Le « cadeau »

— Dis-moi un coup, tu vas toujours à Port-Louis pour ton travail ?

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— Oui toi. Maintenant c’est bien organisé, je descends deux jours au bureau, le reste de la semaine je travaille à la maison même.

— Tu t’es finalement habituée au work from home ?

— Qu’est-ce que tu vas faire, il faut bien travailler. Au début c’était compliqué, maintenant ça va beaucoup mieux.

— Qu’est-ce qui était compliqué comme ça pour toi ?

— Je crois que l’ambiance du bureau me manquait. Tu sais, la pause pour le thé ou le café, les petites conversations, les potins entre collègues…

— Tu veux dire les pauses palabres !

— Ayo toujours les grands mots avec toi ! C’était un moment de convivialité, d’échange comme on dit maintenant.

— C’est surtout dans ces pauses-là qu’on raconte les affaires des autres…

— Arrête un peu de faire ton hypocrite avec moi donc ! Tout le monde raconte les affaires des autres dans ce pays, surtout quand c’est juicy. C’est un sport national !

— C’est ça même qui te manquait alors ?

— Franchement te dire, j’aimais bien cette ambiance. Et puis je n’avais jamais travaillé à la maison avant ça. Pour moi, avant, comme j’avais quitté le bureau, j’avais fini avec le travail. Avec le work from home, j’étais un peu embrouillée dans les premiers temps, mais après je me suis organisée.

— Tu sais que X, elle, n’a pas pu. Elle a dû chercher un travail au bureau même.

— Pourquoi hein ?

— Je crois que c’est à cause de ses enfants et surtout à cause de sa maman qui habite avec elle.

— Ah bon ? Ses enfants ne vont pas à l’école ?

— Oui, mais après, quand ils sont partis, elle est seule à la maison avec sa maman. Elle me dit que sa maman était sur son dos toute la journée, à venir la voir, à lui parler. Elle passait son temps à lui proposer du thé, un bout de pain, un biscuit, à venir faire la conversation avec elle, à lui raconter ce qui s’était passé dans l’épisode de son feuilleton à la télé.

— Mais sa maman avait de bonnes intentions, toi : bien s’occuper de sa fille.

— Je ne te dis pas le contraire, mais en faisant comme ça, elle empêchait X de travailler. C’est à cause de ça même qu’elle a été obligée de chercher un travail dans un bureau. Maintenant elle est bien.

— Je suis bien contente pour elle. Pourquoi tu m’as demandé si j’allais toujours au bureau ?

— Avec le travail qui donne bal ne ce moment, je n’ai pas l’occasion d’aller en ville. Est-ce que tu pourrais me rendre le service d’acheter une affaire pour moi ?

— En principe oui. Où il faut aller acheter ton affaire ? J’espère que ce n’est pas un magasin dans les fins fonds de Port-Louis où on se perd dans les petites rues !

— Ne te tracasse pas, c’est dans le centre même. Au fait c’est au bazar de Port-Louis.

— Au bazar ? Qu’est-ce que tu veux acheter au bazar de Port-Louis que tu ne peux pas trouver à Rose-Hill. Tu sais, maintenant on trouve de tout dans les villes, on n’est plus obligés de descendre à Port-Louis pour un oui et pour un non.

— J’ai cherché, mais je n’ai pas pu trouver.

— Qu’est-ce que tu cherches comme ça ?

— Ayo, c’est un peu délicat. Je ne sais pas comment…

— Tu peux me dire comment je vais faire pour aller acheter une affaire pour toi, si tu ne me dis quelle affaire c’est ?!

— Tu dois me promettre que ça va rester juste entre nous. Que tu ne vas pas parler de ça avec tes collègues pendant la pause thé/café.

— Mais tu sais bien que pendant le thé on cause des affaires des autres, pas de nos affaires à nous. Alors, qu’est-ce qui t’es arrivé comme ça ?

— Tu promets que…

— Tu me connais, quand il le faut, je suis muette comme une tombe.

— Je te fais confiance alors.

— Mais oui, foutour va ! Qu’est-ce que je dois acheter pour toi au bazar de Port-Louis ?

— Tu sais que je viens de recevoir chez moi ma cousine qui habite en France…

— Oui, tu m’avais dit. Ça s’est bien passé ?

— Ils ont été enchanté, et ils m’ont laissé… un cadeau.

— C’est sympa. Qu’est-ce qu’ils t’ont laissé comme ça.

— Enfin, quand je dis cadeau… tu sais quel est le principal problème sanitaire qu’il y a actuellement en France ?

— Un problème sanitaire… la canicule… les… nooon, ne me dis pas… tu veux dire que…

— Je crois que tu as compris quel est le cadeau que ma cousine m’a laissé en partant…

— Tu veux dire qu’elle avait emmené dans ses bagages… des…

— Sa même, toi ! C’est à cause de ça que j’ai besoin que tu passes au bazar de Port-Louis pour m’acheter…

— Je sais : enn ti sase lapoud pis ek pinez !

J.-C.A.

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