L’heure est grave

Il est heureux que le Premier ministre et son adjoint aient une nouvelle fois évoqué le problème de la drogue lors de leurs interventions sur le discours-programme vendredi à l’Assemblée nationale. Ils ont repris leurs engagements en faveur d’un combat résolu contre ce fléau et de la réhabilitation de ceux qui sont tombés dans la toxicomanie. Les nouvelles, en préparation, ne devaient pas tarder à arriver sur la table du Parlement bientôt.
C’est bienvenu parce que l’heure est vraiment grave. Et c’est là que l’on mesure la vacuité du propos du leader de l’opposition qui, toujours sur le discours-programme, a, vendredi, vanté le « miracle économique » supposément laissé en héritage par son parti. Ce qu’il a avancé pour étayer sa thèse, c’est que le pays s’est doté de grandes infrastructures routières et que c’est cela, selon lui, la « modernité » qui est incarnée par le MSM…
Vraiment ? Quelle modernité lorsque l’eau, qui devait, depuis 2014, couler 24/7 dans les robinets, est aujourd’hui rationnée et qu’il y a des lieux comme Le Morne qui sont encore privés du précieux liquide ? Quelle modernité lorsque l’électricité en vient aussi à manquer et qu’il faut recourir à des « koustik » pour limiter la consommation d’énergie qui a récemment atteint des pics historiques et qu’il faille prévoir de nouvelles mesures pour gérer au mieux la distribution de cette commodité essentielle.
C’est pareil pour la drogue. Là aussi, le legs est terrifiant malgré tous les grands discours prononcés et la commission d’enquête Lam Shang Leen. Les conducteurs appréhendés sous influence de la drogue ne se comptent plus. On a eu le récent cas révoltant de cet irresponsable qui, drogué, a percuté à D’Epinay des dames, des bénévoles qui apportaient leur soutien aux marcheurs du Maha Shivaratree. Il était non seulement sous substance illicite, mais il n’était plus détenteur d’un permis de conduire.
Et lorsque ce sont des chauffeurs de transport collectif comme les autobus qui s’y mettent, on peut imaginer les dégâts. Après celui testé positif aux stupéfiants, voilà un autre dangereux individu qui s’est fait remarquer vendredi à Triolet en provoquant un accident alors qu’il conduisait un bus scolaire. La sortie de route a fait plusieurs blessées parmi des collégiennes d’un établissement public de Triolet. Lui aussi était apparemment sous psychotropes et lui aussi n’avait pas de permis de conduire en bonne et due forme. D’où sa fuite après l’accident.
Lorsque ce genre de dérives se déroule entre nos murs, cela n’a pas de grande incidence, quoique, avec les réseaux sociaux, tout se sait partout sur la planète. Mais lorsque c’est un chef de cabine d’Air Mauritius qui, lors d’un contrôle inopiné, est interpellé à Roissy/Charles de Gaulle pour ingestion de substances prohibées, cela en dit long sur les proportions que la consommation de drogues en tous genres a pris dans le pays ces dernières années. Le chef de cabine a été mis en garde à vue, a écopé d’une amende pour un montant de 4 000 euros (≈Rs 200 000), a été interdit de vol sur la destination internationale parisienne et placé sur un avion vers Maurice comme simple passager.
La question qui s’impose est de savoir comment a-t-on recruté à Air Mauritius ces dernières années et comment a été géré le personnel ? S’agit-il des critères de sélection, dénoncée par Sherry Singh qui, un temps, Transformation Manager de la compagnie nationale d’aviation, a été confronté à un système de liste fournie par Lakwizinn et visé par le National Security quant aux opinions politiques des aspirants candidats à un emploi ou à une promotion.
On se souvient de cette liste où, à côté de chaque nom, il y avait des notations genre « Labour incline ou MMM incline ». Des demandes d’emploi donc rejetées d’office quels que soient leurs qualifications ou leur mérite. Et on s’étonne que le service à bord d’Air Mauritius se soit autant dégradé ces dernières années et que l’on ait tout fait pour que les meilleurs, ceux qui avaient une certaine tenue et un parler correct, ceux qui rendaient le voyage plus agréable, aient été poussés au départ pour faire de la place à de médiocres pistonnés du MSM.
C’est pareil pour la police. À la rubrique des faits divers, on retrouve, presque tous les jours, des agents impliqués dans la drogue ou dans des rixes. Le drame de Ste Croix est révélateur de la situation qui s’est installée au sein du service ces dernières années. Voilà un agent qui, au lieu de verbaliser la taverne qui servait encore de l’alcool aux petites heures du matin à quelques mètres du poste de police d’Abercrombie, s’est joint à une bande de fêtards avant de se disputer avec ses compagnons de beuverie. Il a même été jusqu’à piquer tous les pneus d’un des protagonistes, c’est ce qui lui a finalement coûté la vie.
Le lendemain, c’était cette fois un policier qui s’est retrouvé mêlé à une rixe à La Tour Koenig. Comment ces personnes censées incarner l’ordre et la paix, assurer la protection du citoyen, rassurer ceux qui sont agressés ou importunés, peuvent-ils se retrouver eux-mêmes du mauvais côté de la loi ? Comment sont-ils embauchés ? Quelle est la qualité de leur formation ? Est-ce qu’un profil psychologique est dressé lorsqu’ils postulent pour ce job, délicat et exigeant, devenu malheureusement aujourd’hui, un accès facile et partisan à l’uniforme qui sert d’alibi à tous les excès ?
Terminons sur les célébrations du moment. Après les femmes hier, notre prochain rendez-vous sera celui de la fête de l’indépendance et de la République. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est que l’on renoue avec les moments joyeux et unitaires autour du quadricolore qui ont considérablement marqué la dernière campagne électorale de l’Alliance du Changement.
C’était magique, émotionnel et palpitant lorsque les Mauriciens de tous horizons, de tous âges et de toutes les couleurs avaient délaissé les chants partisans pour entonner l’hymne national en public. C’était une belle revanche et la meilleure des réponses aux tenants d’une cuisine qui avaient cru pouvoir nous le confisquer. Oui, « Glory to thee » et, surtout, plus que jamais, « As one people and as one nation ».

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JOSIE LEBRASSE

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