L’annonce de l’augmentation des prix du carburant avait été faite en toute fin de l’après-midi du 30 septembre. Les explications subséquentes pour justifier cette hausse ont été déclinées sur un ton des plus catégoriques, définitifs et sans appel. Tous avaient appris par cœur leur fiche pour aller défendre une mesure qu’ils avaient tous qualifiée d’inévitable. Lorsqu’on dit tous, c’est bien tous. À commencer par le Premier ministre lui-même qui, devant l’assemblée des personnes âgées dimanche dernier, a expliqué que la hausse était tributaire de l’envolée des cours du pétrole sur le marché mondial et que son gouvernement n’avait d’autre choix que de le répercuter sur ceux qui en achètent.
Oui, Pravind Jugnauth, à qui on ose attribuer un réveil soudain post-augmentation ou une prise de conscience tardive, avait défendu cette hausse qui est très mal passée auprès des consommateurs déjà accablés par le renchérissement des denrées de base lorsqu’elles ne disparaissent pas tout bonnement des commerces.
Sont aussi montés au front, le ministre des Finances, la ministre du Commerce Dorine Chukowry, qui aura bien vite appris que l’on ne doit pas dégainer trop tôt ni se répandre en déclarations mal inspirées et qu’il vaut mieux faire dans la mesure comme son prédécesseur Soodesh Callychurn et rester prudent. Ne parlons pas du directeur de la State Trading Corporation, toujours partant pour aller dire tout et n’importe quoi dans les médias dans de vaines tentatives de justifier l’incompétence patente de organisme qu’il dirige. C’est ainsi qu’il insistait qu’il n’y avait absolument pas de pénurie de riz de ration dans le pays pendant que la STC procédait en catastrophe à une importation de cette denrée.
Oui, ils s’étaient tous ligués pour aller justifier les nouvelles augmentations. Mais devant l’ampleur des protestations des consommateurs, qui ont vu leur facture de carburant s’envoler de manière exponentielle, plus de Rs 20 sur le litre depuis 2014, le gouvernement a dû faire machine arrière et trouver des mesures pour ne pas attiser davantage la colère populaire.
Les rois de la bricole se sont mis au travail, avec une hausse généralisée un samedi après-midi, puis une baisse par-ci et une hausse par-là le vendredi suivant. Tout cela relève d’une légèreté et d’un amateurisme scandaleux. Le gouvernement a-t-il pensé à ces milliers d’automobilistes qui ont fait leur plein d’essence durant la semaine ? Seront-ils remboursés pour le tarif excédentaire payé entre le dimanche 1er octobre et le vendredi 6 ? Autant d’interrogations que suscite la séquence burlesque des prix du carburant en seulement six jours. Et l’interrogation ultime porte sur le rôle de la STC elle-même, la manière dont elle fonctionne, l’identité des donneurs d’ordre, comment les procédures d’appel d’offres sont organisées ou contournées.
Les consommateurs veulent connaître les raisons pour lesquelles cet organisme a, sans fournir la moindre explication, choisi de résilier le contrat passé avec Mangalore. L’accord était secret, mais il avait fini par se trouver sur la place publique. Pour un gouvernement qui revendique une proximité sans précédent avec la Grande Péninsule, il eut été raisonnable de penser qu’il aurait fait jouer ses relations pour que l’accord soit renégocié pour garantir des prix plus ou moins stables sur une période définie. Non, après un appel d’offres, puis l’obtention d’une dérogation de la Public Procurement Act, c’est finalement vers un négociant en produits pétroliers basé à Bahreïn, le Mercantile and Merchant Group, que la STC s’est tournée pour son approvisionnement en carburant.
Lorsqu’on ajoute Betamax, les diverses taxes qui n’ont rien à voir avec les produits pétroliers qui parasitent le prix payé à la pompe, le temps est sans doute venu de demander à un cabinet international de procéder à un audit général de la STC, de sa structure, de son mode de fonctionnement et de sa véritable mission. Le temps est, en effet, arrivé de revisiter la STC.
Du pétrole aux droits humains, il n’y a peut-être pas de lien. Mais encore. La Cour suprême a, le 4 octobre, décrété que la section 250 du code pénal est inconstitutionnelle en cela qu’il discrimine les homosexuels et leur pratique sexuelle. La sodomie entre hommes consentants et en privé n’est plus un délit passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans, ont statué les juges David Chan Kan Cheong et Karuna Devi Ganesh-Balaghee. C’est bon que ce soit la Cour suprême qui se soit prononcée parce que les politiques pour la plupart bien trop frileux sur ce genre de problématique sociétale n’auraient jamais osé venir avec un amendement abrogeant la section 250 du Code pénal de 1838.
Le jugement a troublé certains, mais il est extrêmement salutaire et courageux que le conseil des religions ait très vite réagi pour dépassionner le débat et empêcher que quelques têtes brûlées ne s’emparent du sujet et fassent des déclarations incendiaires et des actions qui nuisent à la paix publique. Sodomie, avortement, mariage pour tous, peine de mort et même alcool, c’est chacun selon ses croyances personnelles. Un gouvernement d’un pays n’a pas à satisfaire les attentes de particuliers mais à légiférer pour le bien commun et la protection de tous en veillant qu’aucun de ses citoyens ne soit discriminé.
C’est pour cela que l’on ne comprend pas les quelques réactions indignées qui ont suivi ce jugement. La sodomie entre hommes adultes consentants et en privé n’est imposée à personne, tout comme l’avortement ou la consommation d’alcool. Chacun fait comme bon lui semble, selon ses convictions, selon ce qu’il croit en un Dieu ou pas, tant qu’il reste dans les paramètres de la loi.
Ce débat vient à point nommé à un moment où ils sont nombreux à réclamer une actualisation de la Constitution vieille de 55 ans. Maurice un État séculier et un Religious Board pour s’occuper des subsides et des manifestations cultuelles. De telles dispositions nous feraient le plus grand bien.