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Les tentacules de Franklin

Les tentacules de l’affaire Franklin sont stupéfiantes et suscitent de multiples interrogations. Comment cet homme parti de rien a réussi à bâtir un véritable empire en termes de propriétés immobilières, de voitures, de yatchs et de business en tous genres, en seulement quelques années ? Comment est-il passé au travers des radars des autorités responsables de surveiller les enrichissements rapides et suspects, pendant des années ? Comment a-t-il pu transformer  Rivière-Noire en un territoire où ses hommes faisaient la pluie et le beau temps, pour ne pas dire SA loi ? Comment est-il possible qu’en dépit de multiples plaintes contre les agissements de ses hommes, la police n’ait pas réagi, comme si elle avait eu l’ordre – venue d’en haut – de les ignorer ? Comment est-ce que les élus de l’endroit, qui sont censés être sur le terrain pour améliorer le quotidien de leurs mandants, n’ont pas remarqué la fulgurante ascension financière et sociale de l’un d’entre eux ? Comment expliquer que l’ICAC et la FIU, qui disent aujourd’hui avoir braqué leur radar sur les acticités de Franklin depuis 2016, ont attendu une déclaration sur les réseaux sociaux, cette année, dans laquelle il s’en prend à Bruneau Laurette pour l’interpeller et l’accuser – provisoirement – de blanchiment d’argent ? Si tout ce qui précède n’indique pas que Franklin bénéficiait de protection, cela signifie alors que le système ne fonctionne pas.
Grâce à la longue réponse du Premier ministre à la PNQ du leader de l’opposition sur Franklin – dont le gouvernement semblait  ignorer l’existence jusqu’à tout récemment –, d’autres révélations ont été faites. On a ainsi appris qu’en dépit de plusieurs condamnations liées à la drogue, Franklin a pu effectuer plusieurs voyages à l’étranger sans problème. Pratiquement avec la bénédiction des autorités. Mais il y avait mieux, si on peut dire, dans la réponse du PM. En  octobre 2018, le ministère de la Justice reçoit une demande des autorités réunionnaises pour un témoignage de Franklin dans le cadre du procès qui lui est intenté à La Réunion, pour trafic de drogue. La demande est  transmise au judiciaire et validée en juin 2019. Les déclarations sont enregistrées en créole en septembre 2019, et envoyées au ministère en janvier 2020. Le ministère demande, alors, que les déclarations soient traduites en français. Savez-vous quand est-ce que la traduction des dépositions, faites en septembre 2019, sera reçue au ministère de la Justice après plusieurs rappels ? Le 8 février de cette année, soit trois ans après !!!
Depuis que l’ICAC a arrêté Franklin – certains disent qu’elle a été obligé de le faire –, la commission déploie un zèle auquel elle ne nous avait pas habitués. Avant, les photographes de presse n’étaient pas autorisés à entrer dans l’enceinte de l’ICAC pour photographier ceux qui étaient convoqués. Aujourd’hui, non seulement les photographes sont autorisés dans l’enceinte, mais, en plus, ils sont informés de l’heure exacte à laquelle les prévenus ont été convoqués ! Le détail de certains interrogatoires fuitent dans la presse avec une facilité…stupéfiante. De quoi pousser certains à se demander si dans l’affaire Franklin, l’ICAC n’aurait pas – comme ce fut le cas de l’affaire Medpoint – un hidden agenda. Cette nouvelle manière de faire incite à se demander si l’ICAC ne serait pas en train de faire du damage control en privilégiant des angles d’attaques de l’enquête et certains protagonistes, en oubliant d’autres. Si elle ne privilégie pas – comme la FIU – la piste du blanchiment d’argent, en négligeant d’autres. Surtout depuis qu’on a découvert que les tentacules de Franklin ne touchaient pas que des seconds couteaux prête-noms,  mais aussi des VVIP. On a ainsi appris que Franklin s’intéressait aussi à la chasse, plus particulièrement aux chassés, toujours à travers personnes interposées. C’est ainsi qu’il aurait bénéficié d’un bail  de plusieurs dizaines d’arpents dans la région de Grand-Bassin grâce à l’intervention – rétribuée, affirment certains – de VVIP. Alors qu’il suffit d’une photo datant de 2014 pour que le PM accuse une opposante de trafiquer avec Franklin, dans le cas des VVIP de son gouvernement dont les noms circulent depuis quelques jours, il garde un silence prudent. Que d’autres qualifient de très embarrassé.  Mais en dépit de ces ramifications  et autres dénonciations de Franklin, celui-ci semble continuer à bénéficier d’un traitement de faveur, pour ne pas dire d’une protection. Depuis son arrestation en février,  Franklin est détenu en cellule policière. Selon la pratique, passé un délai de 21 jours, un suspect est automatiquement transféré en prison, en attendant le dénouement de son affaire, sauf si la police demande que sa détention en cellule policière soit prolongée. Or, Franklin aura passé 52 jours en cellule policière et les enquêteurs ont à chaque fois demandé à la Cour une extension pour qu’il reste en cellule. Pourquoi ce traitement de deux poids deux mesures, alors que, dans le cas de Bruneau Laurette, passés les 21 jours, la police avait lourdement  insisté pour qu’il soit transféré en prison ?
Tout ceci  nous mène à LA question : pourquoi est-ce que Jean Hubert  Celerine, alias Franklin semble bénéficier de la part des autorités, sinon d’un traitement de faveur, tout au moins d’une solide protection ?
À cause de ses tentacules ?
Jean-Claude Antoine

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