Le rôle du petit exécutant

Après le récent décret de l’inénarrable Phokeer interdisant désormais aux députés, de l’opposition s’entend, toute question relative aux administrations régionales, voilà que Steve Obeegadoo s’est fendu, vendredi, de déclarations creuses sur une hypothétique réforme des administrations régionales pour masquer une évidente réalité : la grande frousse que lui-même et ses partenaires du gouvernement éprouvent à affronter l’électorat urbain. D’où la décision de reports successifs des élections municipales.

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Sooroojdev Phokeer a décidé que les députés ne pouvaient plus poser de questions à Anwar Husnoo sur les différents problèmes auxquels les habitants des villes et des villages sont confrontés dans leur quotidien. Où qu’ils aient été élus, ceux qui siègent à l’Assemblée Nationale sont dans leur rôle lorsqu’ils se font les porte-parole de leurs mandants.

C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a toujours eu un ministère des Administrations Régionales. Même s’il est vrai qu’aujourd’hui, on a un titulaire à ce portefeuille qui à, chaque élection, change de casaque et qui est passé du PTr au ML pour finir avec le MSM. Il semble servir plus de bouche-trou et de figure symbolique du no 3 que de veiller à la vitalité et au bon fonctionnement de la gestion régionale.

Et lorsqu’on sait qu’il a vendu une partie de son terrain de Trianon pour Rs 15 millions à l’État, alors qu’il avait été initialement évalué à Rs 6,3 millions, et qu’il vient d’obtenir rapidement tous ses permis de la municipalité de Vacoas /Phœnix, administration sous son contrôle, pour aménager sa clinique privée à Sodnac, on ne peut pas dire que l’on a affaire à un exemple de gestionnaire intéressé et avisé des collectivités locales, comme le furent un certain nombre de ses prédécesseurs.

Pas de questions, donc, sur les municipalités et les conseils de district, et l’on ne saura pas quel est l’état d’avancement du projet de clinique du ministre lui-même sur son terrain déjà défriché derrière la station du tramway de Trianon.

C’est probablement parce que cela aurait été d’un cocasse inédit que le ministre réponde à une question sur un projet dont il est l’initiateur que l’interdit phokeerien prend tout son sens. Parce qu’avec ces gens-là, il n’y a pas de hasard ni de caprice, mais des décisions anti-démocratiques bien calculées. L’opacité étant leur réflexe premier.

Si les municipalités ont été émasculées depuis 2014, l’organisation de leur mort lente remonte à la fin des années 80 avec la création de la National Development Unit. Un projet qui avait un certain sens à l’époque et qui laissait quand même une marge de manœuvre, la gestion municipale étant, par essence, une affaire de proximité et d’immédiateté.
Aujourd’hui, faute de moyens, accentués par la suppression de la taxe municipale au lieu de son extension aux belles villas de luxe de nos zones rurales et côtières, les villes sont mortes et sont des lieux où il ne fait plus bon se promener, marcher, conduire et sortir la nuit. Comme le Premier ministre a annoncé son bilan, ce serait bien qu’il vienne présenter comment son régime a détruit les agglomérations urbaines.

Mais il n’y a pas que les villes que le MSM a liquidées et défigurées avec son tramway mal dessiné, il y a aussi un folklore plus abject qui se décline dans les conseils de district. Entre jeux de pouvoir, protégés d’un jour et exclus d’un soir, influence ministérielle, motions de blâme et révocations, c’est le grand bazar. Pas ceux que l’on a construit à grands frais et qui ne sont toujours pas opérationnels.

Et vendredi, interrogé par le leader de l’opposition sur ce qui avait été avancé comme prétexte, bancal, pour renvoyer par trois fois les élections municipales, à savoir la mise sur pied d’un comité ministériel pour se pencher sur un projet de réforme des administrations régionales, le PM adjoint a révélé que ce comité, que l’on peut qualifier de fantôme, se propose de tenir prochainement sa… troisième réunion.

Tout cela bien que le PM ait, l’année dernière, en proposant un ultime report des échéances urbaines, annoncé des recommandations pour la rentrée parlementaire 2024, soit mars. Mais niet… L’échange entre Arvin Boolell et Steve Obeegadoo s’est terminé par un lapidaire «nous n’avons aucune leçon à recevoir concernant les principes démocratiques». Vraiment ?

Venant de celui qui justifie que les élections municipales n’aient pas été tenues depuis 2015 alors même que les villageoises, elles, ont pu être organisées en novembre 2020, c’est curieux que le ministre se satisfasse de tels «principes démocratiques».

Venant de quelqu’un qui trouve normal que les institutions soient transformées en succursales du Sun Trust et qu’elles deviennent des outils de persécution des opposants, que son fameux commissaire de police, sur qui pèsent des allégations d’une extrême gravité sans parler de la saga du fiston et qu’il aille batailler avec le Directeur des Poursuites Publiques, c’est quand même déplacé et un peu ridicule de parler de «principes démocratiques».

Mais il n’y a pas que ça. Et les «principes démocratiques» au Parlement, on en parle ? C’est lui le ministre qui se complaît dans son rôle de petit exécutant docile et suiveur de l’excité du perchoir. Il a été systématiquement au front pour proposer les motions de suspension de membres de l’opposition.

Peut-il, au nom des «principes démocratiques», venir expliquer sa politique tarifaire en matière de suspensions ? Déjà que les suspensions sont arbitraires, pourquoi six séances pour les uns, trois ou deux pour les autres ? Qui décide ? Lui-même ou son donneur d’ordres, Sooroojdev Phokeer ? C’est la politique de «look at your face, get figir» ?

Il ne faut pas parler de démocratie lorsque chaque jour amène une illustration supplémentaire de sa violation : renvoi des municipales, asphyxie des institutions, dévoiement du Parlement. L’heure du bilan n’est pas loin et qu’on se le dise, les faits parleront bien plus que les plus belles paroles et les plus orchestrées des parades.

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