La Chambre de commerce et d’industrie de Maurice célèbre ses 170 ans la semaine prochaine par un dîner de gala dont l’invité d’honneur sera le Premier ministre. Cette vénérable institution représente et défend les intérêts des entrepreneurs mauriciens — excepté ceux du secteur sucre. Sur son site web, l’institution se présente en ces termes : « Over the years, the MCCI has evolved from a purely representative and consultative body to a dynamic actor in the socio-economic development of the country. Throughout its years of existence, it has constantly striven to carry out its fundamental mission of defending and promoting the vital interests of its members.” C’est une opinion que ne semble pas partager Jean-Claude Montocchio, qui occupa le poste de secrétaire général de la Chambre pendant trois décennies. Dans son blog, analysant de la situation à Maurice « d’un angle différent et de loin », il écrit avoir pu mesurer « pendant près de trois décennies, la lente, mais inexorable montée de la démission, de la déchéance et des comportements indécents qu’ont manifestés les chevaliers d’industrie locaux en face du comportement autoritaire, d’abord d’un Anerood Jugnauth, puis d’un Navin Ramgoolam. Les démissions morales des haut représentants des affaires aidant, l’on est rapidement arrivé à un stade où des points de vue divergents, voire des oppositions, des représentants du privé à la politique menée, et exprimée par les politiciens, devenaient non tolérés. Il n’était pas possible de critiquer les politiques et les décisions des pouvoirs publics sans en payer les conséquences ». Pour l’ancien secrétaire général de la CCIM « aujourd’hui, certains repères essentiels à notre développement économique semblent être irrémédiablement perdus, ayant été remplacés par l’absence de réaction des chevaliers d’industrie du secteur privé. Le coup de grâce, ô combien significatif, a été donné en 2015 lorsque Megh Pillay a été “démissionné” d’Air Mauritius, société cotée en bourse, dans un silence assourdissant et à cause de la lâcheté manifeste de ceux des gens d’affaires qui ont laissé sans réagir un homme comme Anerood Jugnauth bafouer les fondements de l’entrepreneuriat libre à Maurice. (…) En conséquence de ce laisser-aller et de ces renoncements, nous sommes maintenant contraints de vivre dans un pays où les manifestations indignes et indécentes de la part des politiques et de la haute administration sont quasi quotidiennes et ne donnent lieu qu’à de faibles réactions de désapprobation ouvertes ».
Après sa lecture de l’évolution de la CCIM, son ancien secrétaire général en arrive à la situation « cocasse » que vit l’institution à la veille de la célébration de ses 170 ans. Depuis la fin de l’année dernière, après une longue chasse à l’oiseau rare, le conseil d’administration de la CCIM avait choisi un nouveau secrétaire général pour remplacer M. Pillay, qui avait fait valoir son droit à la retraite. Le choix du conseil d’administration s’était arrêté sur Yousouf Ismaël, l’ex-directeur général de la CWA, qui devait prendre ses nouvelles fonctions le 10 janvier. Or, la veille, il est convoqué une première fois par l’ICAC dans une affaire de corruption pour avoir attribué un contrat en dépit des objections légales formulées à l’époque ! Cette affaire fournit à Jean-Claude Montocchio l’occasion de questionner publiquement l’actuel président de la CCIM : « Marday Venkatasamy devient un président quasi perpétuel de la CCI de Maurice. Il est un homme d’expérience en matière d’affaires, et il appartient à un groupe de personnes influentes, discrètes, qu’il appelle couramment ses “frères” et qui sont apparemment en perpétuelle recherche de la vérité et de l’amélioration de soi. Nous lui posons donc brutalement la question : est-il disposé à laisser l’institution qu’il a présidée si souvent être dirigée par une personne qui a dû se soumettre récemment aux injonctions d’une instance de combat de la corruption et de trafic d’influence à Maurice, et qui devra donc, si sa titularisation devient effective, traîner ce boulet à la Chambre ? Sommes-nous toujours, dans l’île Maurice de 2020, dans un système politique, économique et social dans lequel un comportement digne en tous points, n’ayant fait l’objet d’aucune remise en question, est encore la condition sine qua non pour prétendre accéder à certains postes de confiance ? »
Cette affaire et les questions qu’elle suscite représentent un « cadeau » bien encombrant pour la célébration des 170 ans de la CCIM.