Les revoilà ! Après une longue période d’hibernation, c’est le grand retour du chef du gouvernement et de ses collègues. Pour faciliter sa démarche et son nouveau pèlerinage à travers les comités régionaux du MSM, il a fallu inventer une parade pour faire diversion et calmer une population exaspérée par la gestion calamiteuse du cyclone Belal.
Les « stratèges » de haut vol du parti du Premier ministre n’ont rien trouvé de mieux que l’essence… pour éteindre le feu. Celui qui couve à travers le pays suivant le passage des cyclones Belal et Candice. La STC a inopinément annoncé samedi après-midi que le prix de l’essence baissait de Rs 2.80 pour passer à Rs 63.90, un tarif encore exorbitant compte tenu des hausses précédentes et de l’évolution du cours du pétrole sur le marché mondial.
C’est ainsi que Pravind Jugnauth a pu entamer son périple dès le lendemain. Avec une première sortie dans la circonscription de Savanne/Rivière Noire, un rendez-vous pas choisi au hasard puisque, quatre jours plus tard, aller se dérouler la commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage, au Morne.
Pour galvaniser ses troupes, un choix de thèmes un peu hors-sol, ce qui donnait déjà une indication que cela n’allait pas trop fort du côté du soleil. Faites des bébés, a enjoint le leader du MSM aux Mauriciens en évoquant une main-d’oeuvre qui se raréfie et qui est particulièrement criante dans la boulange.
C’est la logique de la mobilité sociale. Plus personne ne veut du travail de ses parents ou de ses grands-parents, peu qualifiés et mal payés. Il faudrait améliorer ce qui a été fait en termes de formation et de salaires pour espérer attirer les Mauriciens dans ce genre d’activité peu gratifiante.
Le Premier ministre s’est sans doute inspiré du président français, qui a récemment préconisé le « réarmement démographique » de son pays, mais on ne peut pas obliger la population mauricienne, dont une bonne partie peine encore à obtenir un salaire qui lui permet de manger à sa faim, de se déplacer et de se loger et qui a une perspective plutôt sombre de l’avenir, de se projeter et d’organiser sereinement son héritage.
En réalité, ils sont de plus en plus nombreux à encourager leurs enfants à émigrer. Qui n’a pas entendu des parents dire leur douleur de voir leurs enfants et leurs petits enfants vivre loin d’eux tout en reconnaissant aussitôt que c’est « pour leur bien et l’avenir de leurs enfants ». Leur constat, à tort ou à raison, étant que l’horizon est bouché ici et que la méritocratie est un concept cruellement absent de nos pratiques publiques.
Après Domaine Belle Vue à Chemin Grenier, la prochaine étape, lundi, était Le Hochet à Terre Rouge. Là, ça a été un vrai cataclysme. Desperado était carrément au rendez-vous cette fois. Si la veille il a laissé entendre qu’il organiserait le plus tard possible les élections générales, ce qui sous-tend qu’il les craint, ce lundi, il a semblé envisager une défaite, puisqu’il a dit que ce ne serait pas la fin du monde pour lui s’il perdait son poste de Premier ministre, lui qui a rappelé avoir connu autant de victoires que de défaites. Comme tout le monde, pourrait-on ajouter. Et lorsqu’on est, au plus haut, à 37%, c’est effectivement très facile de tomber vite plus bas.
Après avoir critiqué le DPP pour sa gestion du dossier du député Eshan Juman et son intrusion alléguée dans l’enceinte portuaire, vilipendé, comme à son habitude, Navin Ramgoolam, décidément bien dérangeant, et traité le leader du MMM de « sénile », ce qui en dit long sur sa mentalité, il a révélé avoir fait une terrible découverte : l’opposition ne lui fait pas peur, son adversaire, étant, en fait, la presse.
Il ne finira jamais de nous étonner. On ne sait pas si la presse — un ensemble hétérogène et un corps de métier non exempt de travers comme s’approprier parfois les pires banalités des réseaux sociaux, il faut l’admettre — se proposait d’aligner des candidats aux municipales, mais elles ont, en fait, été malheureusement renvoyées.
Non pas parce que la presse aurait terrassé le MSM, mais parce que les mathématiques électorales et sociologiques des régions urbaines auraient nettement joué en faveur de l’opposition. Ce n’est pas la seule énormité débitée lors de ce rassemblement des troupes. Prendre pour cible la presse ou le DPP n’est pas exempt de calculs plus sombres et moins avouables. Qu’on ne s’y méprenne pas.
Pravind Jugnauth a aussi adopté un ton ferme vis-à-vis des aspirants candidats et ceux qui croient qu’ils vont automatiquement rempiler à la prochaine échéance. Comme l’enfer, c’est les autres, il est de coutume pour le leader du MSM de recycler largement ses équipes lors des consultations populaires parce que ce n’est pas dans ses habitudes de sanctionner les « faneurs » patentés en cours de mandat, sauf les caser dans des ministères où il seraient moins visibles. Il n’y a qu’à demander à Maneesh Gobin. Il en connaît certainement un rayon à ce niveau-là.
Les mines n’étaient pas très réjouissantes à la sortie de cette réunion du comité régional du N°4. On peut facilement comprendre ceux qui croyaient que ce serait tambour battant le coup d’envoi de la campagne. Or, de l’avis de ceux présents, c’est l’intervention la plus démobilisatrice qu’ils n’aient jamais entendue d’un dirigeant politique.
Comme si le feel-bad factor n’était pas assez répandu parmi les troupes depuis les inondations, les résultats catastrophiques des examens de School Certificate et que les morts ne se multipliaient pas sur les routes, voilà que Showkutally Soodhun est venu ajouter sa petite touche. Pour enfoncer un peu plus encore le MSM.
Toujours d’une grande finesse, celui qui s’est fièrement déclaré « l’esclave » des Jugnauth a déclaré que les Dubaïotes lui auraient dit que si Ram Dhurmea, le chef de la météo débarqué, était chez eux, ils l’auraient déjà « pendu ». Et cet homme représente l’île Maurice à l’étranger. Comme dit l’autre, il n’y a qu’au MSM que l’on retrouve ce genre de triste personnage.