Je l’écris depuis des mois : les « opérations de com » des communicants de Pravind Jugnauth lui font dire n’importe quoi et le ridiculisent. Dernier exemple en date : la croisière vers les Chagos, qualifiée, avec grandiloquence, d’expédition scientifique par les communicants du gouvernement et le PM. On a rapidement découvert qu’au lieu d’aller défier Britanniques et Américains pour leur montrer la détermination guerrière de Maurice et de son Chief Commander, il ne s’agissait, en fait, que d’un survey géographique pour constituer le dossier que Maurice doit présenter au Tribunal international de la mer, dans le cadre du contentieux maritime qui l’oppose aux Maldives. Ce contentieux concerne plus précisément Blenheim Reef, un atoll du nord des Chagos dont les deux pays revendiquent la possession. C’est pour aller étudier le mouvement des marées, la hauteur des vagues et la profondeur de la mer que le survey a été organisé. Un survey que les communicants du PM ont tenté – grossièrement, comme d’habitude – de transformer en une expédition scientifique avec une arrière-pensée conquérante. Mais est-ce qu’on a besoin, au 21e siècle, d’aller plonger sur un récif pour connaître la profondeur de la mer qui l’entoure et les mouvements des vagues ?
Est-ce que ces informations ne peuvent pas être obtenues à partir des données disponibles dans les milieux scientifiques, ou en utilisant les satellites qui étudient justement les mouvements de la mer pour faire leurs prévisions atmosphériques ? Pas pour les communicants du PM qui ont décrété qu’il fallait organiser une expédition supposément scientifique, louer un navire de croisière, inviter des journalistes étrangers – et la MBC – et cinq Chagossiens, qui pensaient faire un pèlerinage, pour le volet chagossien de l’opération. C’est, donc, à bord du Bleu de Nîmes que cet équipage disparate a mis cap sur le nord des Chagos. Bien sûr, me direz vous, c’est grâce à cette « expédition » que l’on a pu hausser le quadricolore sur Peros Banhos ! Ce que les communicants du premier ministre ont essayé de vendre comme une grande victoire stratégique. Certes, le symbole est fort, mais un lever de drapeau à Rs 40 millions, ça revient cher pour le contribuable mauricien qui va en faire les frais !
Comme par hasard, les organisateurs de l’expédition ont choisi des journalistes étrangers et la MBC pour rendre compte de la croisière, pardon de l’expédition. La presse mauricienne, qui n’a jamais compté sur l’aide de l’État pour faire son travail, a trouvé que l’absence voulue de ses représentants dans l’expédition pouvait facilement être comparée à une attitude, une mentalité de colon de la part du gouvernement mauricien. Qui, en l’occurrence, a adopté la même attitude que le gouvernement britannique lors d’un précédent voyage aux Chagos. Mais la préférence à la presse étrangère dans une expédition faisant partie d’une cause nationale a dû faire tiquer certains et provoquer des commentaires ironiques sur la manière de faire du gouvernement. C’est, sans doute, pour cette raison que les communicants du PM l’ont poussé a faire une déclaration pour tenter de justifier l’absence de la presse mauricienne de l’expédition.
Avec la naiveté – d’autres diraient la stupidité – de ceux qui répètent ce qu’on leur dit de dire, Pravind Jugnauth a justifié l’absence de représentants de la presse mauricienne de l’expédition par (i) le fait « qu’il n’y avait pas assez de places sur le bateau »et (ii) que la presse locale ne parle pas suffisamment du combat de Maurice « contre les colons qui ont excisé notre territoire. » Le PM s’est permis d’ajouter – en suivant, sans doute, les briefs de ses communicants : « Ici dans la presse locale, c’est comme si de rien était. Je n’ai pas vu tout cela avoir une importance nécessaire dans la presse mauricienne. »
Comment Pravind Jugnauth peut avoir le toupet de déclarer que la presse mauricienne n’accorde pas l’importance nécessaire au combat pour la rétrocession des Chagos ? Aujourd’hui, pratiquement tous les Mauriciens se sentent concernés par le dossier des Chagos, dont la rétrocession est devenue une cause nationale. Cette prise de conscience nationale n’est pas le fait du hasard. Il a fallu des milliers d’articles, d’interviews, de paroles données aux Chagossiens, d’analyses, de recherches – je cite plus particulièrement ici la série The Untold Stories de Henri Marimootoo, publiée dans nos colonnes – comptes-rendus des avancées et des reculs – du combat pour faire naître cette prise de conscience. Dans ce combat de longue haleine, la presse écrite mauricienne a joué pleinement son rôle. Je souligne la presse écrite parce qu’il a fallu des années pour que le sujet soit évoqué par la MBC et que ses micros et caméras accordent, enfin, la parole aux Chagossiens. Et cette couverture du dossier Chagos, la presse mauricienne continue à le faire, même quand le gouvernement traite ses représentants comme des journalistes de 2e catégorie. La couverture depuis Maurice de l’expédition, de l’historique du contentieux avec les Maldives et de ses spécificités est, s’il en était besoin, une preuve du sérieux de la couverture du dossier Chagos par la presse mauricienne.
Encore une fois, en répétant, sans vérifier, ce que lui disent ses conseillers cuisiniers, courtisans et organisateurs de croisière, Pravind Jugnauth a étalé son ignorance de l’histoire de son pays et s’est , une fois de plus, ridiculisé.