Les enregistrements de Missie Moustass sont en train de révéler ce que l’on soupçonnait sans vouloir l’admettre totalement : Maurice est à la fois un État policier et une République bananière. Ces enregistrements, diffusés depuis vendredi dernier sur les réseaux sociaux, en sont une preuve. Le côté État policier est assuré par le Commissaire de Police, ses compères et ses complices. La dimension République bananière par des ministres et des conseillers du premier d’entre eux. Et encore, jusqu’à présent, nous n’avons entendu que les ministres de deuxième catégorie, pas les stars ou ceux qui croient qu’ils le sont. Le pire ou le meilleur, selon l’angle où l’on se place, est à venir. Première constatation : les écoutes téléphoniques des opposants sont pratiquées sur une grande échelle par une section, une cellule, qui dépend des Casernes Centrales, sous l’ombrelle du ministère de l’Intérieur. Il semblerait que cette cellule écoutait beaucoup de monde, même les membres du gouvernement – au bénéfice de qui ? – et qu’à un moment donné, un ou plusieurs membres de la cellule d’enregistrement ont décidé de faire des copies de leur « travail ». Ce sont ces copies, une partie tout au moins, qui sont diffusées sous le label Missié Moustass, plaçant le gouvernement dans une situation délicate. Sa difficulté dans cette affaire c’est qu’il ne peut pas reconnaître l’existence de ces enregistrements, ce qui le rendrait coupable de violation de multiples lois. C’est pour cette raison qu’il parle donc de manipulation, de complot et d’utilisation d’intelligence artificielle pour imiter des voix.
L’un des personnages principaux des enregistrements diffusés jusqu’à l’heure est le Commissaire de Police. La teneur de ses conversations avec des ministres et des conseillers n’a rien à envier à ceux des personnages de séries télévisés consacrées à la mafia. Il est ahurissant d’entendre le responsable du maintien du Law and Order dans le pays et le ministre de la Justice discuter d’un plan pour que le fils du Commissaire, reconnu coupable de détournement de fonds, évite la prison et bénéficie de la grâce présidentielle. Il est tout aussi ahurissant d’entendre le responsable de la police monter un plan avec le principal conseiller du Premier ministre pour faire suspendre une cadre d’un corps para étatique en faisant parvenir une lettre anonyme à sa direction. Si le Commissaire de police est capable de monter une opération pour faire une cadre étiquetée opposante au régime perdre son emploi, comment s’étonner alors que ses subalternes se soient lancés dans des opérations de planting de drogue chez les opposants politiques du régime, ce qui leur permet de multiplier les arrestations provisoires ? La question est de savoir si ces subalternes du Commissaire agissent de leur propre chef ou sur instructions de leur boss ? Ce qui sidère dans le contenu des enregistrements de Missié Moustass, c’est que tous les protagonistes semblent trouver naturel de discuter des plans qu’ils échafaudent et qui sont des viols caractérisés aux lois existantes.
Non content de faire des complots pour violer les lois qu’il est censé défendre, le Commissaire est aussi capable de jurer – c’est une de ses spécialités – et de dire n’importe quoi sur n’importe qui. Même sur les personnages emblématiques religieux. Ses propos sur la Vierge Marie ont provoqué tellement de réactions négatives – et pas seulement des catholiques – qu’il a échafaudé un plan (c’est une autre de ses spécialités) pour se tirer de ce mauvais pas. Il a demandé à être reçu par l’Évêque de Port-Louis, qui a accepté la rencontre, sans réfléchir. L’Évêque pensait avoir affaire à un pêcheur repenti, sincère dans sa démarche, alors que ce n’était qu’un calculateur politique exécutant un coup médiatique. En sus de la rencontre qui ne se solda pas, comme c’est la coutume, par une déclaration commune, l’Evêque offrit au Commissaire un bonus inespéré : une photo de la rencontre. Elle semblait dire que l’Évêque avait pardonné ses propos au Commissaire en lui accordant sa bénédiction – et son sourire ! Pour avoir voulu illustrer la parole de Matthieu disant : si quelqu’un te gifle sur la joue droite, laisse-le te gifler aussi sur la joue gauche, L’Évêque de Port-Louis s’est fait piéger par le Commissaire de Police et a reçu une volée de bois verts, méritée, de ses fidèles, ce qui l’a poussé à leur demander pardon. L’ironie de cette histoire c’est que le Commissaire de police, lui, n’a jamais prononcé le mot pardon.
Cet incident illustre ce que je disais au début : Maurice est à la fois un État policier et une République bananière. La question est de savoir comment faire pour se débarrasser de ce système et de ceux qui le dirigent ? Si c’est encore possible !