Les urgences

Pour le moment, c’est la guerre des versions dans l’affaire Sherry Singh. Si l’ancien CEO de Mauritius Telecom gère ses sorties publiques en respectant une certaine tenue et qu’il suit les conseils de son avocat pour ne rien dire qui gêne sa stratégie, le Premier ministre a, comme à son habitude, choisi la pénombre et le secret pour le dénoncer à la police.

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On se souvient qu’il en avait fait de même dans l’affaire Angus Road. Il avait choisi de donner sa version des faits un mardi soir après avoir été chahuté à ce propos plus tôt à l’Assemblée Nationale. On ne va pas s’avancer jusqu’à décrire tout cela comme des méthodes de « loup garou », cela pourrait offusquer des âmes sensibles. Elles pourraient même tenir une conférence de presse pour dénoncer une terrible campagne contre leur gourou.

Toujours est-il que le PM, lui, décline sa position en petites touches, par épisode, quitte à jeter encore un peu plus de confusion dans les esprits. Il en fut ainsi à l’Assemblée Nationale, mardi dernier. Il veut faire croire qu’il est très sûr de son fait mais, un peu embarrassé et parfois donnant l’air d’être dépassé, il n’arrête pas en même temps de répéter « on verra ».

Oui, on verra. Parce que toutes les questions légitimes que se pose le grand public n’ont absolument pas été répondues. Pravind Jugnauth parle des lettres adressées au CEO d’alors qui sont restées sans réponse et de la demande d’un examen des équipements liés à la sécurité nationale et, plus curieux, il l’accuse de ne pas avoir saisi le Conseil d’administration des demandes du gouvernement. Mais quid du président de ce même Conseil ?

C’est celui qui est considéré comme son « tonton », le cousin de sa mère, Nayen Koomar Ballah qui préside le conseil d’administration de Mauritius Telecom et c’est lui aussi qui est l’actuel Secretary to Cabinet et Head of the Civil Service.

Les correspondances, qu’il a peut être visées à défaut de les avoir signées, il aurait pu se les adresser au Telecom Tower. Et, ainsi, mettre les membres du board dans le secret de ce mystérieux « survey » demandé auprès de nul autre que le PM indien, Narendra Modi.

À moins que la Security Division du bureau de Pravind Jugnauth opère comme une entité absolument séparée du reste des départements du PMO et que personne d’autre ne traite avec le Security Advisor – un ressortissant indien –, sinon le PM lui-même. Et que personne n’a vu ces lettres adressées à Sherry Singh.

Si le PM veut se débarrasser des pires épithètes qui lui sont lancées et si les accusations de « trahison » doivent disparaître de ce dossier qui commence à avoir une résonance au-delà de nos frontières, il faut agir vite et permettre à une enquête véritablement indépendante de tirer toute cette affaire au clair.

Parce que lorsqu’on a fini avec la situation de conflit d’intérêts du chef du PMO qui est aussi le président de MT, on aboutit au PM qui se tourne vers le service dont il nomme le chef selon son bon vouloir. Toujours après une période de probation, durant laquelle l’aspirant-commissaire de police doit montrer patte blanche pour se voir confirmer à ce poste.

Comme tous les moyens sont bons pour faire oublier l’affaire Sherry Singh, les membres de l’aile féminine du MSM tentent, de leur côté, d’exploiter une maladresse de la députée Joanna Bérenger, qui a voulu transposer une vieille maxime pas très croustillante, que sortaient les adultes pour réprimander ceux qui se comportaient mal et qui pratiquaient des méchancetés après avoir reçu la communion, considérée comme le corps du Christ, à ceux qui s’adonnent à des bondieusetés ostentatoires, tout en ne pratiquant pas les enseignements religieux, dans le dessein de faire oublier l’affaire Sherry Singh.

Le tapage d’hier se voulait un contre-feu au missile concernant l’intrusion d’étrangers à Baie Jacotet et comme la MBC, en bon paillasson, est toujours là pour diffuser la propagande politique du MSM, ces dames et ceux qui ont commandité et organisé cette riposte démesurée à un post Facebook croient que la page du mystérieux « survey » sera rapidement tournée.

La première députée de Vacoas/Floréal est, à l’évidence, devenue une cible de choix pour les membres du MSM. Elle est, peut-être, vue comme un danger permanent pour le cartel des groupies du Sun Trust, mais faire tout un plat d’un post, alors que les problèmes vraiment urgents sont ailleurs, c’est juste désolant.

Déjà que la vie est devenue difficile pour les ménages mauriciens, avec la hausse vertigineuse des prix et que le spectre du Sri Lanka nous pend au nez avec ses abus de pouvoirs, l’enrichissement des élites politiques et le népotisme, voilà que 400 pères de famille sont, du jour au lendemain, jetés à la rue.

Ils étaient dans un secteur, la construction, qui avait été vendu comme étant aussi prometteur que le tourisme pour faire repartir la croissance économique et maintenir l’emploi, si ce n’est d’en créer de nombreux nouveaux. Mais entre les discours et la dure réalité du terrain et des chiffres, il y a le triste sort de ceux qui se trouvent tout au bout de la chaîne, les salariés.

Le drame de ces licenciés aurait dû mobiliser les pouvoirs publics en vue d’atténuer un tant soit peu leur détresse et s’assurer qu’ils soient très vite déployés ailleurs.

Non, le gouvernement a visiblement mieux à faire, envoyer ses porte-voix attitrés du samedi au front pour parler, certes, de Sherry Singh, mais cela ne les empêchait pas, non plus, d’annoncer des mesures immédiates pour venir en aide à ces licenciés.

Les priorités sont vraiment sens dessus dessous dans ce pays. Les visites de chaque bout du tracé du métro et chaque annonce du plus petit avancement des travaux est prétexte à d’interminables défilés ministériels. Commencé en 2017, il fallait bien que ce chantier se termine un jour ou l’autre, un mois de plus, deux mois de moins, what’s the big deal ? Marre de ces calculs politiciens qui infantilisent le peuple!

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