Il existe dans le sport de haut niveau, plus particulièrement dans le football, la saison des transferts, familièrement appelé mercato, ou marché. C’est au cours de cette période que les directions des équipes se battent, en sortant le carnet de chèque, pour recruter les joueurs les plus talentueux de formations adverses. Au niveau politique à Maurice, nous avons droit à la saison des transfuges avec d’obscurs politiques annonçant leur démission de leur ancien parti et leur adhésion à un nouveau. Le MSM. À ce niveau, il n’est pas question de capacité et de talent, seulement de reniement et de trahison sur commande. Nous avons assisté, il y a quelques semaines, à une vague de démissions du MMM vers le MSM. Des « militants » , illustres inconnus, se sont mis a défiler devant les caméras de la MBC pour dénoncer le leader et les dirigeants mauves qui n’avaient jamais reconnu leurs grands talents et leurs immenses mérites. Ils ont tous annoncé leur adhésion au MSM en récitant une phrase, visiblement apprise par cœur, affirmant que leur tout nouveau leader a toutes les qualités du monde et plus encore. Il semblerait, d’ailleurs, que ce couplet fasse partie d’une clause obligatoire du contrat des nouveaux adhérents au MSM. Toute cette opération de débauchage est organisée par les agents recruteurs – d’autres emploieraient des termes plus forts et plus crus – dont la spécialité est de faire chanter « viré mam » aux potentiels transfuges. Le chef recruteur serait un spécialiste du reniement qui s’est fait remarquer par sa capacité à dénoncer, du jour au lendemain, son ancien frère Navin Ramgoolam pour encenser son nouveau, Pravind Jugnauth. L’opération de débauchage politique est organisée avec, évidemment, le concours de la MBC – qui ressemble de plus en plus à une succursale du parti du soleil – qui accorde généreusement du temps d’antenne dans ses journaux télévisés pour les explications /justifications /dénonciations des démissionnaires.
Après les démissions en série du MMM, il semblerait que la vague vient d’atteindre le Parti Travailliste. L’opération semble avoir débuté avec Kalyanee Jugroo, l’ex-secrétaire générale des rouge qui le fit avec une discrétion remarquable. Ce n’est que des années après avoir occupé ce poste qu’elle vient de découvrir qu’elle n’était pas conviée aux conférences de presse, que les annonces et les interviews importantes étaient faites par d’autres membres – majoritairement des hommes – et que selon l’expression consacrée, on l’avait utilisée comme un vase à fleur ou « enn poupet dookia ». Traitement qu’elle avait accepté sans problème et sans état d’âme. C’est en sortant de cette longue période de léthargie – sans doute, avec l’aide des agents recruteurs orange – qu’elle a décidé de démissionner de son poste et du parti dont elle est membre depuis plus de trente ans. Elle a affirmé que c’est un manque de considération à son égard qui a motivé sa décision. Si Mme Kalyanee Jugroo ne s’est pas, comme d’autres transfuges, drapée dans un sari orange, elle a quand même annoncé la couleur de sa prochaine destination politique en disant que « le leader du MSM est jeune, est à l’écoute et n’est pas arrogant. » Et pour ceux qui n’auraient pas compris, elle a ajouté : « Je ne vois pas la population injurier le Premier ministre comme elle le fait pour d’autres. »
Mais qu’est-ce que le MSM fera de tous ces transfuges qui, si la vague continue, seront bientôt plus nombreux que les militants orange de souche ? Déjà, il semblerait que les authentiques – ou, en tout cas, les plus anciens – ne voient pas d’un bon œil les nouveaux venus qui prétendent qu’ils ont accepté d’être débauchés contre des promesses de nominations ou de ticket aux prochaines élections. Le mécontentement entre les anciens et les nouveaux venus risque d’augmenter et de provoquer les mêmes vagues de mécontentements que le parti orange a su organiser chez ses adversaires. Il y a aussi le cas de ceux qui ont quitté leur parti en les reniant et en dénonçant leurs anciens leaders, avant de chanter les mérites de Pravind et qui ont été oubliés dans un coin. Ils attendent toujours le boutte promis qu’ils ne voient pas venir. Comme quoi, en politique, la trahison ne rapporte pas toujours et les promesses n’engagent que ceux qui ont la naïveté, ou la stupidité, d’y croire.
Jean-Claude Antoine
La saison des transfuges
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