— Tu as entendu ça toi ! J’ai eu un mari choc, je te dis !
— Tu as eu un choc à cause du deal Mama-Piti ?
— Mama-Piti ? Tu n’es pas en train de te tromper là : on ne dit deal Papa-Piti ?
— Ça c’était avant. Maintenant on dit deal Mama-Piti parce que la maman du ministre des Terres a obtenu un terrain de l’État pour un projet de développement de 400 millions…
— Le ministre qui a fait écraser les longères des sans-abri à Pointe-aux-Sables ? Ça ne m’étonne pas ! Tu savais que sa femme a été nommée à la tête d’une institution, son frère aussi et que sa fille va avoir un ticket pour les élections ?
— Je comprends maintenant pourquoi le ministre passe son temps à faire des compliments au PM. Plus chatwa que lui, ça n’existe pas ! Mais c’est pas ça qui m’a fait avoir un choc.
— Qu’est-ce qui t’a fait avoir un choc alors ?
— L’affaire des call-girls de Rivière Noire, toi.
— Qu’est-ce que c’est que cette affaire-là : on dirait le titre d’un film policiers avec des types louches, des femmes légères, très peu habillées et trop maquillées et toutes sortes de trafics.
— C’est exactement ça, sauf que ça se passe à Maurice.
— Mais où ça ?
— Un peu dans le nord et beaucoup sur la région de Flic-en-Flac, Rivière Noire.
— C’est pas dans cette région qu’il y a une boîte de nuit où seulement les hommes vont et ou on fait du pole-dancing.
— Mais comment tu sais tout ça, toi qui ne lis les journaux, n’écoutes pas les radios et détestes internet ?
— Mais il y a mieux qu’internet, la presse et les radios pour avoir des nouvelles : la gazette chiffon bleu, toi.
— Assez donc !
— Non c’est vrai, je te dis. Seulement, cette histoire de boîte de nuit-là, je l’ai appris par la femme d’une personnalité politique qui allait régulièrement là-bas.
— Ah bon ? Elle savait que son mari allait dans cet endroit et elle acceptait !
— Pas du tout. Elle, elle croyait que son bonhomme allait dans des réunions politiques nocturnes.
— Comment elle a su ?
— Son mari a eu une bagarre avec son chauffeur et l’a mis dehors. Pour se venger, le chauffeur a cassé la clef avec la femme.
— Qu’est-ce que le chauffeur lui a raconté comme ça ?
— Il lui a dit une seule phrase : « Dimann ou misie si li bien amize kan li get madam lapo blan, seve zonn ek lizie ble danse touni ! »
— Quoi ?! Il lui a dit ça ?! Qu’est-ce qu’elle a fait ?
— Elle a foutu une baise à son mari. Depuis ç,a il ne va plus aux réunions politiques le soir !
— Bien fait pour lui. Je me demande ce que les hommes trouvent aux blondes aux yeux bleus ? Qu’est-ce qu’elles ont plus que nous ?
— Rien du tout si tu veux mon avis. Mais il paraît que c’est un fantasme vieux comme le monde : les hommes blancs tombent pour les femmes noires, et les noirs, eux, ne rêvent que de blondes aux yeux bleus. Mais-dis moi, tes call-girls, ce sont les danseuses de pole-dance ?
— Je ne sais pas si ce sont elles-mêmes. Tout ce que je peux te dire, c’est qu’il parait qu’il y a un réseau de blondes qui « travaillent » du côté de Rivière Noire.
— Ce sont des blondes artificielles locales ?
— Non, toi. C’est de la marchandise d’exportation en provenance des pays de l’Europe de l’Est : Ukraine, Russie, Biélorussie tout ça.
— Qui les fait venir à Maurice ?
— Il paraît que c’est un couple de Francos qui s’occupe de ça. Il les fait venir, les loge dans un appartement de luxe et leur fournit les clients.
— Est-ce qu’on sait qui sont les clients des blondes ?
— Il paraît que ce sont des expatriés et de riches étrangers de passage.
— Il n’y a pas de Mauriciens parmi les clients ?
— On me dit qu’il y les nouveaux riches et des fils de personnalités.
— Comment on sait ça ?
— Tu sais, à Maurice tout finit par se savoir. Surtout ce qu’on veut cacher. Les gens veillent toujours les allés et venues de leurs voisins. Surtout si ce sont de jolies voisines qui reçoivent beaucoup de messieurs.
— Tu as raison : veiller les affaires des autres c’est un sport national à Maurice !
— Surtout quand il y a beaucoup d’allées et venues de voitures, tard le soir. Et d’après ce qu’on m’a dit les voitures dans lesquelles les « clients » voyagent ne sont pas des « reconditionned cars » !
— Il y a une affaire que je ne comprends pas dans tout ça.
— Quelle affaire ?
— Il n’y a rien de nouveau dans ce que tu me racontes. Comme on dit, la prostitution est le plus vieux métier du monde et il n’est pas étonnant qu’elle existe à Maurice, avec ou sans blondes aux yeux bleus. Alors qu’est-ce qui te choque comme ça dans cette affaire ?
— Mais le prix toi.
— Quel prix ?
— D’après ce que j’ai lu, ça coûte 3 000 dollars américains, c’est-à-dire environ Rs 130 000 pour une « séance » avec une de ces call-girls de l’Est. Tu te rends compte : Rs 130 000 !
— Tu as raison : c’est le salaire d’un député sans ses allocations. C’est beaucoup d’argent.
— Non seulement je trouve ça choquant, mais je me demande ce que ces blondes aux yeux bleus font comme ça pour mériter ce « salaire » !
J.-C.A.
Le « salaire »
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