Cela fait bientôt deux semaines que l’on sait que de graves allégations ont été faites contre le ministre de la Justice dans le cadre d’une enquête menée par l’ICAC. Selon les informations disponibles, le ministre de la Justice est soupçonné d’être impliqué dans une affaire de pots-de-vin. Oui, vous avez bien lu : le ministre de la Justice serait impliqué dans une affaire de pot de vin, de bribery. À chaque fois qu’un internaute critique — souvent sur un ton ironique – le Premier ministre ou un membre du gouvernement, des escouades de police débarquent et interpellent ceux qui sont censés avoir fait de fausses accusations et diffusé de fausses informations. Des communiqués sont publiés, des menaces proférées et des actions policières, souvent rayées en cour par la suite, sont prises. Depuis deux semaines, le pays tout entier est scandalisé par l’affaire du terrain de chasse de Grand-Bassin et le gouvernement dont son chef et les ministres sont si prompts a réagir, à démentir, à menacer de poursuites, à faire servir du papier timbré fait comme s’il n’était au courant de rien. Aucune conférence de presse pour démentir et dénoncer les « antipatriotes » qui veulent ternir l’image du pays. Où sont donc ces ministres qui, dans l’affaire du sniffing — dont on attend toujours les conclusions du rapport — étaient montés au créneau pour dénoncer et dénigrer leur ex-ami Sherry Singh ? Dilo lor bred sonz ou incapacité à démentir les allégations ? En tout cas, depuis deux semaines, des allégations selon lesquelles le ministre de la Justice serait mêlé à une affaire de pots-de-vin circulent. Décidément, Pravind Jugnauth n’a pas la main heureuse dans le choix de ses ministres de la Justice…
Au fil des années, le Mauricien est devenu plus égoïste, pour ne pas dire opportuniste, cherche son “boutte”, même si c’est aux dépens de autres. Quand on le lui reproche, il rétorque qu’il ne fait que suivre l’exemple des politiciens, comme si cela suffisait à justifier son comportement. En fin de compte, il faut reconnaître que, finalement, le Mauricien n’hésite pas à contourner lois et règlements s’il peut obtenir l’avantage, le “boutte” recherché. Le recours au contournement des lois et règlements, l’utilisation de contacts bien placés pour faire avancer un dossier sont devenus une pratique courante. Presque la norme. Ce qui n’empêche pas le même Mauricien de crier — pas trop fort — au scandale quand ce sont d’autres qui utilisent la même méthode et obtiennent, eux, des résultats. Par ailleurs, le Mauricien laisse entendre qu’il a peur de dire ce qu’il pense. Qu’il n’ose plus exprimer ses critiques et donner son opinion, surtout si elle concerne la manière dont le pays est dirigé. On entend souvent évoquer la peur des représailles, le fait que quand le pouvoir est mécontent, il n’hésite pas à attaquer, à dénigrer. Les récentes déclarations du Premier ministre contre une magistrate et le DPP sont montrées comme des exemples et une justification pour se murer dans le silence, sans l’absence de prise de position pour éviter les possibles répercussions négatives. Surtout si le Mauricien en question ou ses proches travaillent dans la fonction publique ou un de ces nombreux corps paraétatiques dirigés par des nominés politiques.
Dans cette ambiance de peur, qui encourage le silence et l’autocensure, la déclaration du cardinal Maurice Piat, dimanche dernier, doit être saluée. Nous sommes tellement habitués au silence, à la politique de ne rien dire, que ses propos ont fait l’effet du bombe. En fait, le chef de l’Église catholique n’a fait que reprendre ce qui s’écrit dans la presse et sur les réseaux sociaux, et ce qui se dit dans l’ensemble de la société mauricienne ces dernières semaines. Pour ceux qui ne l’auraient pas lu ou entendu, voici ce que le cardinal a déclaré dimanche dernier : « Je pleure quand je regarde mon pays. Tout le monde désire et recherche la paix dans notre pays. Mais comment pourrons-nous avoir la paix dans une démocratie lorsqu’il y a un manque de respect pour la séparation des pouvoirs, quand certains se permettent de critiquer les décisions d’un magistrat, d’un DPP ? Je pleure quand je vois que l’indépendance des institutions est menacée, que les fondations de notre démocratie sont ébranlées. J’avoue que je suis triste et inquiet pour mon pays lorsque je vois que l’injustice et la corruption sont tolérées. Prenons le cas de quelqu’un qui a été accusé, condamné pour le trafic de la drogue à La Réunion. Les autorités réunionnaises envoient un dossier à Maurice pour en informer les autorités locales et leur demander de faire le nécessaire et ce dossier reste dans un tiroir pendant un an et demi ! »
Est-ce que tous les citoyens mauriciens responsables ne partagent pas la tristesse et les inquiétudes du cardinal Maurice Piat ?
Le silence et la déclaration
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