Le conseil

— Tu as vu cette affaire-là, toi ?
— Quelle affaire ? Il y en a tellement dans ce pays ! Comme dit ma tante d’Australie, avant on cultivait la canne et les préjugés, maintenant on développe la corruption sur une grande échelle.
— Comment ta tante sait ça, elle ?
— Ma chère, laisse-moi te dire qu’elle est plus bien informée sur ce qui se passe à Maurice que nous. Elle est au courant de tous les scandales, je te dis.
— C’est vrai toi, où tu regardes ce ne sont que des scandales et des affaires de corruption.
— De quelle affaire tu parles, toi ?
— De ce docteur qui a été porter plainte contre la police à l’ICAC pour vol.
— Quoi, une plainte à l’ICAC contre la police ?! Qu’est-ce que c’est que cette affaire-là ?
— Tu n’es pas au courant ? La police antidrogue a fait une descente des lieux au domicile d’un collégien soupçonné d’être un trafiquant de drogue.
— Alors quelle quantité de drogue on a trouvé chez le collégien supposément trafiquant ?
— Pas de drogue, mais la police a trouvé une importante somme d’argent, plus d’un million de roupies dans un sac en papier qui a été saisi.
— Pourquoi la police a saisi cette somme d’argent ?
— Parce qu’elle pense que cet argent vient du trafic de la drogue.
— Pourquoi tu dis qu’il y a une affaire dans cette arrestation ?
— Parce que les policiers disent que le père du collégien, qui est un médecin, leur aurait proposé une partie de l’argent pour « teigne zafer-la lamem. »
— Mais c’est une tentative de briber la police. C’est un cas flagrant de corruption. Le papa du collégien a été sûrement arrêté sur-le-champ.
— C’est là que l’affaire commence à devenir un peu bizarre.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— La police emmène le papa du collégien et la somme saisie à la station de police pour faire une entrée…
—… et arrêter le papa du collégien pour tentative de corruption.
— Non.
— Comment ça, non ?
— La police a laissé le papa du collégien rentrer chez lui.
— Sans l’accuser de tentative de corruption ?
— Non. Aucune accusation n’a été logée contre lui en attendant la fin de l’enquête.
— Un quelqu’un essaye de briber la police, on l’emmène à la station mais on ne l’inculpe pas ?! C’est louche, toi !
— Tu veux dire que c’est mari louche même ! Mais l’affaire n’est pas finie. Ça s’est passé samedi. Lundi, le papa du collégien soupçonné de faire du trafic de drogue est allé à l’ICAC.
— Qu’est-ce qu’il est allé faire à l’ICAC ?
— Il a été porter plainte contre les policiers qui étaient venus faire la fouille chez lui samedi.
— Il a été porter plainte pour quoi ?
— Le docteur dit que les policiers ont volé de l’argent chez lui.
— Mais tu ne m’avais pas dit que les policiers avaient saisi plus d’un million de roupies pendant la fouille.
— Ça c’est la somme qui a été amenée à la station, mais le docteur dit qu’il y avait plus d’argent que ça chez lui…
—… quoi ?
— Oui, toi. Le docteur dit qu’il y avait Rs 3,8 millions chez lui, et que les policiers n’ont déclaré que seulement Rs 1,2 million…
—… mais où est passé le reste de l’argent alors ?
— Le docteur dit que les policiers ont gardé le reste de l’argent pour eux, c’est-à-dire Rs 2,6 millions. Il dit aussi que les policiers ont pris des bouteilles de whisky qu’il y avait chez lui.
— Un docteur qui va à l’ICAC pour accuser des policiers d’avoir volé son argent et son whisky ! C’est un joke !
— Non. Le docteur a été porter plainte à l’ICAC je te dis. C’est dans les journaux.
— Mais ça va être sa parole contre la parole des policiers.
— Sauf que le docteur dit qu’il a un système de caméras de surveillance chez lui, qui a tout enregistré. Il paraît qu’il a fini de donner les images à l’ICAC.
— J’espère que l’ICAC prendra moins de temps pour faire son enquête que dans l’affaire du Cardiac Centre.
— Quelle affaire de Cardiac Centre encore ?
— Tu n’es pas au courant ? L’ICAC avait fait une enquête sur une présidente du Cardiac Centre qui avait augmenté son salaire de Rs 100 000 par mois.
— Mais c’est une vieille affaire ça !
— C’est une affaire qui date de plus de cinq ans. Ce n’est qu’il y a quelques jours que l’ICAC a inculpé l’ex-présidente. J’espère qu’on ne va pas attendre cinq ans pour savoir qui a raison entre le docteur et les policiers.
— Franchement te dire, je n’ai pas beaucoup d’espoir.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Tout simplement parce que quand un journal a demandé une déclaration à un responsable de la communication de la police sur cette affaire, tu sais ce qu’il a répondu ?
— Qu’est-ce qu’il a dit comme ça ?
— Il a dit que l’ICAC ne fait pas des enquêtes sur des affaires de vol allégué.
— Ah bon ?!
— Après, le responsable de la communication de la police a donné le conseil suivant au docteur : d’aller déposer une plainte à la police contre les policiers de l’ADSU.
— Tu es en train de plaisanter ?
— Pas du tout.
— Et après on s’étonne que Maurice se retrouve sur toutes sortes de listes !

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