C’est en 2021-22 que des rumeurs commencent à circuler sur une curieuse stag party, une partie de chasse au cerf. Au premier abord, on pense qu’il s’agit d’une partie de chasse au cours de laquelle des cerfs sont rabattus par des tchoulévers un endroit déterminé du chassé, généralement au pied d’un mirador, d’où les chasseurs et leurs invités — déguisé en chasseurs en ayant adopté les vêtements et le comportement — peuvent leur tirer dessus. Pour les protecteurs de la cause animale, ce n’est un abattage légal de bêtes d’élevage. Pour les chasseurs, c’est un sport. D’aucuns le qualifient même de sport de roi. Les bêtes abattues sont alors photographiées avec le chasseur posant fièrement avec son arme — souvent le pied dessus — juste avant le déjeuner bien arrosé qui suit traditionnellement la battue. Autrefois, le déjeuner de chasse était animé musicalement par un « gardien chassé » qui faisait également office de ségatier, le plus célèbre d’entre eux ayant été un certain Ti-Frer.
Puis, la rumeur s’est amplifiée et des détails ont commencé à circuler. On a ainsi appris qu’en fin de compte, il s’agissait d’une stag party très particulière. Au lieu de se dérouler au petit matin après le lever du soleil, elle aurait eu lieu après le coucher de l’astre, ce qui en aurait fait une « stag party nocturne ». Mais il ne s’agissait pas d’une partie de chasse nocturne où le chasseur traque le gibier, en pleine nuit, dans son milieu naturel. Non, il s’agissait d’une stag party sans chasse, qui s’est déroulée dans le campement d’un chassé situé non loin de Grand-Bassin. S’il y avait du cerf, il avait été déjà tué et servi avec les alcools forts indispensables dans ces bois glacés. Parmi les participants à cette party, il y avait du beau monde: un ministre, accompagné d’une femme présentée comme une de ses amies proches, un PPS et un haut fonctionnaire d’une part. Et de l’autre, des individus impliqués dans la gestion de chassés et l’élevage de cerfs. Mais me direz-vous qu’est-ce qu’un ministre, un PPS et un haut fonctionnaire faisaient dans un chassé en pleine nuit ? D’après des dénonciations d’un participant, la réunion avait été organisée pour discuter de chassés. Est-ce que cela veut dire que le ministre, qui était responsable de l’Agro-industrie — donc des terres et des chassés — avait décidé de faire — comme certains des nouveaux ministres — une visite surprise sur le terrain?
Pas du tout. Il était là pour conclure un deal : l’octroi d’un terrain de 250 hectares appartenant à l’État à une compagnie. À première vue, on pourrait penser que ce ministre faisait dans l’excès de zèle en allant discuter la nuit en pleine forêt de l’attribution d’un terrain.
Mais voilà, on apprendra plus tard d’un des protagonistes de la stag party nocturne qu’il y avait au menu de la soirée non seulement à boire et à manger, mais surtout la conclusion d’un deal pour l’obtention des 250 hectares. Le deal aurait compris une somme versée en guise de remerciements pour les démarches. Mais le problème aurait été que si la somme en guise de remerciements avait été bien remise, les terres n’avaient pas été obtenue. Les dénonciations publiques d’un protagoniste lésé dans cette affaire ont forcé la police à ouvrir une enquête sur les allégations. En 2023, après une enquête qui a pris son temps, le PPS et le haut officier présents à la stag party ont été arrêtés. Mais curieusement, un des principaux protagonistes de cette affaire, le ministre, n’a pas été interpellé.
Est-ce parce qu’il avait occupé le poste d’Attorney General dans le passé ou est-ce parce qu’il était le secrétaire général du MSM et que, comme c’était le cas dans un passé récent, lakwizinn avait donné des instructions au commissaire de police — l’amateur de gel — de ne pas inquiéter ce membre du gouvernement ? Toujours est-il qu’on n’a plus entendu parler de l’enquête ouverte, alors que dans d’autres cas, surtout dans ceux concernant les membres ou les proches des oppositions, les enquêtes étaient menées et conclues à la vitesse grand V. On pensait que le dossier stag party nocturne avait été rangé dans un tiroir dont on avait jeté la clef, quand soudainement, elle vient de rebondir « avec l’apparition d’éléments inédits».
Du coup, une interdiction de quitter le pays a été logée par la police contre le ministre qui n’avait pas été interpellé et on annonce qu’il le sera bientôt dans le cadre de l’enquête sur l’affaire de la stag party nocturne que l’on croyait enterrée.
Espérons que la suite de cette enquête ne va pas prendre autant de temps que sa première partie.