— Ah ben, tu as fini de commencer ton shopping de Noël ?
— Ma chère, chez moi cette année, il n’y aura pas de Noël.
— Tu dis ça tous les ans et après, c’est toi même qui fais le plus beau réveillon avec un gros arbre de Noël et plein de cadeaux.
— Ça, c’était avant le Covid, avant la guerre en Russie, avant que les prix qui, même s’ils sont soi-disant contrôlés, n’arrêtent pas d’augmenter. Où je vais tirer de l’argent pour faire un réveillon ? Je ne suis pas comme le gouvernement, moi.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Le gouvernement quand il a besoin d’argent, il n’a qu’à puiser dans les réserves de la Banque de Maurice. Dis-moi un coup dans quelles réserves je vais puiser, moi ?
— Vrai même tu ne vas pas mettre un sapin ? Même un petit sapin kraz-kraze chez toi ?
— Mais ça aussi on n’a pas les moyens, je te dis.
— C’est pas chic pour les enfants toi. Ils ont besoin du sapin, de la neige des cadeaux : de la magie de Noël, toi.
— Ayo ma chère, na pa pran zot traka. Ça fait des années qu’ils ne croient pas au père Noël. Ils font semblant juste pour avoir les cadeaux.
— Tu ne vas pas leur donner un petit cadeau même, ainsi qu’aux membres de ta famille ?
— Tu peux me dire avec quel argent je vais acheter ces cadeaux-là ? J’ai déjà fait savoir : pour Noël, cette année, ça va être zéro cadeau !
— Il y a des promotions partout toi. Et puis tu vas avoir ton treizième mois, non ?
— Mais dans quel monde tu vis toi ? Avant même de toucher le treizième mois, il aura été dépensé avec les avances du mois dernier.
— Comme ça ton budget est serré ? Ne me dis pas toi !
— Comment ça je ne te dis pas. Je ne sais pas comment tu fais, mais moi arrivé au 15 par là, je n’ai plus un sou pour finir le mois et j’emprunte sur mon prochain salaire.
— Il faut que tu fasses un peu attention, c’est tout.
— Quelle attention que je vais faire quand les dépenses sont plus que mes revenus, sans compter les augmentations des prix ? Ma bonne a résumé le problème dans son langage un peu baroque.
— Qu’est-ce qu’elle t’a dit comme ça ?
— Elle m’a dit : Zordi kan ou al sipermarse, avek mem kantite kas, ou gagn lamwatie ou tant komision ! Elle a raison toi. Aujourd’hui tout a augmenté, et tout continue à augmenter.
— Mon bonhomme dit que c’est parce que le gouvernement a dévalué la roupie, ça même on paye tout deux fois plus cher.
— Ce gouvernement va se faire ratiboiser aux prochaines élections. C’est à cause de ça même que le MSM ne veut pas faire les municipales : il sait qu’il va avoir un bate kondire avec toutes ces augmentations. Mais il sera bien obligé de donner les élections générales et, là, crois-moi, il va prendre sa baise.
— Seulement si les partis d’opposition arrivent à mettre de côté leurs divisions à faire une alliance contre le gouvernement. Aujourd’hui, chacun tire de son côté.
— Ils seront obligés de faire une alliance, c’est la seule solution, sinon eux-mêmes vont finir dans le karo kann. Ils doivent pez nene bwar delwil pour faire cette alliance.
— Tu crois que s’ils arrivent à faire une alliance les Mauriciens vont voter pour eux ?
— Pourquoi est-ce que le MSM fait tout pour empêcher l’alliance des partis de l’opposition ? Il sait que les Mauriciens sont plein avec eux. Surtout depuis la compensation salariale.
— Mais il a fait un effort toi avec les Rs 1000 de compensation.
— C’est ce qu’on croit au début, mais quand tu fais comme Xavier Duval et que tu divises les Rs 1000 par 30, ça te fait Rs 30 roupies par jour. Tu peux me dire quelle commission tu peux acheter avec ça ?
— C’est vrai. Mais je croyais que les gens étaient contents de la compensation, moi.
— Peut-être ceux qui travaillent. Pas ma maman en tout cas. Elle et ses amies du troisième âge, elles ne sont pas contentes du tout de la compensation.
— Mais elle ne travaille pas ta maman.
— Oui, mais quand elle va faire ses commissions, elle paye tout plus cher.
— Comme tout le monde.
— Oui, mais elle, elle n’a pas de compensation. Elle est furieuse je te dis. Il faut écouter comment avec ses amis elles critiquent le gouvernement.
— Mais elle n’était pas full MSM elle ?
— Ça, c’était du temps de l’augmentation de la pension. Aujourd’hui, on est dans celui de la compensation. Une compensation qu’elle n’a pas eue.
— Ne me dis pas que ta maman a viré mam, qu’elle est passée de Pravind à Navin ?! Elle est devenue une transfuge, toi.
— C’est ce que je lui ai dit en plaisantant. Tu sais ce qu’elle m’a répondu très sérieusement ?
— Avec sa langue fitté là, elle est capable de dire n’importe quoi. Qu’est-ce qu’elle t’a répondu ?
— Que si les politiciens peuvent jouer aux transfuges pour avoir leur boutte, pourquoi est-ce que les électeurs ne pourraient pas faire la même chose ? Et tu sais ce qu’elle a ajouté ?
— Aucune idée. Dis-moi.
— Elle a ajouté : après tout l’exemple vient d’en haut, pas vrai ?!