Les jours passent et ne se ressemblent pas.
Les jours s’enlacent tendrement puis se déchirent dans des imprévus, créant, au passage, de terribles remue-ménage. La cacophonie surgit et prend le dessus sur le silence paisible et sécurisant de la vie. Des bruits incessants et encombrants résonnent et s’incrustent jalousement dans le quotidien telle une sangsue qui s’accapare de sa proie.
Ces jours-là donnent envie de crier, de se sauver, pour se libérer de tout.
Ces jours-là, on a aussi le choix d’entrer en soi pour n’entendre ni les cris des enfants, ni la musique répétitive du marchand de glace, ni même les conversations futiles. On écoute plutôt le vent, les vagues, la mer et, si cela était possible, on irait même jusqu’à tendre l’oreille au soleil.
Mais ne nous attardons pas aux jours pommés comme ceux-là ! Au placard les airs et des désirs d’errance sans but.
Croyons en ces lendemains plus sereins et attendons-les avec entrain et enthousiasme. Il serait dommage qu’un ou deux jours sombres nous désespèrent, alors qu’il y a toujours les promesses de jours meilleurs qui chantent des hymnes de joie et murmurent que l’espérance ne doit jamais s’éteindre. Jours qui nous invitent à un chemin plus harmonieux.
Après ce dimanche particulièrement bruyant, vient ce lendemain où j’ai la joie de prendre le chemin sortant du Nord pour sillonner les rues jusqu’au Sud : destination Plaisance, l’ancien nom de notre aéroport !
Laissant rapidement la côte nord, je vais en direction de Verdun. De la longue route parallèle à Triolet, je vois les montagnes qui se dessinent au loin dans un paysage monotone. Des couleurs sombres prédominent : noir, marron, gris et vert foncé. Les différentes formes de montagne se chevauchent, donnant l’impression qu’elles sont toutes reliées entre elles. Une légère brume ajoute à la beauté de cette vue vaporeuse. Mélancolie et harmonie se tutoient devant les yeux des conducteurs.
Une fois sur la route de Verdun, on ne peut qu’admirer les couleurs matinales du ciel tout en arborant la montée. Pieter Both a quand même la part belle, décrochant toujours un regard intrigué sur cette pierre qui semble tenir en équilibre au sommet. On s’imagine bien tout en haut de celle-ci, dominant terre et mer, cheveux au vent frôlant le ciel !
Après la partie de la route qui monte, les champs de canne défilent et les nuages multiformes aux couleurs pastel, à cette heure, émerveillent. Tout en restant bien concentrée sur la route, de petits regards furtifs captent les splendeurs qui entourent. Très vite, je rejoins la ligne droite qui conduit au Sud.
Le paysage est reposant de ce côté de l’île aussi et la côte sud nous dévoile rapidement les couleurs de l’océan. Les feuilles de canne à sucre valsent au gré de la brise ; du gris argenté scintille sur les feuilles des champs, car elles captent les premiers rayons de soleil. Bientôt, les fameuses et intrigantes pyramides de pierres disposées çà et là parmi les cannes apparaissent.
J’arrive enfin à l’aéroport. La piste d’atterrissage autrefois fantomatique héberge plusieurs avions fraîchement arrivés ou prêts au décollage. Qu’elle ne fut pas mon étonnement et ma joie de voir les parkings remplis. Eux, si vides il y a quelques mois encore. Eux, si déserts…
Une fois à l’intérieur de la salle d’accueil, je vois les touristes et les Mauriciens, petits et grands, arriver. Place maintenant au spectacle ! Une joyeuse mise en scène commence, parfois à la limite du burlesque, dans un réjouissant vacarme. Le temps d’attente traîne et me permet d’observer les nouveaux venus.
D’abord, défile au ras du sol, quantité de petits pas chaussés de bottes bien rembourrées. Il est 8h du matin, la chaleur est intense et l’humidité déjà insupportable. Des voyageurs arrivent chaudement vêtus : j’étouffe en les voyant ! D’autres, plus prévoyants, sont déjà en robe légère ou short/T-shirt et avancent, savates ou sandalettes aux pieds.
Des cris m’interpellent ! Je me retourne et vois un homme parler fort tout en faisant de grands gestes. Je crois d’abord qu’il engueule sa compagne, mais vu le visage de celle-ci, je comprends qu’il s’agit là des habitudes des Italiens qui s’expriment avec passion. Elle aussi n’est pas en reste lorsqu’elle se met à parler. Puis, un autre Italien ouvre bien grand ses bras pour accueillir un couple. La chaleur et la joie se dégagent de sa voix (lui aussi semble crier). Ils expriment tant de bonheur lors de ces retrouvailles, qu’ils me le communiquent. Sacrés Italiens ! Ils se tapent le dos avec force, sourire aux lèvres, les yeux brillants, en braillant des paroles que je ne comprends pas.
Je vois une autre scène, cocasse celle-ci. Des touristes d’origine chinoise sont en position de haut les mains, bras bien tendus, et agitent leurs menottes en guise de salutation. Un jeune couple avec deux enfants s’approche. Ils sont tous les six hyper heureux de se revoir, mais adoptent tous la position « haut les mains ». Ils ne sont pas près de se toucher. J’ai vu mieux comme retrouvailles mais, visiblement, les restrictions sanitaires sont bien implantées chez eux. Espérons que le reste du séjour soit plus chaleureux.
Des touristes accueillis avec joie par des tours opérateurs regardent partout et s’apprêtent à découvrir un pays jusqu’alors inconnu. Ils commencent, dès là, à capter dans leur tête les images qui constitueront les bons souvenirs de leurs vacances. D’autres semblent déjà connaître notre pays et sont heureux, soulagés même, de revoir leur île aimée. Et quelques rares personnes tracent leur route, visage fermé, tête baissée.
En quittant cette salle avec mes enfants qui m’avaient accompagnée, Natasha fait un petit sourire. Elle semble contente de ce jour qui commence de bien belle manière. Ludo, lui, sûr de lui, me dit : « Je crois que tu écrivras sur cette matinée dans ton prochain carnet. » À part pour l’erreur de conjugaison, il a vu juste. Ce lendemain est tellement meilleur qu’hier !