de la politique ne le font pas pour qu’une fois arrivés au pouvoir ils puissent faire ce qu’ils veulent ?
— Tu sais, il y a politicien et politicien. Il ne faut pas mélanger les chiffons sales et les serviettes propres.
— Tu crois qu’avec les partis de l’opposition c’est mieux ? Qu’ils ne veulent tirer le gouvernement que pour prendre sa place et avoir leur boutte, comme on dit ?
— En tout cas, je peux te dire une chose : on ne peut pas avoir pire que ceux qu’on a maintenant.
— Tu dis ça… tu dis ! Mais il y a eu aussi des abus quand l’opposition était au pouvoir. Tu te rappelles de Madame ou Koné Ki mwa alias la fameuse Madame Cotomili ?
— Tu dis que tu ne suis pas la politique, mais tu parles exactement comme le Premier ministre.
— Tu trouves que je parle comme lui ? Vrai même ?
— Et comment ! À chaque fois que tu dis au Premier ministre que son gouvernement a fané, il te dit que c’était pire avant. Mais avant, ça remonte à huit ans, toi. Une éternité. Moi, je veux savoir ce que Pravind fait aujourd’hui. Pas ce que Ramgoolam a pu faire avant-hier, foutour va !
— Je ne défends pas le Premier ministre, mais c’est vrai que sous le gouvernement d’avant aussi il y a eu des scanda…
— Dis-moi un coup, qu’est-ce qui t’arrive pour parler comme ça ? Ton bonhomme va être nommé quelque part ?
— Comment tu peux dire ça ? Tu ne nous prends pas pour des rodeurs boutte tout de même !
— Je n’ai pas dit ça. Je te dis que tu parles exactement comme le Premier ministre ou un de ses partisans.
— Tu sais quel est le problème avec les gens politisés comme toi, qu’ils soient dans l’opposition ou au gouvernement ? On ne peut jamais discuter avec eux. Ça finit toujours par des bagarres !
— Allons changer de conversation, alors.
— Là je suis d’accord avec toi. On va pas se bagarrer pour des politiciens tout de même !
— Enfin… Dis-moi, pourquoi tu voulais savoir s’il y a eu un remaniement ministériel ?
— Parce que depuis quelques jours, j’entends parler d’un ministre des œufs. C’est pas le ministre de l’Agriculture qui s’occupe des poules, des canes et de leurs œufs ?
— Vrai même, tu ne sais pas ce qui est arrivé au Parlement pendant la motion de censure ?
— Tu sais très que je ne suis pas ces affaires-là moi. Qu’est-ce qui est arrivé comme ça au Parlement ? Encore des expulsions et des walk-out ?
— Ça, il y a toujours au Parlement ! Tu sais au moins qu’il y a eu une motion de censure contre le gouvernement ?
— Ça, j’ai entendu dire. J’ai aussi entendu dire qu’avec la majorité que le gouvernement a au Parlement, il n’y avait pas de chemin que la motion soit votée.
— Ça, on savait. Mais l’opposition a eu l’occasion de dénoncer les nombreux scandales, gaspillages et passe-droits qu’on a eus sous ce gouvernement. Et crois-moi, il y en a eu et ça continue.
— Je suppose que le gouvernement a soutenu exactement le contraire.
— Évidemment. Tous ses ténors — encore ceux qui pensent qu’ils sont des ténors — ont pris la parole pour dire que tout ce que le gouvernement a fait et continue à faire est bien.
— Ils ont dû parler du Covid et de la guerre en Ukraine…
— Tu vois, tu parles exactement comme eux !
— Tu ne vas pas recommencer encore une fois avec moi, je te dis là hein ! Explique-moi plutôt cette histoire des œufs là.
— Ça s’est passé pendant les débats sur la motion. Le ministre Hurreeram…
— Il est ministre de quoi, lui ?
— Je ne saurai te dire. C’est un de ceux qui font le plus de tapage dans les rangs du gouvernement au Parlement. Il est toujours en train de provoquer l’opposition.
— Un peu comme Rajesh Bhagwan ou Patrick Assirvaden ?
— On peut dire ça. Il a donc pris la parole pour défendre le gouvernement et a déclaré que, écoute bien, pour faire des œufs, il faut casser des omelettes !
— Il n’a pas pu dire une phrase comme ça, toi ?!
— Écoute, non seulement sa déclaration a été entendue en live à la télévision, mais depuis, elle tourne en boucle sur les réseaux sociaux. C’est à cause de ça même que depuis ça on l’a surnommé minis dizef.
— Effectivement, je dois reconnaître que ce ministre-là a cassé un record. On doit le mettre dans le Guinness Book !
— Cette déclaration illustre le niveau de ce gouvernement. Tu comprends maintenant pourquoi je te dis qu’on ne peut pas avoir pire ?
— Avec cette omelette qu’il faut casser pour avoir des œufs, je suis obligée d’être d’accord avec toi.
J.-C.A.