Rodrigues a voté. L’île si chère à nos coeurs a choisi d’installer des partis opposés à l’OPR pour la diriger durant les prochains cinq ans. Il y a énormément d’enseignements à tirer de ce scrutin. Ils valent autant pour le gouvernement central ici que pour l’opposition.
L’OPR a chuté. Certes, pas de beaucoup. C’aurait été une surprise si elle avait été complètement balayée parce qu’elle a été suffisamment longtemps aux affaires et fidélisé un grand nombre de ceux qui ont pu bénéficier de ses prébendes pour bénéficier encore de solides soutiens. Le clientélisme, là bas, n’a, d’ailleurs, rien à envier à ce qui se pratique de plus abject ici.
La même petitesse qui sévit en permanence ici avait aussi gangréné la gestion de l’Assemblée Régionale. Paul Bérenger a été tout autant sinon plus que Sir Anerood Jugnauth l’architecte de l’autonomie souhaitée par l’OPR.
C’est lorsqu’il était le Premier ministre adjoint en 2001 que le leader du MMM a organisé le voyage de Robert Ahnee et d’Antoinette Prudence à Trinidad et Tobago pour voir comment se déroulait la dévolution des pouvoirs entre les deux îles des Caraïbes.
Or, lorsqu’il s’est agi de célébrer l’anniversaire de l’autonomie, tous les prétextes étaient bons pour éviter Paul Bérenger même lorsqu’il est leader de l’opposition, de peur de froisser les « maîtres » de Port-Louis
L’OPR n’a pas été laminé mais le coup de semonce n’en est pas moins sévère. Et certains, sur le terrain et même au delà la voyaient venir. La gestion de l’Assemblée Régionale, style Serge Clair, était devenue bien trop personnelle pour susciter de l’élan chez les jeunes qui ont, massivement, porté les nouveaux élus.
L’absence de tout recul vis à vis du gouvernement central et même pas la plus petite critique sur les dérives des institutions dévoyées de la république, longtemps notée, a finalement été sanctionnée dans les urnes. Se comporter comme des laquais du MSM a été moyennement apprécié par les rodriguais.
Ici même, nous avions plus d’une fois relevé le rôle plus que loyal des députés de l’OPR à l’Assemblée Nationale, Francisco François et Joseph Buisson Léopold. Ils n’ont rien fait de très marquant ou constructif si ce n’est d’applaudir toutes les décisions gouvernementales.
S’ils manquaient une ou deux voix pour obtenir une majorité constitutionnelle et voter la Prosecution Commission qui aurait contrôlé le DPP, ils l’auraient fait sans état d’âme. Et suivant des interventions enthousiastes. Que les tapeurs verbaux de la majorité les auraient ardemment encouragé à faire.
Qui a entendu la plus petite voix discordante venant de Rodrigues sur l’IBA Act, sur les textes contrôlant l’utilisation d’internet, sur le paiement scandaleux de la pension, le 7 pour le deuxième mois consécutif ou sur le renvoi des municipales alors que, chez eux, en pleine explosion de la pandémie, ils ont pu tranquillement voter.
Il est vrai que certains, à Port Mathurin, tablaient justement sur la situation sanitaire pour espérer prospérer et rempiler. Et ce sont probablement eux qui ont proposé au Premier ministre d’organiser ce scrutin en pleine pandémie en croyant que ce sont les partisans des oppositions qui n’iraient pas voter.
Manque de bol. Les jeunes ont été très sensibles et réceptifs à la campagne des opposants à l’OPR sur les réseaux sociaux et ils ont opté pour le changement. Reste maintenant à la nouvelle équipe, aux sensibilités diverses et aux personnalités parfois antagonistes de faire la démonstration qu’ils seront à la hauteur de la confiance que l’électorat a placé en eux.
Rodrigues a envoyé un puissant signal au gouvernement mauricien. Le MSM et ses alliés n’ont, en effet, qu’à bien se tenir. Ce n’est pas parce que l’on est pouvoir que l’on doive s’en octroyer plus que de mesure et de raison. La méthode partisane de gouverner, d’écraser les voix contraires, de favoriser ses proches, l’achat des consciences, surtout lorsqu’elles sont les plus vulnérables et les plus fragiles peut rapidement trouver ses limites et une correction implacable dans les urnes.
S’il y a des leçons à tirer pour le gouvernement, il y en a aussi des tonnes à retenir pour l’opposition. Celle qui peine a trouver un consensus autour du titulaire de leader de l’opposition à quatre semaines de la rentrée parlementaire.
De toute façon, si on y va sur le strict critère du mérite, ce qui devrait d’ailleurs être le souci premier de toute politique, il n’y aurait absolument aucune raison pour Xavier Duval de céder son poste. Sa prestation, un peu tatillonne au début, a considérablement gagné en efficacité.
L’opposition a bien essayé Arvin Boolell depuis les dernières élections générales mais tout observateur honnête et impartial se doit de reconnaître que le leader du PMSD s’en tire bien mieux que le chef de file du PTr. Il parait que même Navin Ramgoolam est de cet avis. C’est dire.
Le PTr ou du moins ses porte paroles les plus vocaux parlent comme s’ils pouvaient demain mobiliser plus de 50% de l’électorat et gagner toutes les élections seul. Allez-y. Une analyse minutieuse des chiffres du dernier scrutin national devrait pourtant ramener les va-t-en guerre du PTr à bien plus de modestie.
On entend souvent des dirigeants de l’opposition dire, non sans raison, que le programme est bien plus important que les personnes et les postes à distribuer. D’accord mais le programme devrait aussi porter sur le partage. Arvin Boolell évoque sa supériorité numérique. Oui et alors.
Paul Bérenger a bien laissé le poste de leader de l’opposition à Xavier Duval depuis l’année dernière bien que le MMM ait plus de députés que le PMSD. Il en avait fait de même en 1994 lorsque son parti disposait bien plus d’effectifs que le PTr. Il avait laissé le poste de chef de l’opposition à Navin Ramgoolam.
Quel mal y a-t-il aujourd’hui à donner à chacune des formations de l’opposition un poste à responsabilité au Parlement? Ne pas être d’accord avec ça, c’est confirmer une approche concentrationnaire des pouvoirs. C’est réaffirmer l’accaparement. Enfin du more of the same de la méthode du MSM.