La vengeance est un plat qui se mange froid

Laissons de côté les affirmations de Roshi Badhain selon lesquelles il serait un protégé de « séki là-haut là ». Une revendication qui pourrait faire sourire quand on se rappelle que celui qui fut considéré à un moment comme son père adoptif avait été autrefois qualifié de « enn tigit pli tipti ki bondié. » Comme tous les politiciens, sans doute un peu plus que d’autres, Roshi Badhain a besoin de se convaincre et de convaincre les autres, le grand public, ses éventuels électeurs, qu’il est quelqu’un d’exceptionnel. Et comme personne ne le dit assez – à part les membres de son parti –, il le fait lui-même et semble y prendre grand plaisir. Passons sur son besoin d’autoglorification pour nous arrêter sur l’accusation provisoire portée contre lui par la police et qui vient d’être rayée par la Cour. Une accusation rayée qui donne une idée de la manière dont la police mène certaines enquêtes. Elle commence par accuser, requiert et obtient que l’accusé soit mis en liberté provisoire avant de commencer l’enquête. Dans le cas qui nous occupe, la police apprend – comment, par qui ? – que quelqu’un veut dénoncer un vol de bois au préjudice du gouvernement. Dès que la police apprend – comment et par qui ? – que le voleur présumé serait Roshi Badhain, un politicien qui tient plusieurs conférences de presse par semaine pour dénoncer les conditions dans lesquelles le Premier ministre a fait l’acquisition de sa résidence à Vacoas, l’allégation devient un « genuine case » pour la police. Elle ne se pose aucune question sur la véracité de l’allégation, sur les motifs du dénonciateur – et aussi complice de celui qu’il dénonce – de venir révéler, plusieurs années après, le supposé délit. Le passé et la crédibilité du dénonciateur n’intéressent pas la police. Ce qui lui importe, c’est qu’on puisse coincer celui qui accuse le Premier ministre de ne pas avoir respecté la loi. Même si la dénonciation peut ressembler à un coup monté par des prétendus spin doctors pour décrédibiliser l’adversaire principal de leur employeur.
L’affaire occupa, bien sûr, la une du JT de la MBC. Les aboyeurs du MSM tinrent des conférences de presse pour dénoncer l’accusé qui osait accuser le Premier ministre, furent à la fois procureur, magistrat et jury et condamnèrent le prévenu, qui est censé être innocent aussi longtemps qu’une Cour n’a pas établi sa culpabilité. Ils profitèrent de l’occasion pour dénoncer les oppositions qui avaient en leur sein un individu qui avaient volé des planches de bois appartenant au gouvernement. Ils ne le dirent pas, mais leur ton indigné laissait entendre que l’avocat qu’ils avaient condamné à la peine maximale devait être au moins radié de la profession et interdit de faire de la politique pour le reste de ses jours. Badhain se défendit et, au lieu de se taire, attaqua en dénonçant un complot, fit servir du papier timbré à des policiers trop impliqués à son avis dans sa mise en accusation. Il multiplia les conférences et les déclarations à la presse, sans compter quelques émissions de radio en live and direct, dont il a le secret, et affirma que devant une Cour de justice, le mince dossier que les enquêteurs de la police avaient fini par constituer ne tiendrait pas le coup. Que les accusations et les accusateurs allaient se dégonfler comme un ballon de foot crevé. C’est exactement ce qui vient de se passer, cette semaine. Le « dossier » de l’accusation s’est écroulé comme un paquet de cartes, les soi-disant preuves – dont le témoignage du témoin vedette et repenti – n’ont pas convaincu la Cour qui a rayé l’affaire. Ce qui a permis à Roshi Badhain de faire sa déclaration sur sa relation avec « séki là-haut là. » Non seulement la police s’est ridiculisée, une fois de plus, mais les policiers qui ont participé au « montage » du dossier contre Badhain vont la sentir passer. L’avocat a promis de traîner ses accusateurs en Cour et de prendre son plaisir – il a dit son nissa – en les faisant entrer dans le box des accusés pour les interroger. Je ne sais pas si Roshi Badain a la connexion qu’il prétend « avek séki là-haut là », mais pour l’avoir vu pratiquer son métier en Cour, je peux garantir à ceux qui auront à lui faire face que ça va être leur fête. La vengeance est un plat qui se mange froid, et Badhain est un chef dans ce domaine. Les policiers seront sur le gril, tandis que ceux qui ont ourdi l’affaire continueront à monter de complots qui se retourneront comme les précédents, contre leur employeur. Et donneront plus de crédibilité et de popularité aux adversaires qu’ils essayent de piéger.

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