Jean-Claude Antoine
La station de radiotélévision nationale que l’on avait autrefois qualifiée de tous les surnoms vient d’en acquérir un tout nouveau. Celui de zoo puisqu’il est censé abriter des serpents. Et celui qui l’affirme n’est autre que son avant-dernier directeur général. Celui qui avait été forcé de démissionner parce qu’une de ses collaboratrices l’avait enregistré alors qu’ils tenaient des propos communaux à l’encontre de certaines employées de la MBC appartenant à une composante précise de la population mauricienne. Le président du conseil d’administration d’alors trouva ces propos suffisamment graves pour demander au directeur général de s’en aller. Ce dernier étant «enn zefan lakaz» du MSM avec entrée directe dans la « kwizinn » fut forcé de partir, veille d’élection oblige. Ce qui est curieux dans cette sordide affaire, c’est que la police, qui avait ouvert une procédure quand Showkutally Soodhun tint des propos similaires, ne jugea même pas nécessaire de faire semblant d’ouvrir une enquête. De quoi ajouter des trombes d’eau au moulin de ceux qui disent que la police mauricienne fonctionne à plusieurs vitesses. Puis, dans un de ces coups de théâtre auxquels le gouvernement MSM/ML nous a habitués, l’ex-directeur général obligé de démissionner revint à la MBC quelques jours plus tard en tant que consultant.
La suite pourrait servir comme scénario pour un de ces films dont on ne sait plus si le « rebate scheme » profite à l’image de marque du pays ou à remplir les poches des producteurs étrangers qui ont les bons contacts nécessaires. En effet, après la démission forcée du directeur général, le poste est revenu à l’ancien président du conseil d’administration, qui a été lui-même obligé de démissionner, la semaine dernière, quand l’ex-directeur général devenu consultant a été renommé assistant directeur génaral en dépit des paroles enregistrées qui l’avaient obligé à tirer sa révérence. Vous arrivez à suivre ? Depuis, l’ambiance doit être électrique dans les couloirs de la MBC où l’assistant directeur général — qui a toujours agi comme le propriétaire de la station — doit croiser celle qui avait enregistré ses insultes, celles qu’il avait insultées et tous ceux qui ont soutenu l’ex-directeur général quand il avait été obligé de démissionner. On se demande comment une télévision publique peut fonctionner dans ce climat de délation, de complot à tous les étages et dans chaque département où l’ambiance quotidienne pourrait être résumée par le titre d’un célèbre western, « Règlements de comptes à OK Corral ». Car l’actuel assistant directeur général a bien l’intention de régler ses comptes avec ses ennemis. Il l’a fait savoir vendredi en organisant un « dité gateaux » à l’intention du personnel pour célébrer son retour et son anniversaire. Dans son discours, il s’est réjoui de son retour en faisant clairement comprendre qu’il n’avait aucune intention de s’en aller. Il a profité de l’occasion pour dénoncer les « serpents » de la MBC qui font campagne contre lui, la corporation et le gouvernement en donnant des informations sur la situation à la MBC. Tout cela fait suite aux informations selon lesquelles la direction de la MBC a fait censurer la semaine dernière la diffusion d’un sujet sur le seul prix remporté par la MBC au concours annuel organisé par le Media Trust. La MBC a réussi l’exploit de boycotter un concours organisé par un organisme gouvernemental tombant, comme la MBC, sous l’ombrelle du PMO ! Quels services est-ce que l’assistant directeur général a pu rendre à son ministre de tutelle pour que ce dernier accepte sa « gestion » de la MBC dont une des principales caractéristiques semble être d’insulter les employés de la corporation ? Insultés en des termes communaux ou tout simplement traités de serpents. Quoi que puisse faire ou dire l’assistant directeur général de la MBC, le ministre de l’Information ne bronche pas. Le silence de Pravind Jugnauth, face aux frasques de la direction de la MBC, va finir par laisser croire que la MBC, c’est le genre de télévision qu’il apprécie.
Il n’y a pas que le silence du Premier ministre et de la police qui étonne dans cette saga de la MBC, il y a aussi celui de l’opposition travailliste. Alors que les frasques du directeur général de la MBC se multiplient et occupent une place régulière dans la presse, ce sujet ne semble pas du tout concerner l’opposition travailliste, par ailleurs, prompte à dénoncer tous les scandales du gouvernement. Ce silence serait-il dû à une solidarité castéïste ou est-ce le prix à payer pour des services rendus dans le passé ?
Jean-Claude Antoine