— Alors, qu’est-ce que tu as eu pour ta fête ?
— Ma fête ? Tu as oublié ? C’est en juillet toi.
— Je ne te parle pas de ton anniversaire mais de la Saint Valentin.
— Ça existe encore cette affaire-là ?
— Mais plus que jamais. Elle fait partie des traditions comme Noël, la fête des Mères tout ça.
— Tu veux dire les fêtes qui donnent l’occasion aux commerçants de vendre leurs marchandises en organisant des soi-disant promotions spéciales.
— Ça même, avec les promotions dans les hôtels et les restaurants, et émissions spéciales à la télévision, sans oublier les bouquets de fleurs tout ça.
— Tout le tralala pour te faire dépenser, quoi !
— En parlant de fleurs, tu sais qu’on vient de découvrir que 40% des fleurs des bouquets en France sont remplis de pesticides dangereux pour la santé.
— C’est pas vrai ? Tu crois que c’est la même chose pour les fleurs de Maurice ?
— Ça je ne peux pas te dire, mais vu la quantité de pesticides qu’on met dans les légumes, je ne serai pas étonnée qu’on fasse la même chose pour les fleurs.
— C’est vrai que si tu ne laves pas bien tes légumes avant de les cuire, il y a un arrière-goût bizarre qui reste.
— Pour en revenir à ce qu’on disait, on dirait qu’il y ait eu moins de campagne de promo pour la Saint Valentin cette année.
— Normal toi, avec la situation économique, les porte-monnaie sont vides. Surtout pour les gens qui, comme moi, n’ont pas eu le quatorzième mois. Ni en entier ni en petites tranches !
— Cette affaire de quatorzième mois t’est restée en travers de la gorge, hein.
— Et comment ! Cela dit, les gens — même ceux qui ont eu le quatorzième mois — n’ont pas les moyens de célébrer. Il faut éviter de dépenser à tort et à travers, et faire des économies.
— Mais un petit cadeau de temps en temps…
— … petit ou gros, un cadeau coûte de l’argent, et tu n’as rien de convenable pour moins de Rs 500. Je préfère garder ça pour les commissions de la fin du mois.
— Si je comprends bien, tu n’as pas eu de cadeau de la Saint Valentin…
— … j’en ai eu un, mais pas ce que je voulais.
— Tu vois, ton bonhomme n’a pas oublié !
— On a dû le forcer à ne pas oublier ! Il a fallu que ma belle-mère entre dans la danse.
— Ah bon ? Qu’est-ce que ta belle-mère a à faire avec la Saint Valentin ?
— Elle a besoin de protéger l’image de la famille. Elle a fait comprendre à son fils que s’il ne me faisait pas un cadeau pour la Saint Valentin, les gens, surtout ceux de mon bureau, allaient causer sur nous…
— Mais pourquoi ?
— Ne me dis pas que tu ne sais pas que la Saint Valentin, comme les autres fêtes commerciales d’ailleurs, c’est pour montrer le cadeau que tu as donné ou que tu as reçu !
— À ce point-là ?
— Pour ma belle-mère, l’image de la famille est très importante. Elle dit que si son fils ne me donne pas un cadeau de Saint Valentin, les gens vont croire qu’on ne s’entend pas, qu’on est en crise.
— Comme ça ce que les gens peuvent penser est important ?
— Pour ma belle-mère oui, toi. Quand elle te dit qu’est-ce que les gens vont dire, elle a tout dit.
— Donc, ton bonhomme a écouté sa maman et t’a fait un cadeau ?
— Oui et non. Laisse-moi t’expliquer un coup.
— Il vaut mieux parce que je ne comprends rien à cette affaire-là.
— Quand ma belle-mère s’est rendue compte qu’on n’allait pas fêter la Saint Valentin, elle a brossé la tête de son garçon en lui disant, justement, qu’est-ce que le monde dira. Elle l’a tellement cuscuté qu’il est venu me demander ce que je voulais comme cadeau. Je lui ai répondu rien du tout.
— Et alors ?
— Tu connais ma belle-mère, elle a continué à cuscuter son garçon, qui a fini par dire qu’il allait me faire un cadeau-surprise. Là, j’ai dit qu’il n’en était pas question.
— Mais pourquoi, c’est chouette une surprise.
— Sauf que mon bonhomme ne sait pas choisir les cadeaux. Une fois il m’a offert une robe que j’ai dû jeter.
— Pourquoi ?
— Il avait acheté en promotion une robe avec des couleurs brillantes, comme une guirlande de Noël, alime-tegn, tu vois ! Donc, j’ai dit pas de surprise, et je lui ai demandé un cadeau qui me ferait vraiment plaisir.
— Qu’est-ce que tu lui a demandé comme ça ?
— Une chose qui allait vraiment me faire plaisir : qu’il me donne un coup de main pour qu’on fasse un nettoyage à fond de la maison pendant le week-end.
— C’est original comme cadeau. Qu’est-ce que ton bonhomme a dit ?
— Il a bourré en désordre et sa maman l’a soutenu.
— Comment ça ?
— Lui ne voulait pas me donner un coup demain pour nettoyer la maison. Elle, elle a dit que ce n’était un cadeau qu’on peut montrer aux autres.
— Et alors ?
— Et alors ma belle-mère est allée avec son garçon m’acheter un bouquet de fleurs pour la Saint Valentin qu’il est venu m’offrir à mon bureau afin que tout le monde puisse le voir !
— Un bouquet, c’est quand même sympa de sa part, non ?
— Ca a dû coûter je ne sais combien. Et après ce que tu viens de me dire sur les pesticides dans les fleurs…
J.-C.A.